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vendredi 27 juillet 2012

PEUT-ON ENCORE CROIRE EN LA TRINITÉ ?


UNE RÉFLEXION SUR LA VALIDITÉ DU DOGME TRINITAIRE



            Il faut toujours avoir présent à l’esprit que Jésus de Nazareth était juif et que en tant que tel il a toujours été absolument et jalousement monothéiste. Jésus non seulement n’a jamais parlé de  la «trinité», mais il ne pouvait même pas penser en une trinité de personnes en Dieu qui aurait sonné pratiquement blasphématoire à ses oreilles. Pour Jésus, Dieu est un seul et pas plus qu’un.

            Pour étrange que cela puisse paraître à certains chrétiens, la doctrine de la Trinité n'est pas du temps de Jésus, mais beaucoup plus tardive. De fait, sa formulation  doctrinale est l’œuvre du Concile de Nicée (325).  Cela signifie alors que les  Évangiles  ne peuvent pas parler de la Trinité comme nous la connaissons aujourd’hui et que les phrases d’Évangile qui semblent faire référence à la doctrine de la Trinité (les formules trinitaires), sont des ajouts postérieurs.
      
 Si la doctrine de la Trinité est une élaboration des premiers siècles du christianisme et qui seulement au quatrième siècle a acquis la formulation qui restera ensuite celle officiellement acceptée par l’Église, cela signifie que ce dogme catholique est fondamentalement une construction théologique postérieure et donc  non pas une révélation divine, mais  une  «construction humaine». Il  faut donc cesser de  penser que le mystère de la Trinité soit une vérité inconnue avant Jésus que celui-ci est venu nous révéler telle qu’on la trouve  maintenant formulée dans la doctrine officielle de l’Église.
  
La doctrine de la Trinité est donc finalement la façon  dont les chrétiens du  4ème  siècle ont cherché à comprendre et à exprimer le mystère de Dieu  de leur foi. Avec les instruments intellectuels de leur époque, empruntés à la culture et à la philosophie grecques, ils ont  formulé une hypothèse, qui, d’après eux, semblait mieux expliquer et donc mieux rendre compte du mystère de Dieu tel qu’il leur apparaissait dans les textes sacrés du NT où il était  souvent question d’un Dieu Père, d’un Dieu-Fils et d’un Esprit Saint. Pour composer leur système explicatif et pour bâtir et formuler leur hypothèse explicative sur Dieu, les théologiens chrétiens du 4e siècle ont utilisé, comme  instruments de leur travail et de leur recherche, les concepts, les notions, les abstractions, la  terminologie de l’analyse philosophique de leur époque comme  nature, essence, substance, personne, hypostase, relation, etc…

 A part le fait que cette terminologie ancienne, (lorsqu’elle a été conservée) n’a plus aujourd’hui le même sens qu’on lui attribuait  au 4ème siècle (par exemple, le mot hypostase qui servait en ce temps-là à indiquer le caractère unique de la personne, aujourd’hui est utilisé  pour indiquer les dépôts ou les sédiments qui se forment dans l’urine), la réalité indiquée par ces concepts (nature, essence, substance …de Dieu) ne peut plus aujourd’hui faire l’objet ni du même assentiment, ni de la même compréhension. Je veux dire par là que l’on peut très bien être chrétien aujourd’hui sans adhérer nécessairement à  ce type d’explication de Dieu qui remonte au 4ème siècle. Type d’explication qui pouvait, sans doute, convenir et satisfaire les exigences  intellectuelles des chrétiens de ce temps, mais qui ne réussit plus du tout à satisfaire celles complètement différentes et autrement plus exigeantes, plus éclairées, plus évoluées et plus critiques des chrétiens du XXIème  siècle
 
On peut dire que la doctrine de la Trinité fut la réponse que le christianisme du 4ème siècle, qui venait de sortir des catacombes et qui cherchait à se tailler une place au soleil, dans une société  imprégnée de culture et de philosophe grecque, a su donner à la question de Dieu. Ce fut sans doute un très bel exemple d’inculturation d’une religion d’origine juive dans une culture totalement différente. Le mouvement  judéo-chrétien des débuts, complètement étranger aux catégories philosophiques de l’hellénisme, finit par s’exprimer, se reformuler dans un langage  qui n’avait rien à voir avec le langage biblique de ses origines.

Pour nous, cependant, le  problème réside dans le fait que la philosophie grecque  ne se trouve aujourd'hui que dans les livres d'histoire et que dans la vie réelle plus personne ne recourt à cette manière de penser et de s’exprimer pour trouver des réponses ou des explications aux questions posées par les mentalités et les problématiques actuelles. Alors que le monde et la culture ont cessé de croire en l’efficacité de l’ancienne philosophie grecque comme instrument explicatif de la réalité, l'Église, elle, continue d’utiliser cette philosophie, cette archaïque façon de penser, pour présenter et expliquer ses dogmes, pour formuler ses doctrines; dogmes et doctrines  qu’elle persiste à considérer comme intouchables et, dans des nombreux cas, comme in-interprétables  (= il est défendu de chercher une autre façon d’interpréter ou d’expliquer  les contenus de la foi  et du dogme).
 
            Il y aurait aussi une autre question qui mériterait  d’être mentionnée, c’est la question du «théisme», c'est-à-dire la façon traditionnelle de concevoir Dieu. Dans la théologie catholique Dieu est habituellement  pensé et imaginé comme une personne masculine, comme une entité individuelle, comme un Être infiniment supérieur, aux pouvoirs extraordinaires et infinis, qui intervient dans les affaires des hommes, animé par des sentiments, des intentions et des réactions qui ressemblent étrangement à ceux des humains. Dans cette théologie trop facilement on parle de «Dieu» comme si l’on savait ce qu’on dit par ce mot  et comme si ce mot était capable de contenir et d’exprimer tout ce que Dieu est en lui-même. Aucun mot, aucune doctrine, ni aucune construction ou hypothèse théologique sont capables de dire Dieu. Toutes les explications, toutes les approches sont vraies et fausses en même temps; sont valables et non valables simultanément; sont ensemble fiables et non fiables. Car Dieu ne s’inscrit en aucun de nos schémas et ne se laisse définir par aucune de nos paroles; ne se laisse cerner par aucunes de nos  constructions théologiques ou intellectuelles. Donc, même le dogme de la Trinité n’est ni vrai, ni faux. Il n’est ni fiable, ni non fiable et il ne peut pas réclamer pour lui la loi absurde de l’intouchabilité et exiger l’adhésion indiscutable et éternelle des chrétiens. 
 
Car ce dogme ancien n’est, lui-aussi, que  l’effort des hommes d’une époque et d’un pays pour dire, dans leur langue et dans leur culture,ce qu’ils pensaient, eux, de Dieu. Mais d’autres approches, d’autres tentatives d’explication, d’autres possibles perceptions de Dieu sont possibles et sont et seront continuellement élaborées par la soif de vérité de l’intelligence humaine au cours des siècles. Et il faut qu’il en soit ainsi! Aucune approche intellectuelle, ni aucune doctrine, ni aucun discours sur Dieu, ne peuvent  avancer la  prétention d’être exhaustifs, d’être les seuls vrais et les seuls définitifs et de dire la parole ultime sur Dieu. Car Dieu sera toujours au-delà de toutes nos explications et de toutes nos formulations;  sa nature profonde ne pourra jamais être déterminée ou saisie par nos concepts humains ou être liée aux mots ni de nos Saintes Écritures, ni de nos crédos, ni de nos doctrines. Dieu n’est pas un individu ou une personne. Il n’est même pas un être. Il est Être ou Fondement d’être et rien ni personne ne peuvent le définir ou le déterminer. Et nous, les humains, malgré tous nos efforts, ne pourrons jamais ni le connaître, ni le comprendre vraiment, mais seulement balbutier notre étonnement si notre sensibilité est assez affinée pour «sentir», «expérimenter» et percevoir les traces de sa présence et de son action dans notre univers.
 
Nous devons donc abandonner l’idée d’un Dieu personne, grand manitou tout-puissant qui siège quelque part dans les cieux et qui intervient pour diriger et juger les actions et le destin des humains. Ce Dieu est un mythe et une pure invention de notre peur et de notre ignorance. Ce Dieu est une idole que nous avons faite à notre image et ressemblance et qui, pendant des millénaires, a dominé  les humains et a servi  les intérêts du pouvoir et des religions établies.

Aujourd’hui ce modèle mental de Dieu ne réussit plus à rallier les gens du XXIème siècle. Cette ancienne forme de  théisme est refusée et niée par la grande majorité de nos contemporains qui se définissent alors comme athéistes ou athées. Il faut donc marcher vers une nouvelle façon de concevoir Dieu qui réponde aux nouvelles attentes, aux nouvelles connaissances, aux nouvelles perceptions et aux nouvelles sensibilités de l’homme moderne. Je pense que maintenant l’alternative n’est pas théisme ou athéisme, mais post-théisme. Nos continuerons à croire en un Mystère de la réalité, en une Énergie primordiale, en une Puissance d’Amour source de vie, en un Fondement Original de l‘être que nos ancêtres ont nommé «Dieu» et qu’ils ont pensé à leur image. La conception  théiste de Dieu a satisfait les croyances de nos grands-parents. Elle s’avère cependant  maintenant incapable de satisfaire nos attentes. Il faut donc aller vers une nouvelle façon de comprendre Dieu qui puisse répondre à nos questionnements à nous, qui vivons dans l’ère de la rationalité, de la technique, de l’astrophysique, des voyages spatiaux et du monde quantique.

            Nous continuerons à être des personnes croyantes, spirituelles, fascinées par Dieu; des chrétiens attachés avec ténacité et amour à la personne extraordinaire de Jésus de Nazareth. Mais nous serons des gens qui ne conçoivent et qui ne pensent et ne peuvent plus penser Dieu selon les modèles mythique et anthropomorphiques hérité du passé.

MB

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