"Je vais vous
préparer une place"
Du chapitre treize au chapitre seize de l'évangile selon Jean, l'auteur attribue à Jésus, quelques jours avant son exécution, un long entretien avec ses amis
les plus proches. Ce colloque, appelé aussi le testament spirituel de Jésus, est
d’une beauté et d’une profondeur extraordinaire. Jésus épanche
son cœur, laisse libre cours à ses sentiments et il nous permet
d’avoir un aperçu de son âme et de la profondeur de son
intimité avec Dieu, son père, et avec ses amis. Au début du chapitre quatorze, Jésus partage avec ses disciples le
pressentiment qu’il a de sa fin imminente et cherche à les
réconforter. Il les assure qu’il ne les abandonnera pas, mais
qu’il ira leur préparer une place dans la maison de son Père.
Nous trouvons dans ces paroles du Maître la plus claire formulation
de sa foi en une vie après la mort. Jésus a la ferme conviction
que sa mort n’est pas la fin de tout, mais le commencement de tout.
Et que son passage à travers l’épreuve de la mort ne fera que
le propulser dans une vie éternelle avec Dieu et que ce passage
est la destinée de tous ceux et celles qui meurent. "Chacun de
vous a déjà une place réservée dans la maison de mon Père," dit-il
affectueusement à ses disciples.
Ce texte de l’évangile
de Jean est un de mes préférés. Je lui dois beaucoup. Disons qu’il
a contribué à me réconcilier avec Dieu. Dans ma vie il fut un
temps où j’ai eu beaucoup peur de Dieu et donc de la mort. Non
pas peur de la mort en tant que telle, mais de ce qui venait après.
Dans ma jeunesse j’ai reçu une éducation religieuse stricte et
très moralisante. On m’avait présenté Dieu comme un être qui ne
plaisantait pas avec les principes de la morale catholique: exigeant,
rigide, inflexible; qui n’aimait pas les ouvertures d’esprit trop
modernes et qui ne se gênait pas à punir ceux qui s’éloignaient
du droit chemin défini et tracé par une multitude de dogmes, de normes et d’interdits. Je m’étais rendu compte qu’il ne
fallait pas grande chose pour mériter d’aller brûler dans le feu
du purgatoire ou éternellement dans les supplices de l’enfer : une
imprécation, un gros mot considéré blasphème, de la viande mangée
un vendredi saint, une messe du dimanche sautée, une communion faite
sans être en "état de grâce", un bref plaisir en solitaire ou
un rapport conjugal protégé…. et ça y est… tu étais un
candidat assuré aux peines éternelles …
Heureusement qu’un
jour j’ai connu Jésus de Nazareth... C’est lui qui m’a libéré
de mes peurs et de mes angoisses…. Après avoir fait la rencontre
de sa personne et de sa son enseignement, Dieu m’est apparu sous
une toute autre lumière…. Jésus m’a fait comprendre la vrai
nature de Dieu, si Dieu y est! Un être d’amour et de tendresse
(combien différent du monstre sadique de mon catéchisme!); un père
et une mère qui veux seulement et toujours le bonheur de ses
enfants. Un Dieu qui préfère souffrir plutôt que faire souffrir;
qui choisit de donner sa vie, plutôt que de prendre ou détruire
celle des autres. Depuis
ma découverte de Jésus, je n’ai plus aucun doute maintenant sur
la nature de ma condition après ma mort. Je suis convaincu que
si Dieu existe, ce Dieu n’est qu’amour qui cherche à se
communiquer et qui viendra me remplir de lui-même lorsque, en
passant à travers le creuset de la mort, je ferai fondre la
carapace de mon corps, mon esprit sera totalement ouvert et
disponible à la douceur de son étreinte. «Je m’en vais vous
préparer une place, je reviendrai vous prendre avec moi; parce que
là où je suis vous y serez aussi » … Ces paroles de Jésus
me rassurent quelque peu sur mon sort éternel. Je me
sens maintenant plus serein et en paix devant le mystère de la
mort.
Jésus
m’a appris que mourir ce n'est pas finir, c'est
continuer autrement. Un être humain qui s'éteint, ce n'est pas un
mortel qui finit, c'est un immortel qui commence. La tombe est un
berceau. Et le dernier soir de notre vie temporelle est le premier
matin de notre éternité. "Ô mort si fraîche, disait
Bernanos, ô seul matin!". Car la mort, ce n'est pas une chute
dans le noir, c'est une montée dans la lumière. Quand on a la vie,
ce ne peut être que pour toujours.
Mourir, au fond,
c'est peut-être aussi beau que naître. Est-ce que le soleil
couchant n'est pas aussi beau que le soleil levant? Un bateau qui
arrive à bon port, n'est-ce pas un heureux événement? Et si naître
n'est qu'une manière douloureuse d'accéder au bonheur de la vie,
pourquoi mourir ne serait-il pas qu'une façon douloureuse de devenir
heureux? (Doris Lussier, La mort vivante)
Ce
qui me préoccupe maintenant ce n’est pas ce qui se passera après
mon départ, mais comment je vivrai ma mort. Dans la peine ? Dans
l’angoisse? Dans la révolte? Dans le regret? Ou bien dans
l’abandon et dans la paix ? Je ne sais pas avec quelles pensées
et quels sentiments je quitterai ce monde. Mais s’il est vrai que
l’on meurt comme on a vécu, alors je pense que je vais mourir
dans la confiance. Mais je sais aussi que j‘aurais beaucoup de
peine à quitter les personnes que j’ai aimées, et que je m’en
voudrais de ne laisser aucune trace de mon passage. Je voudrais les quitter en sachant que j’ai contribué à les rendre meilleures.
J’aimerais pouvoir affirmer que le mal que j’ai fait au cours de
ma vie a toujours été plus le résultat de ma faiblesse que le
fruit de ma méchanceté. J’aimerais pouvoir affirmer que, dans ma
vie, le poids de l’amour l’a toujours emporté sur celui de la
haine; que l’attrait du don et de la bonté a toujours été plus
fort que celui de l’égoïsme et de l’insensibilité. J’aimerais
pouvoir dire que, malgré mes fautes, mes chutes et mes faiblesses,
j’ai toujours cherché à me relever et que je ne me suis jamais
complu dans le vice et la vulgarité. Que dans ma vie j’ai toujours
donné plus de place à la magnanimité du pardon qu’à la
mesquinerie du ressentiment et de la vengeance. Et que je me suis
plus préoccupé d’être que d’avoir.
Mais
surtout j’aimerais pouvoir dire d’avoir vécu en personne libre:
libéré, grâce à l’évangile de Jésus, de toute forme
d’asservissement humain, social et institutionnel, guidé
uniquement par la lumière de sa parole et de son Esprit.
J’aimerais que ceux et celles qui m‘ont vu passer à travers leur vie, puissent dire après ma mort: "Il était bon . Nous étions bien en sa compagnie. Il nous a rendus meilleurs. Il a su
aimer …Il nous a bien parlé de Jésus; il est sans doute avec son Dieu… "
MB
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