Rechercher dans ce blog

mardi 1 septembre 2020

Il n’y a pas d’amour sans souffrance

 

( 22e dimanche ordinaire A - Mt. 16, 21-27)

 

On se souvient tous de l'Évangile de dimanche dernier où Pierre a reconnu Jésus comme le Fils de Dieu, mais il y a une deuxième partie à ce texte, moins poétique et plutôt déconcertante, qui est proposée par l’Évangile d'aujourd'hui. Jésus, pour la première fois, parle ouvertement à ses disciples de l'échec de sa mission, du rejet, de la persécution et de la souffrance qu’il devra endurer et de l'inéluctabilité de sa mort imminente. Pierre alors intervient, prenant Jésus à part : « Maître, mieux vaut ne pas faire ce discours. Ça décourage le moral ! Que Dieu nous garde et te garde de la souffrance ! » Pierre voudrait enseigner à Jésus une meilleure façon d’accomplir sa mission. La réaction de Jésus est très dure : « Tu raisonne comme les gens du monde, tu n’es pas encore mon disciple, ton discours est diabolique …»

     Oui, Pierre nous ressemble beaucoup ! Nous aussi, nous réagissons comme lui face au malheur et à la douleur. Nous ne voulons pas non plus entendre parler de souffrance, d’épreuve et de mort. Nous aussi, nous sommes angoissés et effrayés à l'idée d'être abandonnés, incompris, de perdre la santé, de souffrir, de mourir. Nous souhaitons tous échapper à notre condition de créatures fragiles et transitoires. Nous aussi, nous faisons tout ce que nous pouvons pour ne pas penser qu’un jour l’infirmité, l’invalidité, la souffrance qui viennent avec la vieillesse et la détérioration de notre santé, nous atteindront inévitablement.

Sans parler de la souffrance que nous ressentons du simple fait que nous aimons et que nous tissons des liens d'affection, d’amitié ou d'intimité avec les personnes. Parce qu'on ne peut pas aimer sans souffrir. Parce que le simple fait d'aimer quelqu’un, nous rend vulnérable. Parce que quand on aime, on est inquiet, on est anxieux, on n'a plus de paix. Parce que lorsqu’on aime vraiment, on est prêt à se sacrifier, à s’oublier, à souffrir et même à mourir pour l'être qui nous est cher. Voilà pourquoi on ne peut pas vivre sans souffrir. Voilà pourquoi la souffrance fait partie de la vie. Voilà pourquoi celui et celle qui aime en a toujours le cœur blessé.

Jésus nous enseigne ici que c'est l'amour qui donne sens et valeur à notre existence; et qu'il n'y a pas d'amour sans don de soi, sans souci pour l’autre, sans renoncement, sans sortie de soi, et sans engagement en faveur des autres. À la suite de Jésus, nous apprenons donc qu’il est nécessaire de penser moins à soi-même et plus aux autres; de renoncer donc à satisfaire tous nos caprices et nos désirs; de perdre un peu de soi, un peu de sa vie, pour vivre pleinement. C'est pourquoi Jésus dit : « Si quelqu'un veut me suivre, il doit se renier; parce que celui qui veut sauver sa vie la perdra; mais quiconque perd sa vie à cause de moi la trouvera. » 

Jésus reproche à Pierre de ne pas avoir encore compris cette grande vérité. On ne peut pas toujours éviter la souffrance, car quiconque veut supprimer toute souffrance, comme le veulent les bouddhistes, risque aussi de supprimer le pouvoir et la beauté de l'amour dans sa vie. 

Cependant, a bien réfléchir sur ce texte, ne pourrait-on pas penser que Jésus ici n’a peut-être pas réalisé que, finalement, l’éclat angoissé de Pierre n’était en réalité que la réaction normale de l’amour qui ne peut pas accepter de gaieté de cœur la souffrance de son Maître?

Jésus nous dit non seulement que la vie a un sens, mais il nous avertit également qu’elle a une direction et que notre bateau est destiné à atteindre le rivage de l'éternité, le port de Dieu. Attention alors à mettre le cap dans la bonne direction ! Attention à ne pas alourdir votre embarcation avec des charges encombrantes et sans valeur qui risqueraient de rendre inutile le voyage ou de faire couler votre bateau. 

 Jésus nous dit que l'amour, le don de nous-mêmes aux autres, le souci de construire un monde meilleur, plus juste et plus fraternel, sont les seuls biens que nous devons transporter, la seule marchandise qui a de la valeur et qui sera appréciée et bien payée lorsque nous nous présenterons à la douane de Dieu pour passer sur l’autre rive. 

 L'amour pour les frères est le seul moyen dont nous disposons pour aimer Dieu et pour réaliser la meilleure partie de nous-même que l'évangile appelle notre « âme ». Tout le reste est relatif et secondaire, C’est pour cela que Jésus nous avertit : « Quel avantage l'homme aurait-il à gagner le monde entier, s’il y perd son âme ? » Ou « Que peut donner l'homme en échange de son âme ? » Il n'y a pas de radicalisme et d'exclusivisme plus clairs que cela. Saint Augustin disait : « À quoi sert de bien vivre, si tu ne peux pas vivre toujours? »

 

BM