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mercredi 5 août 2020

Multiplication du pain et pandémie

(18e dimanche ordinaire, année A)


Le miracle de la multiplication des pains se trouve dans tous les quatre évangiles. C’est donc dire la grande importance que l’on attribuait à son message

Au-delà de son sens littéral, voyons-en quoi ce texte peut nous intéresser, nous qui vivons au XXIsiècle et dans une situation qui nous confronte, maintenant plus que jamais, à notre extrême fragilité et vulnérabilité. Dans ce récit, ce qui me frappe, en premier lieu, c’est le comportement de Jésus, que je trouve tellement semblable au nôtre, en ce temps de pandémie ! Jésus se confine, s’isole, se retire, il a besoin de se retrouver seul, loin du tumulte et de l’agitation de la vie ordinaire. Et cela pour s’arrêter, pour respirer, pour nourrir sa vie intérieure, pour défendre et sauver la qualité de sa relation avec Dieu, avec lui-même et avec la détresse humaine qui l’entoure.

D’une certaine façon, nous avons tous adopté aujourd’hui ce même comportement. Nous aussi, nous nous isolons, nous nous confinons, certes pas pour les mêmes raisons, ni avec la même spontanéité et le même goût que Jésus. Mais comme Jésus, nous le faisons par nécessité, pour nous défendre, pour sauvegarder une certaine sérénité intérieure, pour protéger notre santé et notre équilibre psychologique, pour sauver notre vie, même si nous aimerions être libres de faire à notre tête et de vivre différemment.

Une chose est certaine : le confinement et la solitude auxquels cette pandémie nous oblige, malgré son caractère pénible, angoissant et parfois dramatique, peut devenir pour nous, comme pour tous ceux et celles qui ont une certaine sensibilité religieuse et spirituelle, un temps de grâce, au cours duquel nous pouvons travailler à approfondir et à assainir les contenus, les motivations et les valeurs qui orientent nos choix et nos comportements, afin de déclencher (éventuellement) une sorte conversion intérieure, un virement existentiel, une rectification de marche, qui pourraient donner une nouvelle orientation, un nouvel élan et une nouvelle qualité humaine à notre existence.

Pour d’autres, ce temps de grâce sera consacré à réfléchir, à faire le point, à se remettre en question et à remettre également en question les comportements, les attitudes, les valeurs, les projets et les ambitions qui, jusque-là, avaient déterminé le cours de leur existence … et, peut-être, à chercher à remettre ensemble, ou à reconfigurer autrement, dans un encadrement plus ordonné et plus harmonieux, les morceaux décomposés, et éparpillés de leur existence.

Nous avons généralement tendance à penser que c’est difficile de s’arrêter, de se retirer, de prendre du recul, de lâcher prise, de chercher le silence et la solitude… Nous avons eu besoin de la pandémie pour comprendre que cela est une nécessité; pour comprendre aussi que, dans le concret et le quotidien de notre vie, souvent nous encombrons et nous appesantissons notre existence d’un tas de choses inutiles et superflues. D’autant plus que, souvent, elles empiètent sur notre liberté, notre paix intérieure et notre disponibilité aux appels de l’Esprit de Dieu et de nos frères.

Le Covid-19 nous a rendus tous un peu plus sages, plus endurants, plus résignés, moins exigeants. Il nous a obligés à nous contenter de moins, à aller à l’essentiel, à accepter et à apprécier une vie sans trop d’exigences, plus dépouillée, plus réservée, plus simple, plus sobre. Comment pourrions-nous être nous-mêmes, réaliser une bonne qualité humaine de vie si nous permettons à l’extériorité et à la matérialité de notre existence de nous accaparer au risque de nous décomposer et de nous disperser au point d’engloutir la meilleure partie de nous-mêmes ? Cette partie qui est constituée de notre sensibilité à l’Esprit en nous et aux vibrations du Mystère Ultime qui nous habite. Jésus avait réalisé cela bien avant nous !!!

Cet épisode de l’Évangile contient aussi une composante sociale sur laquelle il y aurait aussi beaucoup à dire. Jésus est entouré ici d’une multitude de gens qui sont dans le besoin. Les disciples s’en rendent compte : « Qu’est-ce qu’on va faire avec tous ces gens qui ont faim et qui, de toute évidence, manquent du nécessaire … ? ». Cependant, ils n’ont aucune intention de s’impliquer. « Après tout, ce n’est pas notre problème… - grognent-ils - ce n’est pas nous qui avons causé cette situation…».

Cette pandémie nous fait réaliser qu’une telle attitude d’indifférence et de désengagement est néfaste pour tous ; et que seul l’attitude contraire de l’attention à l’autre, de la préoccupation pour l’autre, du soin et de la prise en charge de l’autre, et donc de la solidarité, est capable d’assurer, finalement, notre santé et notre bien-être. Cette pandémie nous fait donc réaliser, avec une évidence frappante, que le bien qui est fait et l’amour qui est donné sont profitables autant au bénéficiaire qu’au donneur.

Et Jésus alors de leur répondre : « Sortez de votre égoïsme ! Engagez-vous ! Retroussez vos manches ! Vous, donnez-leur à manger ! ». Il ne s’agit pas de se dérober, de trouver des excuses ou des prétextes pour justifier notre inaction ou notre apathie. Il y a toujours quelque chose à faire quand notre prochain est dans le danger, la détresse et le besoin. Même si nous trouvons que nos moyens sont souvent insignifiants et que nous n’avons que deux sardines et quelques petits pains. Qu’est-ce qu’on peut faire avec ça ? Et pourtant…! Mettez-les ensemble, offres-les, distribuez-les autour de vous, partagez-les - nous dit Jésus - et vous verrez le miracle .,,! Tous en profiteront et se sentiront secourus, protégés et nourris par le pain de votre sollicitude, de votre compassion et de votre amour.

 Cet enseignement du Maître Jésus nous arrive à propos, en ces temps dangereux et angoissants de pandémie où, plus que jamais, notre sécurité et notre santé sont posées entre les mains de notre voisin, plus que dans celles de Dieu.


BM (28-8-2020)