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mercredi 20 février 2019

UN HOMME TOUT ENTIER

( 4e dim. ord. C – Lc 4, 21-30)

L’Évangile d’aujourd’hui est la continuation de celui de dimanche dernier où on racontait que Jésus entré le jour du sabbat dans la synagogue de Nazareth, son village natal pour y faire la lecture du livre d’Isaïe.

Dans son village, où sa renommée de thaumaturge l’avait précédé, ses compatriotes auraient voulu un Jésus différent. Ils auraient voulu quelqu’un calqué sur leurs paramètres, sur leurs idées, sur leurs croyances et quand ils s'aperçoivent qu’il n'était pas conforme à leurs attentes, ils le rejettent. Ils refusent celui qui pourrait les faire sortir de leur chauvinisme et les ouvrir à une nouvelle conception du monde, à une nouvelle perception de Dieu, de la religion, à un nouveau genre de relations… et leurs vies auraient pu en être transformées et améliorées.

Apparemment, les habitants de Nazareth s’étaient déjà formés une idée de ce que le Messie aurait dû être et faire. Ils savaient déjà tout sur lui. Ils lui avaient déjà tracé à l’avance le chemin à suivre. Le Messie d'Israël ne choisit pas une ville païenne comme Capharnaüm comme endroit officiel de sa résidence ; et surtout, il ne choisit pas une ville païenne comme le lieu préférentiel de ses miracles. Le messie est juif, envoyé par Dieu aux juifs, à Israël, le peuple de son élection. Il ne peut donc pas être le Messie s’il fréquente les païens, s’il est l’ami de tout le monde sans se soucier de savoir s’ils sont de bonnes personnes ou pas.

La méfiance et l’hostilité des habitants de Nazareth sont le résultat de leurs multiples préjugés : « N’es-tu pas le fils de Joseph? Nous connaissons ta famille. Elle n’est ni meilleure ni différente des autres ! Toi, non plus! Avec tous les autres gamins du village, toi aussi tu as volé les figues sur le figuier dans la cour du rabbin. Qu’est-ce que tu crois être! Alors baisse ton caquet!» C'est l'étiquette qu'ils collent à Jésus. Ils lui en colleront d’autres : « Il est ami des publicains et des pécheurs. Il se laisse toucher et minoucher par les femmes de la rue ! Il passe son temps avec la racaille ! C’est un gourmand et un bon vivant qui aime manger et boire ! Il est un mécréant et un impie qui s’en fout des règles du Sabbat et des autres prescriptions rituelles de la religion…! »

Rabaisser les personnes est une attitude typique soit du jaloux, soit de l’imbécile, c’est-à-dire des personnes qui étant incapables de s’élever au-dessus des autres ou de se distinguer des autres par leur intelligence et leurs qualités, trouvent un malin plaisir à les dénigrer, dans l’espoir qu’en enfonçant les autres avec le marteau de leur ressentiment et de leur aigreur, ils pourront se rehausser un peu plus eux-mêmes

Combien de fois aimerions-nous que les personnes soient différentes de ce qu’elles sont ; faites à notre mesure et à notre image. Comme parents, que de fois nos avons de la difficulté à accepter que nos enfants soient originaux, surprenants, insolites, autres que nous ! Combien de fois nous voudrions qu’ils grandissent et se forment sur le modèle de nos aspirations, de nos désirs et de nos convictions. Nous souhaiterions qu’autour de nous les gens vivent dans le respect de nos besoins et en fonction de nos exigences.

Les gens de Nazareth ne réussissent pas à admettre que le Jésus qu’ils avaient connus enfant et qui, avec les autres gamins du village, piquait des figues sur l’arbre du rabbin, ait pu changer et devenir quelqu’un d’autre. Il se comportent comme ces mamans pour lesquelles leur gars de 40 ans est toujours leur «petit». Ils restent bloquées dans le passé, au "Fils du charpentier".

Il y a des individus qui ont de la difficulté à se rendre compte qu’ils vivent dans un monde soumis aux lois de la temporalité. Il m’est arrivé souvent, lorsque je retourne en Italie, d’entendre les réactions étonnées d’amis revus après plusieurs années : «Eh, Bruno, je ne t’avais pas reconnu! Mon Dieu, comme tu as changé!». Là-dessus, les plus stupides ne peuvent pas s’empêcher d’ajouter une petite pointe de piquant : « On vieillit tous, n’est-ce pas ? »

Bien sûr que j’ai vieilli ! Bien sûr que j'ai changé ! Heureusement que j'ai changé ! Mais toi aussi tu as vieilli et changé! Nous changeons tous. Nous devons tous changer, évoluer, nous transformer pour grandir. Nous changeons parce que nous sommes en vie. Être en vie, c'est changer, devenir. Si vous ne changez pas, vous êtes déjà mort. Seuls les morts ne changent plus. Il y a ceux qui changent pour le meilleur et certains qui changent pour le pire. Mais le changement est inévitable. Jésus est venu pour nous aider à changer pour le mieux.

Jésus n’a été tué ni par les athées ni par les incroyants, mais par les croyants les plus croyants, mais tellement croyants, pieux et zélés que dans leur vie il n’y avait de la place pour aucune nouveauté. Jésus qui a annoncé la Bonne Nouvelle, a été tué non pas parce que elle était bonne, mais parce qu’elle était nouvelle. Il a eu le malheur de l’offrir aussi a des gens très religieux, mais qui détestaient le changement et la nouveauté… et cela lui a coûté la vie.

Jésus ne se souciait pas vraiment de ce que ses adversaires disaient de lui. Il ne s'est jamais préoccupé de sauver sa face, de se conformer, d’accepter des compromis, de plier ou de revoir ses positions pour éviter la confrontation ou pour faire plaisir ou pour être admiré, accepté, aimé. Il était un homme libre et indépendant. Jésus avait compris que seulement celui qui est libre du jugement des autres, qui refuse de se laisse mener par les autres, en vivant à l’ombre des autres, celui-là vit vraiment et peut être entièrement lui-même. Jésus avait le courage de ses convictions et avait des convictions qu’il soutenait avec courage et détermination. Il a été l’homme de la vérité et de l’authenticité. Car si on ne vit pas sa vie, on finit par vivre celle des autres.

Ce passage d’évangile se termine par cette remarque : « Jésus, en passant, au milieu d’eux, s’en alla son chemin ». Jésus a dû se sentir blessé par tous ces ragots malveillants autour de sa personne. L’agressivité et l’incompréhension de ses compatriotes ont dû beaucoup le décevoir et l’attrister. Luc nous fait remarquer que Jésus a passé la tête haute au milieu de tout cela ; et que toute cette hostilité ne l'a ni arrêté ni écarté de son chemin. Il est resté lui-même ; il a gardé le cap, fidèle à la mission qui était la sienne.

Quel homme, mes amis !!!


BM

lundi 4 février 2019

UN AMOUR QUI VEUT TOUT SAVOIR

(3e dim. ord. C – Lc 1, 1-4 – 2019)

Nous avons lu le début de l'évangile de Luc. C’est l'évangile qui nous accompagnera durant cette année liturgique. Luc nous dit ici quelle est la méthode qu'il a suivie pour écrire son évangile. Il nous dit essentiellement ceci : « Chers amis, je ne suis pas ici pour vous entretenir avec des contes de fées, ou pour vous raconter des anecdotes édifiantes sur la vie de ce grand personnage qui fut Jésus. Il y a en circulation plein d’histoires sur son compte, mais dont personne a pris la peine de vérifier l’authenticité. Eh bien moi je l’ai fait ! Moi, j’ai fait des recherches, j’ai choisi mes sources ; j’ai interrogé des témoins oculaires fiables, j’ai trié mes informations. Je n’ai pas retenu n’importe quoi, mais seulement ce que j’ai jugé fiable et véridique ».

Luc est un médecin, un homme instruit, méthodique, un écrivain doué et sérieux qui ne veut pas risquer de se faire dire un jour qu’il a écrit n’importe quoi. Il rassure donc immédiatement ses lecteurs qu’il a effectué un travail historique précis, détaillé et avéré.

En nous rassurant sur la crédibilité de son travail, Luc veut faire comprendre à ses lecteurs que ce qu’il a écrit  est quelque chose de très important et de très précieux, car il contient un cadeau, ou plutôt, un trésor précieux, offert aux disciples de Jésus et qui est destiné à les enrichir. Il a écrit en effet pour des gens qui cherchent à suivre les enseignements du Maître Jésus, à vivre selon les valeurs, les principes et l’esprit qu’il leur a laissés. Son évangile est donc une bonne nouvelle qui s’adresse à des personnes qui ont été fascinées et conquises par l’originalité de son enseignement, par la qualité extraordinaire de son humanité et qui l’ont aimé de tout leur cœur et de toutes leurs forces.

Luc qui est médecin, et donc aussi un peu psychologue, sait combien est fort chez les personnes qui aiment, le désir de connaître dans les moindres détails tout ce qui se rapporte à la vie de l’être aimé. Lorsqu’on aime une personne, on veut la connaître à fond; on cherche à en savoir toujours davantage sur son compte. D’où vient-il celui que j’aime ? De quelle famille est-il issu ? A quelle école a-t-il été formé ? Qu’a- t-il fait dans sa vie ? D’où lui vient son charme, son attirance, son esprit, son savoir, ses connaissances, son charisme ? Quelles personnes a-t-il fréquenté avant que je le rencontre ? Quels sont ses goûts, ses préférences ? C’est qui, c’est quoi qu’il aime ou qu’il déteste ? Pour quelles valeurs s’emballe-t-il ? Quels sont ses rêves, ses projets, ses réussites, ses accomplissements ? Quels sont ses défauts, ses faiblesses, ses défaites, ses échecs ? C’est quoi qui le rend heureux ? C’est quoi qui le rend triste et qui le fait pleurer ? Qui sont ses amis, ses ennemis ? Qui est-il vraiment ? Pourquoi il me semble si spécial, si différant ? Pourquoi m’attire-t-il et me fascine-t-il autant ? Pour quelles raisons a-t-il bouleversé et changé ma vie ? Pourquoi je me sens si bien en sa compagnie ? Pourquoi je me sens une meilleure personne lorsque je module ma conduite sur son exemple ?...  

C’est seulement si nous nous posons ces questions et si nous cherchons à y répondre, que nous pouvons mesurer l’authenticité et le force de notre amour pour lui, et l’impact qu’il a dans notre existence de disciples.

 C’est pour nous donner la possibilité de trouver une réponse à toutes ces questions que Luc dit avoir écrit son évangile.
Luc, un médecin d'Antioche, n'a jamais rencontré Jésus. Luc a connu Jésus à travers l’apôtre Paul qui, à son tour, n'avait pas connu Jésus personnellement. La rencontre de Luc avec la pensée et l’enseignement du Maître de Nazareth changera à tout jamais le cours et la qualité de sa vie.

Cher Luc, comme tu es proche de moi ! Moi aussi, je n'ai jamais vu Jésus en chair et en os ! Parfois il m’arrive de penser que si j’avais eu la chance de vivre en son temps, de le rencontrer sur ma route, de vivre à ses côtés, de l’écouter, d’être témoin de ses miracles, de ressentir la fascination et le charme qui se dégageaient de sa personne…, eh bien, moi aussi j’aurais pu devenir son plus grand ami, un admirateur enthousiaste. Je me serais mis en quatre pour le seconder et l’aider à réaliser ses projets humanitaires de compassion, d’aide aux pauvres, de fraternité et d’amour universels. Je serais devenu un de ses disciples les plus fidèles et les plus engagés. Je serais devenu un chrétien authentique, à cent pour cent !

Et voilà que Luc aujourd’hui me dit que, lui non plus, n’a jamais vu ni connu le Nazaréen et que pourtant il a été totalement conquis par lui et qu’il a changé sa vie pour toujours ! Et voilà alors Luc de nous assurer que notre amour de disciples peut maintenant trouver dans son évangile tout ce qu’il lui faut pour satisfaire son envie de proximité et de connaissances. Il faut seulement prendre la peine de le lire, de s’en approprier, de s’en imprégner, de permettre à nouveau à l’Esprit de Jésus, contenu dans son évangile, de nous toucher et d’atteindre les profondeurs et la sensibilité de notre cœur.

Nous, les chrétiens modernes, qui vivons dans un monde qui souvent nous aliène et nous disperse ; qui savons si peu de choses sur un Jésus, que pourtant nous admirons et aimons … Quand et où notre amour pour lui trouvera-t-il l’opportunité de satisfaire son désir d’en connaître et d’en savoir davantage sur son compte ?

Pour nous qui habitons actuellement dans ce quartier de NDG, n’est-ce pas ici, dans cette église, que chaque dimanche nous avons la chance de rencontrer le Maître de Nazareth, d’écouter, de creuser et d’assimiler sa parole et d’en apprendre toujours en peu plus sur sa personne et sur l’esprit qui l’anime ? Cet esprit qui n'en finit pas de faire tressaillir et de séduire notre cœur de disciples, de nourrir notre attachement à lui et de donner tellement plus de souffle et de hauteur à notre existence ?
Chers amis, en cette Eucharistie qui nous rassemble au non de Jésus, remercions l’évangéliste Luc de nous rappeler tout cela.

BM