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jeudi 10 août 2017

RÉFLEXIONS À OCCASION DE LA FÊTE DE LA TRANSFIGURATION DU SEIGNEUR

(Matthieu, 17, 1-9)

Jésus de Nazareth a opéré une véritable révolution dans la pensée religieuse de l’humanité : il a rendu «profane» toute religion, pour rendre «sacrée» toute personne.

Étymologiquement le mot « sacré » indique tout ce qui est soustrait à l’usage commun, ce qui a été « séparé » du monde profane, exclu du monde des hommes, pour être placé du côté du monde des dieux. Le sacré concerne donc principalement les religions qui ont à faire avec Dieu. Habituellement les religions ont placé le concept de  «sacré» dans les instruments qu’elles utilisent pour établir des relations avec la divinité. Ainsi considèrent-elles comme sacrés les temples, les cathédrales, les églises, les cloches, les objets du culte, comme les habits, l’autel, le calice, le tabernacle, les livres saints (la Bible), les images saintes, le crucifix, les statues, les reliques, certaines catégories de personnes consacrées (prêtres, évêques, papes , moines, religieux, et religieuses). En d’autres mots, la religion a sacralisé de choses, des gestes et des fonctions, dans lesquels elle croit détecter la capacité de rendre présent le pouvoir et l’action de Dieu dans notre monde et qu’elle considéré alors comme des intermédiaires valables pour aider les simples mortels à se mettre en relation avec la divinité.

Cependant, lorsque nous lisons les évangiles et que nous réfléchissons sur la façon de penser et d’agir de Jésus de Nazareth, nous avons la surprise de constater que, non seulement cette « sacralisation » si chère aux religions n’a aucun sens pour lui, mais qu’il l’a combattue de toutes ses forces, en la disqualifiant toutes les fois qu’il en a eu l’occasion. Ainsi Jésus n’a jamais eu ni d’attachement ni de vénération spéciale  pour le Temple de Jérusalem et le culte et les sacrifices qui s’y pratiquaient. Ce Temple, considéré pourtant comme le lieu unique de la présence de Dieu parmi son peuple, s’est désormais transformé en repère de voleurs, qui n’a aucune valeur et qui est superflu pour établir une vraie relation avec Dieu (Jn 4, 21-24). La splendeur, la majesté, la grandeur effrontées de cette construction ne sont, pour Jésus, que le signe sans avenir de l’orgueil et de la mégalomanie humaines. Ce temple est donc provocant et inutile. Un jour il sera détruit et réduit à un amas de ruines (Mc.13,1-3).

Comme si cela ne suffisait pas, nous constatons que dans les évangiles, les représentants officiels de la religion et du sacré, les scribes, les pharisiens, les prêtres et les grands-prêtres, etc., sont toujours présentés comme des classes hostiles à Jésus, comme ses accusateurs et les responsables de sa condamnation et de sa mort. De sorte qu’il est vrai de dire que Jésus a été tué parce qu’il a disqualifié et nié l’importance et la «sacralité » du Temple et de la religion comme moyens de sanctification, de justice et de salut.

 En d’autres mots, Jésus a été éliminé pour avoir soutenu que la rencontre avec Dieu ne se fait plus à travers les architectures fastueuses, les institutions religieuses, leurs rites, leurs sacrifices, leurs lois, leurs observances, leurs prêtres consacrés et ordonnés. Jésus a donné et perdu sa vie pour avoir cru et enseigné que Dieu est présent, non pas dans les choses et les fonctions, mais dans les personnes; pour avoir annoncé que le seul temple où Dieu habite avec toute sa splendeur et sa gloire, c’est le cœur de l’homme[i]. Cette conviction du Nazaréen se situe non seulement au centre de toute sa prédication, mais elle constitue la nouveauté la plus révolutionnaire de son message, qui bouleverse de fond en comble autant notre idée de Dieu que notre idée de l’homme.

La révolution que Jésus a accomplie consiste dans le fait d’avoir sorti Dieu, le sacré et le merveilleux de la religion, pour les placer dans l’être humain et dans le monde qu’il habite. D’après Jésus, c‘est l’être humain qui est sacré, qui est merveilleux et qui est le lieu privilégié de la présence et de l’action de l’esprit de Dieu dans le monde.  Jésus nous a révélé ainsi que le seul lieu où nous pouvons véritablement rencontrer son Dieu et nous mettre en relation avec Lui, c’est dans le frère humain, surtout dans celui qui a le plus besoin de notre attention et de notre amour. Au point que tout ce que nous faisons à un être humain, nous le faisons à Dieu lui-même. Et cela toujours, sans aucune exception. Même dans le délinquant, renfermé dans une prison, Dieu est présent : « J’étais en prison et vous êtes venus me visiter…».

C’est l’étonnante nouveauté de cette révélation qui a impressionné les premiers disciples de Jésus et qui a été à l’origine du grand succès du mouvement chrétien parmi les gens simples, pauvres et opprimés, au cours des trois premiers siècles.

Dans les évangiles on retrouve les traces et les échos de cette forte impression que le passage et le message de Jésus ont suscitée parmi ceux et celles qui l’ont écouté et suivi. Les disciples de Jésus qui nous ont laissé les quatre récits évangéliques nous partagent les conclusions auxquelles ils sont arrivés, après avoir réfléchi sur la vie et l’enseignement de leur Maître. Ils sont unanimes à nous dire que, si tout être humain de bonne volonté est un « fils de Dieu », Jésus l’a été plus que tous. S’il est vrai que, selon l’enseignement du Maître, Dieu est présent dans chaque être humain, Dieu a dû être présent d’une façon toute spéciale en ce «fils de l’homme», dans la vie, l’activité et l’esprit duquel ils avaient pu constater les fruits extraordinaires d’humanité, de bonté et d’amour produits par cette divine présence.

C’est pour cette raison que les évangiles présentent Jésus comme un homme imprégné de Dieu, habité par Dieu, uni à Dieu, qui ne fait qu’une seule chose avec Dieu, qui est comme le fils chéri d’un Père qui met en ce fils «tout son amour et sa complaisance». A travers cet homme, Dieu se manifeste, parle, fait comprendre ses attitudes et ses sentiments, transmet sa volonté. Les évangiles, en nous racontant la vie et en mettant en relief l’extraordinaire qualité humaine de ce «fils de Dieu», totalement «fils de l’homme», nous indiquent quelle sorte d’humains nous devons être, à notre tour, et quelle qualité d’humanité nous devons réaliser dans notre existence pour être, comme Jésus, les porteurs exemplaires et le lieu privilégié de la présence de Dieu dans notre monde.
Les évangiles, qui sont des ouvrages catéchétiques, pour expliquer et illustrer aux chrétiens de leurs époque que Jésus a été un chef d’œuvre d’humanité, un homme rempli de Dieu, un miroir particulièrement perfectionné pour rayonner son amour et réfléchir sa présence et son action dans notre monde, ont créé le scénario particulièrement merveilleux et impressionnant de la «transfiguration», une mise en scène composée d’éléments tirés des théophanies de l’A.T. et dans laquelle Jésus est montré comme totalement illuminé et transformé dans son humanité par le Dieu qui l’habite.

Nous assistons ici au même procédé littéraire que nous rencontrons dans les récits de la naissance et de l’enfance de Jésus, débordants d’éléments surnaturels, miraculeux  et fantastiques, mais qui n’ont, eux aussi, d’autre but que de faire comprendre et d’illustrer le fait que, si dans l’Univers, le «divin» (donc Dieu) se verse et agit partout, c’est surtout dans ce qu’il y a de plus « humain » au monde qu’il se manifeste avec plus d’évidence : un bébé, un enfant, c’est-à-dire un être établi dans des conditions de fragilité, de vulnérabilité, de pauvreté et de dépendance totales.

De tout cela nous devons en déduire que nous, les chrétiens, ne devons pas  chercher dans les évangiles comment nous diviniser (nous sommes déjà tous et à l’avance porteurs de la présence divine en ce monde), mais comment nous humaniser. Nous devons comprendre que le christianisme n’est pas une religion qui cherche principalement à rapprocher l’homme de Dieu, mais un mouvement spirituel qui cherche à rapprocher l’homme de l’homme, pour l’humaniser et le transfiguer toujours davantage par le moyen de l’amour, en l’aidant à se libérer de ses pulsions déshumanisantes et destructrices de sa véritable identité.

BM




[i] Cfr. aussi 1Cor. 3,16-17; 1Cor. 6,19

LE BON GRAIN ET L’IVRAIE – NE PAS JUGER


(16e dim. ord. A 2017 – Mt.13, 24-30)

La parabole de bon grain et de l’ivraie est une des plus représentatives de la pensée de Jésus. Ici le prophète de Nazareth cherche à faire comprendre que dans le monde où nous vivons, il est impossible de séparer et de connaître avec certitude ce qui est bon et ce qui est mauvais. Jésus veut donc nous enseigner que l’homme ne possède pas ce pouvoir car cela requiert des connaissances qu’il ne pourra jamais avoir. Adam et Ève ont été chassés de l’Éden parce qu’ils ont voulu s’approprier  de cette prérogative qui est propre à Dieu : avoir la connaissance du bien et du mal et pouvoir juger d’après cette connaissance. Même Dieu, nous dit Jésus, ne fait pas cela et ne juge et ne condamne personne (Jn 5,22; 8,15). Il prend tout, il accepte tout, il tolère et supporte tout. Il laisse cohabiter, vivre, se développer et grandir ensemble le bien et le mal, le bon et le mauvais, le pur et l’impur, le conforme et le non-conforme, le blé et l’ivraie. Il continue à faire lever son soleil et à faire pleuvoir sur les gentils et les méchants ; sur les le justes et les injustes. Il ne s’en fait pas si la bonne semence qu’il a répandue à pleines mains dans le champ du monde n’apporte pas tous les résultats qu’il en espérait, car il sait qu’il est inévitable qu’elle tombe parfois dans les cailloux et les ronces qui peuvent réduire ou empêcher sa croissance.

Jésus se lève ici pour mettre en garde ses disciples contre la tentation du perfectionnisme, du puritanisme et de l’idéologie présentes en tout système humain de pouvoir autant civil que religieux et qui consiste dans la prétention de savoir et donc de sélectionner ce qui est bon et ce qui est mauvais, ce qui est vrai et ce qui est faux et donc de diviser le monde en catégories et en classes distinctes et opposées: nous et les autres. 

Nous, les bons, les purs, les élus, les fidèles, les sauvés. Nous, du côté de Dieu, de la vérité, de la vertu, de la morale, de la justice, de la Loi, de la vraie religion du bon parti politique.

         Et les autres : les mauvais, les méchants, les impurs, les pécheurs, les infidèles, ceux qui ne pensent pas comme nous, qui n’agissent pas comme nous, qui n’ont pas notre culture qui ne sont pas de notre race, de notre clan, de notre religion et qu'il faut, par conséquent, éloigner, écarter, réduire au silence, exclure, éradiquer de notre terrain comme de mauvaises herbes, car :
-ils nous dérangent ; ils contestent nos croyances, notre religion, notre culture; ils empiètent sur notre espace vital; ils viennent voler nos emplois, consommer nos ressources ;
-ils constituent une menace à notre façon de vivre, à notre sécurité et tranquillité sociale, politique, religieuse et intellectuelle;
- il nous obligent à nous confronter, à nous comparer, à revoir nos habitudes, nos principes, à relativiser et remettre en question des valeurs et des vérités que nous pensions absolues et inaltérables;
- ils déstabilisent nos lois, nos traditions, nos dogmes et nos convictions établies…
À cause de tout cela, on a le droit, au nom de Dieu, de la religion, de la vérité, de la paix, de les combattre et de les extirper, comme une mauvaise herbe qui est s'enraciner dans le bon terrain de notre existence.

C’est ce type de raisonnement, fait de distorsion psychologique, de peur, d’insécurité, de fanatisme et surtout d’ignorance, qui a justifié, le long de l’histoire humaine, toutes les aberrations des régimes totalitaires et toutes les horreurs et les atrocités perpétrées au nom d’une idéologie autant politique que religieuse.

Dans chaque système totalitaire, les mauvaises herbes qu’il faut arracher sont presque toujours identifiées à la «différence» d’idées, qui produit confrontation et opposition, certes, mais qui est aussi une manifestation d’un élan et d’un désir de liberté. Or, l’idéologie supporte mal la liberté, surtout la liberté de pensée. L’idéologie est réglée et fonctionne sur le principe de la conformité et de l’uniformité totales : un seul chef, un seul pouvoir, une seule idée, une seule allégeance. Tout ce qui ne rentre pas dans ce schéma doit être écarté.

Jésus enseigne ici que toute idéologie, tout gouvernement et toute religion qui se croient meilleures que les autres et supérieures aux autres, deviennent nécessairement agressives et dangereuses, car productrices de classes, de différence, d’inégalités et donc de confrontations et  d’hostilités.

Dans cette parabole de l’ivraie Jésus veut faire comprendre à ses disciples que dans le monde nouveau qu’ils auront à bâtir , ils ne devront plus jamais chercher à exclure qui que ce soit, comme ils avaient tendance à le faire auparavant; mais que leur tâche consistera désormais à se placer aux coins des rues pour récupérer tout le monde sans distinction, afin que même la canaille puisse trouver une place dans la salle du banquet (Mt.22,8-10; Lc.14,13-21). Il leur enseigne encore ici que le seul mal qu’ils devront désormais chercher à arracher du terrain de leur existence, c’est cette soif de pouvoir qui est la cause de toutes les  souffrances.

C’est pour cela que Jésus exhorte ses disciples à toujours s’abstenir de tout jugement. Selon le Nazaréen le jugement est une fonction qui est réservée exclusivement à Dieu et que pourtant Dieu n’exerce jamais, parce qu’elle est toujours remplacée par sa miséricorde. Selon Jésus, l’être humain n’a ni le droit, ni le pouvoir, ni l’autorité, ni la capacité, ni les compétences, ni les connaissances nécessaires pour juger.

Tout jugement est une usurpation de pouvoir et une arrogante présomption de connaître les complexes variations de l’erreur et de la vérité, du bien et du mal dans la société des hommes. C’est pour cela que celui qui s’arroge le pouvoir de juger l’autre, en réalité ne fait que proclamer et manifester l’énormité de son ego, la superficialité de ses connaissances et l’étendue de sa stupidité. L’homme qui juge n’est qu’un psychotique qui s’illusionne sur sa véritable identité. En effet lorsqu’il juge l’autre, il se définit comme le mètre sur lequel il mesure tout le reste. Lorsque il juge, il réfère tout à lui : « Tu n’es pas comme moi; tu n’as pas mes idées; tu n’as pas ma foi , tu n’as pas ma religion ; tu ne crois pas au même Dieu; tu n’agis pas comme moi; tu n’as pas mes coutumes; tu appartiens à un autre parti, à un autre pays; tu es différent; tu n’es pas bon pour moi; tu ne me plais pas, tu n’es pas acceptable; tu n’es pas conforme;  tu es dans l’erreur; je ne pourrais jamais être d’accord avec toi; je ne pourrais jamais être ton ami; tu me fais peur, tu me déranges; tu me déstabilises;  tu contestes mes croyances et tout ce qui constitue ma sécurité; tu mets en doute la solidité de la structure du monde auquel j’appartiens, la vérité du scenario surnaturel , religieux et symbolique que je me suis  construit et qui me permet de vivre en paix avec moi-même et avec Dieu , de qui j’espère un jour mon salut éternel».

Il et évidemment plus facile pour nous de juger l’autre, de l’accuser d’être dangereux, mauvais, infidèle, hérétique, hors norme, plutôt que de mettre en question nos valeurs et nos convictions; plutôt que d’approfondir nos connaissances et nos croyances, plutôt que de reconsidérer notre posture religieuse et spirituelle et de revoir nos relations avec l’autorité religieuse, ainsi que notre vision du monde et de Dieu.

Pour les personnes qui jugent, il est plus rassurant et moins fatigant d’obéir aveuglement aux impératifs de l’autorité constituée et aux contraintes des dogmes qu’elle impose, que de prendre le risque d’une foi personnelle, adulte, critique et éclairée et d’assumer le dur choix de la liberté de pensée . C’est beaucoup plus rassurant, pour notre bigotisme et notre tranquillité, de croire sans penser, que de penser au risque de ne plus croire (comme avant).

Le jeugemen  est  bien souvent le complice  de notre lâcheté et  de notre paresse . En effet, une fois que le jugement a été proféré et que l’autre a été reconnu non acceptable, car fautif et coupable, voilà que celui qui l’a jugé peut continuer à vivre en paix, sans rien se reprocher et sans rien changer dans sa vie. En effet, si l’autre a été déclaré dans la faute et l’erreur, le juge peut se glorifier de sa justice et continuer à s’alimenter de ses propres convictions. Le jugement devient ainsi une stratégie de protection et de justification du grain sterile et pourri que le juge est devenu. Ainsi, derrière le jugement, il y a autant la présomption d’une toute-puissance effrayante, que la manifestation d’une suprême idiotie.

S’il y a une chose qui attriste aujourd’hui tout catholique de bonne volonté, c’est de constater que son Église s’attribue encore le droit de juger comme étant un pouvoir et une prérogative qui lui viennent directement de son statut d’Institution d’origine divine. Ainsi, le Droit Canon affirme, comme si s’était la chose le plus normale du monde, que l’Église a le droit de juger et « le droit inné et propre de contraindre par des sanctions pénales les fidèles délinquants » (can 1311).

Il est difficile pour les chrétiens de notre époque d’oublier que leur Église, pendant des siècles, s’est même dotée, d’un organisme interne non seulement de jugement, mais d’inquisition et de recherche explicite et violente de la déviation, de la dissidence, de la faute et de l’erreur, dans le but de les attacher de force et de les brûler littéralement, comme de mauvaises herbes, dans le feu des bûchers.

          Aujourd’hui encore ces vieilles attitudes inquisitoriales continuent, même si d’une façon moins cruelle et moins violente, à faire de nombreuses victimes dans l’Église. Pensons à tous ces penseurs influents, à ces grands théologiens qui au cours des deux derniers siècles ont été évincés par les Sainte Office (le nouveau nom de l’Inquisition) de leurs Facultés et privés du droit d’enseigner . Pensons à tous ces prêtres qui ont été chassée de leur ordre, dégradés, à qui on a défendu la prédication, la célébration des sacrements, le ministère, par le seul fait d’être tombés amoureux d’une femme et de l’avoir mariée. Pensons aux divorcés remariés ; aux personnes homosexuelles vivant ensemble. Pensons aux couples chrétiens non mariés ; aux femmes qui ont avorté ; aux jeunes femmes qui utilisent régulièrement la pilule ou autres moyens de contraception et qui sont étiquetées d’immorales, de vicieuses et de débauchées …

Tout ce vaste monde, l’Église catholique le considère, malheureusement, comme coupable, transgresseur, mauvais, pas bon ; elle juge ces personnes comme étant des pécheurs publiques, des chrétiens de rang inférieur, qu’elle déclare en état de péché mortel et donc en danger de damnation et qu’elle cherche à éloigner des autres fidèles, à écarter des sacrements, qu’elle tolère à peine; vers lesquels elle autorise à ressentir, tout au plus, de la pitié,  et à exercer une certaine miséricorde, mais a auxquels on ne peut cependant pas concéder le droit de s’intégrer totalement dans une assemblée eucharistique; de les faire sentir en pleine communion avec leurs frères chrétiens et de leur permettre de manifester cette communion par le geste sacramentel de la manducation du Corps du Seigneur.
Pour l’Église, ces catégories de personnes sont encore et toujours de l’ivraie qu’il faut écarter, éliminer, pour que la bonne graine ne soit pas contaminée et que la pureté de la structure soit préservée.

Je pense qu’aussi longtemps que cette Église continuera à considérer comme normale et sacrée sa structure impériale, basée sur un système de pouvoir totalitaire, concentré dans les mains d’un monarque absolu[i], non seulement elle sera en opposition à l’esprit de l’Évangile et infidèle à la volonté de Celui dont pourtant elle présume être la présence visible en ce monde, mais elle restera esclave des expressions typiques d’un tel régime qui aujourd’hui apparaissent comme totalmente anachroniques, car incompatibles avec les acquis libérateurs des sciences humaines modernes. 

        Dans le monde du XXIe siècle où le comportement de l’individu et les relations entre les personnes sont désormais régis, inspirés et protégés par d’innombrables lois, déclarations et chartes, garantissant l’inviolabilité absolue de la personne, ainsi que toute sortes de droits, libertés et immunités, une Institution qui prétend encore contrôler la pensée des individus, qui cherche à établir et à imposer les contenus de leurs croyances, les conditions de la moralité de leurs actions , qui s’arroge le droit de juger, au nom de Dieu, des contenus du bien et du mal, de la vérité et de l’erreur… une telle Institution ne peut que dériver inévitablement vers la disqualification et l’insignifiance.

BM







[i] Le Pontife romain au dire du code de Droit Canon « possède dans l’Église le pouvoir ordinaire, suprême, plénier, immédiat et universel qu’il peut toujours exercer librement ( can , 331 et 332) et contre une sentence ou un décret duquel il n’y a ni appel, ni recours possible ( can 331, &3 ),