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samedi 28 décembre 2013

UNE NAISSANCE VIRGINALE , PEUT-ON EN RIRE ?


(Mt.1, 18-24)

Le texte du premier chapitre de l’évangile de Matthieu, s’il est cher à notre cœur de chrétiens parce qu’il nous plonge, avec sa simplicité et sa naïveté enfantine, dans nos tendres souvenirs d’enfance, est cependant un texte qui aujourd’hui fait sourire beaucoup de personnes. C’est, en effet, un récit difficile à comprendre pour ceux qui voudraient l’approcher avec une mentalité moderne et scientifique. Mais ce  conte,  vieux de deux mille ans, est justement un conte et il doit être lu et compris comme tel. Or, la vérité des contes n’est pas dans l’histoire racontée, mais dans le message contenu dans l’histoire.

Les auteurs anciens ne pensaient pas et ne s’exprimaient pas comme nous. Dans un monde de gens simples et incultes, ils étaient obligés d’avoir recours aux images, aux paraboles, aux mythes, aux contes pour se faire comprendre. Ils n’utilisaient donc ni nos concepts intellectuels, ni notre logique cartésienne. Ils n’avaient ni la même perception, ni la même conception de la réalité que nous avons aujourd’hui. Ces gens étaient, si l’on veut, des «primitifs», mais surtout des gens profondément religieux. Pour eux tout était mystérieux; tout baignait dans le sacré et le surnaturel. La divinité était proche des hommes. Elle habitait juste au-dessus d’eux. Elle surveillait et contrôlait leurs actions; elle était présente partout et l’«esprit» divin était partout à l’œuvre autant dans la création que dans l’histoire des hommes. Les anciens trouvaient tout a à fait normal que la divinité intervienne dans notre monde avec sa toute-puissance, même pour féconder une femme, comme cela s’était déjà maintes fois produit en d’autres  récits et d‘autres légendes.

Pour les gens de la Bible, Dieu constituait le recours et l’explication ultime de tout ce qui arrivait, surtout lorsque cela ne pouvait pas être compris ou expliqué par leurs pauvres connaissances. Chercher donc aujourd’hui à réfuter le contenu de ces vieux textes, les traiter d’enfantins, de débiles; les considérer comme des histoires absurdes et ridicules, c’est faire preuve d’ignorance. On ne traite pas les chinois d’imbéciles parce qu’ils  ne pensent pas comme nous, ne parlent pas comme nous, n’écrivent pas comme nous, n’utilisent pas les mêmes expressions, les mêmes images, les même signes, les mêmes symboles que les nôtres et ne soignent pas leurs malades avec nos médicaments.

Ces vieux textes de l’évangéliste Matthieu qui nous  racontent  la naissance d’un Enfant-Dieu doivent donc être compris et interprétés à partir de la mentalité, de la culture, des convictions  de cet écrivain juif qui écrivait  pour les chrétiens de son époque. Matthieu utilise une façon de penser façonnée et influencée par les légendes, les fables et les mythes qui circulaient dans la littérature de son temps et dans laquelle les récits de divinités intervenant dans la vie et dans l’histoire humaine étaient monnaie courante. Il écrivait pour communiquer une conviction profonde et une foi qui est au cœur de l’annonce chrétienne qu’il partageait avec tous ses frères chrétiens. Quelle est la foi que l’évangéliste Matthieu (et plus tard l’évangéliste Luc) voulait transmettre? Voilà son message: Jésus de Nazareth est pour nous, les chrétiens, celui qui a vécu de Dieu et en Dieu toute sa vie, jusque à la mort. Il est celui qui mieux que quiconque, nous a parlé de Dieu, nous a fait connaître Dieu, nous en a révélé les caractéristiques, les intentions et la volonté. Il nous en a partagé et communiqué l'Esprit.  Alors Jésus est un cadeau du ciel à l’humanité. Il a vraiment une parole qui nous découvre le Ciel. Il est  vraiment un envoyé du Ciel, l'Oint, le Messie, le Christ de Dieu. Pour nous, il est l’Homme rempli de Dieu, au point qu’il en est la présence et l’incarnation la plus accomplie sur terre. Pour nous, Jésus n’est pas un homme comme  tous les autres: il est spécial, il est unique, il est exceptionnel, il est extraordinaire. Il est celui qui a réalisé en lui l’idéal de l’homme parfait, de l’homme idéal, tel que chaque être humain devrait être aux yeux de Dieu, pour ainsi dire. Si nous sommes tous des fils de Dieu, lui, Jésus, il l’est plus que tout le monde. Il est fils de Dieu de la façon la plus accomplie, la plus parfaite. Il est le Fils de Dieu par excellence. C’est comme s’il venait d’ailleurs, d’un autre monde. C’est comme s’il n’avait presque rien reçu  de ce monde ordinaire, de ses parents, tellement en lui tout semble être extra-ordinaire, admirable, impeccable, digne, divin. Quand on le regarde agir, on a la sensation qu’il est vraiment parfait comme homme. Tout semble lui venir d’ailleurs, au point que l’on peut affirmer que la présence  de Jésus dans notre monde est l’œuvre de Dieu. Nous, les humains, nous n'y sommes pour rien. Son père et sa mère n’y sont pour rien non plus. La naissance de Jésus parmi nous est le fruit exclusif de l’intérêt de Dieu et de son amour pour nous. La présence de ce Fils de Dieu est l’œuvre exclusive de Dieu et de son Esprit.

C’est ce message que Matthieu cherche à communique, lorsqu’il affirme que sa mère l’a conçu d’une façon virginale, sans le concours d’un homme et par l’action de l’Esprit de Dieu.

Pour ce croyant qui est Matthieu et dont la vie a été transformée par sa rencontre avec Jésus, les parents biologiques de Jésus n’ont pas grande importance. Ils n’ont été que le canal matériel par où nous est arrivé ce Don du ciel qui a le pouvoir de transfigurer ceux qui l’approchent. Ses parents biologiques ne sont que des tuteurs et des pourvoyeurs. C’est Dieu, qui s’est manifesté et s’est donné en Jésus et qui fait finalement toute la valeur et l’importance de cette Personne. C’est ce rôle secondaire et presque négligeable de la parenté biologique, par rapport à l’enfantement spirituel de Jésus comme Fils, envoyé, messie, Christ de Dieu et incarnation de sa présence, que ces  textes évangéliques qui parlent de sa naissance «virginale» cherchent à nous transmettre.

Ces textes, qui possèdent une charge émotive et lyrique incomparables, sont donc loin de mériter la moquerie et le sarcasme d’une certaine critique moderne qui se veut éclairée. Pour nous, les chrétiens, ces récits à l’allure invraisemblable, servent, de fait, à expriment des contenus d’une importance fondamentale. Pour nous, ce récits sont totalement vrais, mais non pas pour ce qu’ils disent directement, mais pour ce qu’ils cherchent à transmette indirectement.

Alors, vous les croyants chrétiens, ne vous laissez pas perturber outre mesure lorsque certains éclairés modernes pensent se payer votre tête en vous disant d’un air amusé : «Mais comment pouvez-vous croire, en plein  XXIe siècle, que Jésus de Nazareth a été conçu par l’action du Saint Esprit dans une femme qui est restée vierge?».

Ceux qui posent une telle question ne font que manifester leur stupidité et proclamer leur ignorance.

  


MB

lundi 2 décembre 2013

AU-DELÀ DU MYTHE, RENOUVELONS NOTRE ATTENTE




Avec ce premier dimanche de décembre nous entrons dans une nouvelle année liturgique et dans cette période précédant Noel qui, dans le langage ecclésiastique, est appelée «le temps de l’Avent». Ce mot vient du mot latin «adventus» qui signifie «la venue». Car, au cours de ces quatre semaines avant  Noel, les chrétiens se préparent spirituellement à célébrer la «venue»  sur terre,  de leur maitre et  Seigneur qui, selon le conte (ou mythe) chrétien, est descendu du ciel pour prendre chair dans le sein d’une jeune fille vierge, fécondée par une intervention miraculeuse de Dieu et cela il y a plus deux mille ans. Toujours selon cette légende chrétienne, l’intention de Dieu, en faisant naître parmi nous cet enfant  divin était de le sacrifier un jour, à travers une mort atroce, comme une victime expiatoire, afin de calmer la colère et le désir de vengeance qu’il ressentait envers les humains à cause de leur méchanceté et de leurs péchés. Le mythe chrétien qui nous vient de ce lointain passé est utilisé aujourd’hui encore par l’église catholique. La théologie officielle de l’Église, en plein XXI siècle, continue d’enseigner que ce «Fils de Dieu» est mort à cause de nous et de nos fautes; qu’il a accepté la mort pour nous réconcilier avec Dieu; pour obtenir de Lui la grâce et le pardon qui nous rétablissent dans son amitié et qui nous permettent de nous sauver, c’est-à-dire, d’échapper à la damnation éternelle.  Cet enfant divin, destiné dès sa naissance à une mort violente  par un père «divin»  exacerbé, cruel  et  irascible,  deviendra  un jour le Sauveur du monde. 

Il n’est pas difficile de se rendre compte  que la formulation du mystère chrétien véhiculée par le langage traditionnel de cette ancienne formulation du salut chrétien est totalement dépassée et inacceptable pour les chrétiens du XXIe siècle. Notre sensibilité moderne se refuse à accepter une telle représentation de Dieu qu’elle trouve non seulement de mauvais goût, mais aussi ignoble et blasphématoire. Les chrétiens de la modernité ne peuvent pas s’empêcher de se demander comment de telles absurdités ont pu surgir au sein de l’Église et pour quelles obscures raisons elles ont pu être acceptées, systématisées et propagées parmi les croyants au point de contaminer presque toutes les expressions et les énoncés du culte et de la liturgie chrétienne. En effet, partout dans les rites et les prières officielles de l’Église on persiste, aujourd’hui encore, à parler d’expiation, de rédemption, de sacrifice de la croix, de sacrifice de la messe, de Jésus victime immolée sur l’autel de la croix, de l’Agneau qui nous sauve  par son sang versé ; de l’Agneau de Dieu qui porte sur lui le péché du monde ou qui enlève le péché du monde; de Jésus qui s’offre à Dieu en victime expiatoire pour notre salut; de l’Innocent qui subit le châtiment à la place des coupables ; qui souffre pour réparer et expier nos péchés et qui nous libère  de  la punition et de la condamnation éternelles : «Par le sang que ton Fils a versé… tu as ramené vers toi, Dieu, les enfants que le péché avait éloigné... par sa passion et sa croix il nous a délivré de la mort éternelle… car  sa mort nous affranchit de la mort… car il est l’agneau véritable qui a enlevé le péché du monde: en mourant il a détruit notre mort ; en ressuscitant, il nous a rendu la vie ……( préfaces des messes).

Sans parler de tous les efforts que l’enseignement catholique déploie (à travers le discours officiel et à travers les affirmations et les formules du  culte)  pour culpabiliser les croyants ; pour enfoncer dans l’esprit des baptisés la conviction qu’ils sont des «pauvres pécheurs», des misérables transgresseurs, coupables et donc  responsables de la mort du Fils de Dieu; qu’ils  sont  venus  au monde dans le péché ; qu’ils naissent contaminés par une faute originelle, continuellement soumis à la menace du mal qui est partout présent dans leurs vies et dans le monde dans lequel ils vivent  et que, par conséquent, ils doivent s’en remette à la divine miséricorde pour obtenir la justification de leur existence, ainsi que l’espoir d’un possible salut. Un salut rendu possible grâce au pouvoir d’intercession auprès de Dieu que Jésus a acquis pour nous, en payant  Dieu de ses souffrances et  de sa  mort.

Il est clair que nous devons comprendre autrement et reformuler d’une nouvelle manière le contenu du mystère  de notre salut qui s’exprime et se rend présent dans la personne du fils de Marie de Nazareth, si nous voulons qu’il puisse continuer à avoir du sens et de l’intérêt  pour les gens d‘aujourd’hui. Il  faut  aussi qu’ il soit clair qu’il n’est pas question ici de vouloir nier ou refuser le fond (la substance) de l’annonce chrétienne  qui nous vient du passé et qui garde toute sa vérité, sa valeur et sa pertinence,  mais qu’il s’agit ici de la nécessité de la traduire dans un langage moderne qui soit accessible et surtout  compréhensible aux hommes et aux  femmes de notre temps.

C’est ce que nous essayons de faire tant bien que mal ici, au cours de nos rencontres du dimanche. Nous cherchons ensemble à déchiffrer, interpréter, reformuler, traduire, redire dans le langage d’aujourd’hui et adapter à la sensibilité moderne qui est la nôtre, une foi, un message, un enseignement, une révélation, des expériences religieuses qui nous viennent d’une tradition très ancienne et que nous ne pouvons cependant pas écarter du revers de la main. Car ce qui nous vient de ce passé a une portée universelle; fait partie, pour ainsi dire, du patrimoine culturel et religieux de l’humanité; appartient à la quête humaine des valeurs, de  la vérité, de ce qui est véritablement humain et divin en nous, mais qui est arrivé à nous enveloppé dans des mots, des expressions, des mythes, des images, des idées, des élaborations théologiques d’une culture et d’un monde révolus. Et puisque l’emballage ne nous plait plus, nous nommes souvent tentés, de jeter tout le paquet avec son contenu.

Aujourd’hui nous n’attendons plus la venue d’un Dieu qui descend du ciel partager notre condition humaine. Nous ne recourrons plus au langage du conte religieux pour exprimer le désir de renouvellement et de transformation que nous portons au plus profond de notre être. Il reste cependant que l’attente de quelque chose de merveilleux, d’un événement extraordinaire qui «vienne» changer la banalité de notre vie est toujours et encore au cœur de nos aspirations et de nos espoirs les plus chers. Comme les humains d’autrefois, nous  voulons aussi que notre vie réussisse. Nous voulons expérimenter, tout au long de notre existence, la satisfaction de rencontres enrichissantes avec des «anges»; l’annonce d’un havre de paix où nous pouvons un jour accoster en toute sécurité le bateau de notre existence  esquinté par le tempêtes de la vie; la surprise de découvertes qui nous lancent sur des chemins inexplorés. Nous soupirons toujours après les frissons de la passion et les extases de l’amour. Nous voulons nous confier à des puissances divines, bénévoles et accueillantes qui nous protègent et qui nous aident à dépasser nos peurs, qui, contre l’angoisse suscitée en nous par notre finitude et la certitude de notre mort, nous rassurent avec la promesse d’une vie éternelle. Nous attendons donc tous la venue de quelqu’un ou de quelque chose qui vienne nous rallumer et nous faire revivre. Il  n’y a pas de vie sans attente. De sorte que, lorsque plus rien ne vient à nous et que plus rien ne nous arrive, c’est alors que l’on meurt définitivement.


Si l’attente est au cœur de notre vie; si notre la vie est ce jaillissement merveilleux qui a pris son origine à la Source originelle de tout ce  qui existe et à laquelle les chrétiens, à la suite de Jésus, ont donné le nom de Dieu, alors il est sensé de penser que cette attente n’est pas  sans objet, mais qu’elle est comme la vibration causée en nous par une musique divine qui retentit quelque part dans les profondeurs mystérieuses de cette immense univers. Ce temps de l’Avent est donc là pour nous dire et nous rassurer que notre attente sera exaucée, et que, pour ceux qui savent espérer et regarder, le moment viendra où ils se rendront compte  que Dieu a vraiment pris corps dans ce merveilleux et fantastique univers.       

MB 

Dio viene per chi sa aspettarlo


Per una spiritualità dell’Avvento


Se noi potessimo  andare indietro nel tempo e tornare vivere nella Palestina del tempo di Gesù, ci accogeremmo subito di alcune cose. Ci accorgeremmo prima di tutto che la Palestina era un paese  occupato da una potenza straniera detestata da tutti (un po’ come gli irakeni detestano gli americani). Noteremmo poi che la gente viveva in una stato di paura.e di insicurezza continue; sottomesse al capriccio e alla forza brutale del potere di Roma. Capiremmo allora perchè il popolo ebreo fremesse sotto il giogo dell’esurpatore; perchè si avvertisse in tutti una forte aspirazione alla libertà; un intenso  desiderio di porre un termine all’oppressione e alla chiavitù ; perchè si sentisse parlare un po’ ovunque di liberazione, di tempi migliori, di un modo di vivere nuovo, diverso e si aspettasse la venuta di un capo, di un condottiero, di una specie di  messia che guidasse e organizasse finalmente la rivolta contro l’invasore, ridando a tutti vita, speranza e libertà. Ai tempi di Gesù  la gente della Palestina era talmente stanca di subire lo sfruttamento e le vessazioni dell’invasore che si poteva quasi toccare con mano la tensione che c’era nell’aria e l’impazienza di tutti di vedere arrivare tempi migliori.

Penso che neppure Gesù abbia potuto sottrarsi a questa aspettativa generale.  Anche lui è stato, per così dire, contagiato da questa atmosfera. Egli però ha trasformato il desiderio e l’attesa di una liberazione politica e materiale, in un desiderio e in un’attesa di liberazione religiosa e spirituale. Gesù infatti ha capito e ha cercato di far capire agli altri che non si  risolve niente a voler scacciare la violenza e la brutalità con altra violenza e altra brutalità; ma che è anzitutto necessario scacciare il male e la propensione alla violenza che esistono nel cuore dell’uomo. Se infatti l’uomo rimane così com’è, se l’uomo non cambia interiormente, tutte le rivoluzioni, tutti i migliori programmi di rifoma politica e sociale non servono a nulla. Possono costituire forse un miglioramento provvisorio, portare un certo sollievo momentaneo, ma non miglioreranno in una maniera stabile e definitiva la condizione del genere umano. Gli uomini non perderanno mai la voglia di affrontarsi , di battersi, di opprimere. Altri esseri umani continuerano sempre ad essere oppressi, a soffrire e a perire fin tanto che non verranno sradicati il male, la cattiveria, l’avidità, la sete di potere che si annidano nelle profondità del cuore umano. Gesù aveva capito che è il cuore umano la causa e l’origine di tutto il bene o di tutto il male che si fanno nel mondo.

Gesù però era un ottimista. Egli era convinto che gli esseri umani sono fondamentalemente buoni, dato che sono creature di Dio e che spesso sono soltanto gli avvenimenti o le circostanze penose, difficili, dolorose della vita che li rendono cattivi. Gesù non soltanto nutriva una grande stima e un grade rispetto per ogni persona umana, anche quella più misera, più  squallidae più rigettata  , ma era convinto che nell’essere più abbietto rimane sempre una scintilla di bontà che basta saper  stimolare con un pò d’amore per riaccendere in lui il desiderio del bene ed il fuoco della bontà. Ecco perché Gesù cercava in tutti modi di far scoprire ai suoi la grandezza  e la dignità che ognuno possiede come persona, come essere umano creato, voluto e amato da Dio. Ecco perchè egli cercava di far capire a tutti coloro che lo scoltavano, che la parte migliore di ognuno di loro era ancora nascosto dentro il loro cuore e che era necessario  tirarla fuori, metterla in  luce,  farla nascere;.perchè il migliore di noi è quello che non se vede; che deve ancora venire; e che se noi lo vogliamo e lo desideriamo veramente, possiamo  diventare delle creature nuove e migliori di quello che siamo al momento presente.

Gesù di Nazaret era un uomo talmente affascinato da Dio, talmemte assorbito dalla sua presenza, talmente sicuro della sua  bontà nei nostri confronti , che era convinto che Dio in persona sarebbe intervenuto per ridare all’uomo un’esistenza  migliore; per liberarlo dalla sua condizione di sofferenza e di schiavitù; per aiutarlo a rifare dall’interno il suo cuore  per farlo vivere felice nel suo Regno di giustizia e di pace. In un certo senso Gesù è stato un grande idealista e un grande visionario. Ha trasmesso agli uomini di tutti i tempi una  grande fede e una grande speranza. La fede e la speranza  nella possibilità  di un mondo più buono, più giusto e più perfetto. La fede nelle capacità dell’uomo a trovare la strada della sua liberazione, del suo  compimento e della sua salvezza.

L’attesa e l’aspettativa di un mondo nuovo e di tempi nuovi erano così forti e così  intense tra i cristiani dei primi  decenni dopo la morte di Gesù, che costoro erano convinti  che il mondo stesse davvero per finire; che la fine del mondo fosse davvero imminente L’apostolo Paolo, per esempio, in una lettera ai fedeli di Tessalonica, scritta una ventina d’anni dopo la morte di Gesù, cerca di soddisfare la curiosità semplice ed un po’ ingenua di quei cristiani che volevano sapere in che modo sarebbe avvenuta la fine del mondo, inventandosi uno scenario fantastico e stravagante:”Il Signore stesso, a un ordine, alla voce dell'arcangelo e al suono della tromba di Dio, discenderà dal cielo. E prima risorgeranno i morti in Cristo;quindi noi, i vivi, i superstiti, saremo rapiti insieme con loro tra le nuvole, per andare incontro al Signore nell'aria, e così saremo sempre con il Signore”.

Da quei tempi lontani fino ad oggi, l’attesa è diventata l’atteggiamento tipico del cristiano e ha trovato la sua espressione e la sua consacrazione nel tempo liturgico dell’Avvento. Avvento significa venuta. Durante il tempo liturgico che precede immediatamente il Natale, noi cristiani siamo invitati a ravvivare la nostra speranza e a impegnarci con ardore a far venire il mondo migliore che tutti sognano e che tutti desiderano. Siamo invitati a aprire il nostro cuore a Dio che si propone di nascere in noi e di venire a trasformare continuamente la nostra vita con la grazia della sua presenza. Il Signore viene nella nostra vita ogni volta che amiamo. Viene ogni volta che diamo, ogni volta che aiutiamo. Viene ogni volta che ascoltiamo, ogni volta che siamo attenti ai bisogni e problemi e alle sofferenze del prossimo. Viene ogni volta che perdoniamo, ogni volta che sorridiamo. Viene nei momenti d’intimità, di gioia, di festa .Viene ogni volta che preghiamo. Viene quando siamo riuniti nel suo nome. Viene nei momenti di prova, di sofferenza e di malattia. Viene sempre nell’ora della nostra morte.


Dobbiamo solo essere  attenti ai segni della sua venuta nella nostra vita.

MB

samedi 23 novembre 2013

MÊME LA FIN PEUT ÊTRE UN DÉBUT

LA FIN D'UN MONDE POUR QU'UN NOUVEAU PUISSE APPARAÎTRE
(Luc 21, 5-19)

On a beau encourager les chrétiens à lire la bible, pour nous, qui vivons au XXIe siècle, ce livre reste difficile, âpre, indigeste et très souvent incompréhensible. Il est le produit d’une pensée, d’une sensibilité, d’une culture, d’une religiosité vieille de plusieurs milliers d’années. Il utilise un vocabulaire, des concepts, des images, des noms, des situations, des coutumes d’un temps complètement révolu et qui ont perdu pour nous aujourd’hui leur sens original, leur contenu, leur pertinence, leur intérêt et que donc nous ne sommes plus capables de comprendre.

Cela ne veut pas dire que le message spirituel et religieux que la Bible veut transmettre aux hommes soit échu ou périmé et qu’il ne soit pas approprié à nos besoins d’aujourd’hui. Ce message qui décrit  l‘expérience spirituelle d’hommes qui ont cherché Dieu dans le passé a, au contraire, une valeur universelle, car il explicite et traduit un besoin, une quête, une aspiration qui est au cœur de l’homme de tous les temps et qui par conséquent nous concerne et nous touche nous aussi qui vivons à quelques milliers d’années de distance de ces textes anciens. Seulement, pour que ce message devienne intelligible, il faut le réécrire dans le langage d’aujourd’hui.

Les chrétiens, pour lesquels l’Évangéliste Luc écrivait ce texte entre les années 80-85 environ, étaient aux prises avec trois grandes questions auxquelles Luc cherche à donner une réponse pour tranquilliser ces croyants. Quelles étaient les questions qui préoccupaient et qui angoissaient ces anciens chrétiens?

Premièrement: la disparition du temple de Jérusalem (détruit en l’an 70 par l’armée  romaine de Tite) et de la ville elle-même, suivie de la subséquente dispersion du peuple juif  hors de la Palestine. C’était la fin du judaïsme en tant que religion identifiée à un territoire et à un État.  Or le temple de Jérusalem était, avec sa ville, le symbole de l’alliance de Dieu avec le peuple juif; le signe tangible et visible de l’élection, de la bienveillance et de la présence de Dieu au milieu du peuple auquel Dieu avait juré une protection et une fidélité éternelle. Comment Dieu avait-il pu oublier ses promesses et abandonner de la sorte une nation qu’il avait pourtant élue pour être guide et lumière parmi toutes les autres nations de la terre? Dieu serait-il infidèle? Dieu ne maintiendrait-il pas ses promesses? Dieu aurait-il châtié ainsi toute une nation parce que ses chefs n’auraient pas reconnu en Jésus de Nazareth son envoyé et son messie? Dieu serait-t-il à ce point cruel, rancunier et partisan, alors que Jésus avait enseigné qu’il est un Père qui aime tous sans distinction de religion, de culture et de race? Un vrai dilemme donc pour les adeptes d’un mouvement spirituel issu du judaïsme et dont le Fondateur et ses plus proches collaborateurs étaient des juifs pures laines.

Le deuxième point qui tracassait les chrétiens du temps de Luc était la constatation qu’eux aussi subissaient toutes sortes d’épreuves et de vexations. En Palestine, ils étaient haïs, pourchassés, emprisonnés et tués par les autorités religieuses juives. En dehors de la Palestine, ils étaient persécutés par les autorités civiles romaines qui les soupçonnaient et les accusaient de trahison et de différents autres crimes. Sans parler des drames et des contestations qui pouvaient surgir au sein d’une famille lorsque l’un de ses membres adhérait à cette nouvelle doctrine et se convertissait à cette nouvelle foi. Si ces anciens chrétiens pouvaient comprendre que Dieu avait  pu délaisser, d’une certaine façon, son ancien peuple, ils éprouvaient de la difficulté à accepter que Dieu n’accorde pas plus d’attention et de protection à son nouveau peuple, à cette nouvelle communauté qui avait adhéré à Jésus et qui avait cru à sa mission d’envoyé et de messie de Dieu.

Le troisième point qui angoissait les chrétiens du  temps de Luc était la question de la fin du monde. Cet argument enflammait les esprits, causait toute sorte d’états d’âme allant de la panique à l’exaltation. Il était une source de continuelles discussions, de suppositions, de création de scénarios rocambolesques et fantastiques, les uns plus bizarres que les autres. Autant  les juifs (y compris Jésus) que les chrétiens étaient convaincus que Dieu s’apprêtait à intervenir d’une façon drastique pour mettre fin à ce monde tel que nous le connaissons, pour en commencer un autre meilleur ici ou ailleurs. 

Dans son évangile Luc intervient pour mettre les choses dans leur juste perspective, pour éclairer et rassurer ces chrétiens traumatisés et inquiets, afin qu’ils puissent vivre leur foi dans la paix et la sérénité. Et il fait cela en attribuant ici à Jésus un discours, des paroles, des affirmations, dont la fonction est d’établir ses disciples dans la confiance en la bonté et l’amour d’un Dieu qui ne peut pas se démentir, même si toutes les apparences apparaissent parfois contraires. Il faut reconnaitre que les paroles et les exhortations que Luc met sur la bouche de Jésus dans ce chapitre 21 de son évangile sont loin d’être claires et bien articulées. Les sujets et les thèmes se croisent et s’entremêlent, de sorte qu’il est difficile de saisir avec clarté de quoi Jésus veut parler précisément.

Si nous voulons comprendre quelque chose nous devons le traduire dans notre langage et notre logique  moderne. Le message, en définitive, est : « Quoi qu'il arrive... Ne vous effrayez pas... ». C'est aussi : « Ne vous appuyez pas sur des valeurs qui ne sont pas définitives». Le Temple en était un bon exemple; restauré par Hérode, agrandi, embelli, couvert de dorures, il était magnifique; mais lui aussi fait partie de ce monde qui passe... Rien n’est stable dans l’Univers, mais tout évolue vers une complexité et un perfectionnement plus grand. Et cela à travers des catastrophes et des cataclysmes d’une ampleur et d’une puissance inimaginables; à travers de continuels destructions, transformations et changements. Il est nécessaire que des mondes, des époques, des ères, des pans d’histoire se terminent et meurent pour que du nouveau et du neuf puisse apparaître. C’est la logique inscrite dans la nature de tout ce qui existe et qui est une expression et une révélation du bouillonnement de vie qui existe en Dieu lui-même.

«Pas un cheveu de votre tête ne sera perdu », ce qui veut dire que tout notre être, corps et âme, est dans la main de Dieu. Même à  travers la mort, qui est en définitive la pire chose qui puisse nous arriver, nous sommes assurés de rester vivants de la vie de Dieu. Et, quelles que soient les persécutions et les malheurs que nous devons subir au cours de notre vie, c’est toujours Dieu qui mène le bal et il trouvera toujours le moyen d’accomplir ses plans et de mener à bonne fin les destins d’un monde qui a surgi de sa puissance et de son amour.

Notre attitude en tant que disciples de Jésus et héritiers de son message doit être celle de la confiance, une confiance que rien n'ébranle: ni les catastrophes, ni les persécutions.

Dans les perturbations du monde et les épreuves de la vie, seule une confiance tenace nous évitera les égarements dans la peur et le désespoir. Saint Paul le dit aussi à sa manière « Ni la mort, ni la vie, ni les anges, ni les dominations, ni le présent, ni l'avenir, ni les puissances, ni les forces des hauteurs, ni celles des profondeurs, ni aucune autre créature, rien ne pourra nous séparer de l'amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ, notre Seigneur» (Rm 8, 38-39).


MB

lundi 4 novembre 2013

LE VOLEUR QUI A REMBOURSÉ


( Luc 19, 1-10)

Luc est l’évangéliste de l’amour, du pardon et de la miséricorde de Dieu toujours assurés à ceux qui ont fait le mal. L'histoire de Zachée veut en être une illustration.

Le nom  Zachée signifie "pur, juste". Tout un appellatif pour cet homme qui est une véritable fripouille de gros calibre! Il est en effet le chef des collecteurs d’impôt au service de l’occupant romain. Les Romains ne fixaient pas l’impôt individuel, mais seulement le montant global qu’ils voulaient encaisser dans une région. Ils ne se préoccupaient pas des moyens utilisés pour collecter l’argent. On devine aisément les conséquences: les collecteurs, qui étaient généralement des gens avides et sans scrupules, s’en mettaient plein les poches, sans hésiter à recourir aux menaces et à l’extorsion. Zachée reconnaît d’ailleurs implicitement qu’il prenait quatre fois plus que le taux normal. C’est pour toutes ces raisons que ses concitoyens juifs le considéraient comme un traître, un renégat vendu aux romains et un voleur. De par son métier, qui le mettait en contact avec les romains et de par sa pratique frauduleuse, Zachée était donc loin d’être un pur et un juste. Il était considéré un pécheur public que tout le monde devait fuire et éviter. Zachée, qui avec son argent pouvait tout avoir, en réalité manquait de tout ce qui est vraiment important dans la vie: l’estime, la considération, la réputation, l’amitié, l’amour….

Zachée habitait Jéricho, une petite ville enfouie au creux d’une vallée que Jésus s’apprêtait à traverser dans son voyage vers Jérusalem. Zachée, dit l’évangéliste Luc, "cherchait à voir Jésus". Ce n’était pas seulement de la curiosité, comme on cherche à apercevoir une vedette ou à lui demander un autographe. C’était plus que cela. Zachée voulait savoir « qui était Jésus ». Il voulait se rendre compte «de visu»  qu’est-ce que cet homme pouvait bien cacher dans son ventre pour dégager une telle grâce, une telle attirance, pour exercer une telle fascination, un tel ascendant sur les gens, pour faire de tels discours et pour enseigner une telle doctrine… ce Jésus  qui avait  tout l’air d’un vagabond et d’un clochard !

Zachée nourrissait, somme toute, une secrète et immense admiration pour cet homme extraordinaire et, peut être aussi, un grand désir, une nostalgie profonde de lui ressembler, d’une certaine façon. Et pour voir et rencontrer Jésus, il était prêt à tout, même au ridicule, comme se percher comme un gamin en haut d’un sycomore. Et c’est là, qu’en passant, Jésus le déniche: « Zachée, descends vite, parce qu'aujourd’hui je veux m’arrêter chez toi !..»

N’est-il pas étonnant que Jésus s‘invite dans la maison d’un homme que tout le monde fuyait? N’y a-t-il pas un message pour nous dans l’attitude de Jésus qui s’approche d’une personne de laquelle tout le monde s’éloignait? L’évangile ne veut-t-il pas nous montrer par là l’existence d’une autre logique, différente de la logique des hommes, parce qu’elle est la logique de Dieu?

Cette attitude de Jésus envers Zachée  nous touche au plus profond, parce qu’elle nous concerne. Car dans notre société il ne manque pas de gens, qui regardent d’abord et uniquement le délit, qui confondent la personne et l’acte commis. On entend souvent dire: "Un tel, c’est un voleur, une fripouille, un corrompu, une personne sans scrupules, un violent, un violeur … etc. Comme dans l’histoire de Zachée: "voyant cela, tous râlaient: Il est allé loger chez un pécheur!". "Voyant cela": mais  ce n’est évidemment pas le même regard que celui de Jésus. Jésus n’accepte pas d’enfermer l’homme dans ses actions passées, de l’établir dans une catégorie définitive, de le marquer pour toujours du sceau de la culpabilité. En allant loger chez Zachée, Jésus dit très fort, non pas en paroles, mais en actes: tout homme vaut plus que la somme de ses actes, quels que soient ces actes, tout homme est capable de changer; tout  homme mérite une deuxième chance…

Zachée, donc, reçoit Jésus avec joie, nous dit Luc, et les choses auraient pu en rester là. Cette rencontre inespérée avec Jésus aurait pu rester une simple rencontre, qui serait devenue avec le temps un bon souvenir. Zachée était libre de recevoir Jésus très poliment comme un hôte de marque, sans s'engager lui-même en profondeur, sans que cela change quoi que ce soit à sa vie. Mais il était libre aussi d'en faire tout autre chose; de saisir la proposition de Jésus pour en faire l'aujourd'hui du salut pour lui. De fait, Zachée transformera la rencontre avec Jésus en un événement d’amour qui donnera une toute autre orientation à son existence: « Zachée, s'avançant, dit au Seigneur : voilà, Seigneur, je fais don aux pauvres de la moitié de mes biens, et si j'ai fait du tort à quelqu'un, je vais lui rendre quatre fois plus.» Alors Jésus annonce: « Aujourd'hui le salut est arrivé dans cette maison, car lui aussi, malgré ses vols, ses  délits, ses erreurs et ses péchés est un fils d'Abraham, c'est-à-dire, un fils de Dieu. »

 Zachée, comme le bon larron, comme le publicain au temple, est « justifié», c’est- à-dire trouve désormais sa juste place devant Dieu, parce qu'il a ouvert les yeux, il a fait la vérité sur lui-même. Il a reconnu que son bonheur lui vient d’ailleurs et non pas des choses et des biens qu’il possède. Au contact de Jésus,  Zachée a compris que si un homme ne vit que pour lui-même, sans s’ouvrir à l’amour de Dieu et des autres, il sera perdu. Car il vivra sa vie sans connaitre le véritable bonheur; renfermé dans la tristesse de l’égoïsme et l’insignifiance d’une existence sans but et sans valeur.

Cet évangile veut nous faire comprendre qu’il faut parfois passer par les remords de la culpabilité pour souhaiter un pardon; qu’il faut parfois avoir touché le fond obscur de la transgression et de la faute et peut-être aussi d’une certaine déchéance humaine, pour que naisse en nous l’envie de voir le ciel; qu’il faut avoir expérimenté les humiliations de la chute, pour que surgisse le désir de nous relever; qu’il faut, peut-être, vivre la sensation d’être perdus, pour crier au secours et désirer qu’une main nous soit tendue pour nous sauver; qu’il faut souvent avoir été dégoûté par la laideur du mal, pour que naisse l’attrait de l’innocence et le goût de la beauté; qu’il faut avoir été les esclaves d’innombrables maîtres, pour que surgisse en nous le désir de «voir» notre vrai Seigneur.

 Cet état de culpabilité, de péché, de faute, d’«injustice» dans lequel la vie souvent nous enferme, constitue quelquefois la condition qui permet de découvrir, avec surprise, que le Seigneur nous avait toujours à l’œil; qu’il regardait vers nous depuis longtemps; que même dans la solitude de notre égarement  il ne nous avait jamais abandonné, mais qu’il avait toujours été à nos côtés, en attendant l’occasion de prendre une place à l’intérieur de notre maison .

Cet évangile ne veut pas justifier la faute, la transgression et le péché, mais il veut nous faire comprendre que le pécheur, si détestable soit-il aux yeux des hommes, ne l’est jamais aux yeux de Dieu et que c’est  peut être en sa compagnie que Dieu  préfère se tenir.


BM




mercredi 23 octobre 2013

RÉFLEXIONS SUR LA PRIÈRE ET LA FOI


(Luc 18, 1-8)

Dans l’évangile de ce dimanche, Jésus parle de la prière. Et il veut sans doute nous faire comprendre ce que signifie pour lui prier. Le texte de l'évangile semble nous dire que la prière n'est pas une tâche facile et que ceux qui veulent se lancer dans cette expérience, risquent de faire face à beaucoup de déceptions s’ils  n’ont pas une idée exacte de ce que signifie prier. La personne qui prie est un chercheur de Dieu; est  quelqu’un qui cherche à entrer en contact avec Dieu dans un monde où Dieu semble totalement absent. Celui qui prie est quelqu’un qui tente d'accéder à la source de la bonté, de la pureté, de l’innocence, de l'amour, de la compassion, dans un monde qui parait bâti à l’enseigne de la médiocrité, de la vulgarité, de la méchanceté, de l'égoïsme, de la haine, de  la violence. Celui  qui prie est comme un prisonnier qui cherche à atteindre la lumière pour échapper à  l’obscurité de son cachot. Celui qui prie est comme un asthmatique qui a besoin de respirer un air plus pur pour ne pas suffoquer dans la pollution qui l’entoure.

            Mais Jésus ici semble nous avertir que le priant sera inévitablement confronté au découragement et à la déception, surtout s’il transforme sa prière en une constante requête d’aide et de faveurs. En effet Dieu semble inaccessible, muet, absent. Dieu ne donne jamais le moindre signe de sa présence. C’est pour cela que celui qui, dans la prière, s’adresse à Dieu, doit le faire avec beaucoup de foi, c’est-à-dire avec obstination, avec insistance. Il ne doit pas se décourager s’il n’obtient  pas de réponse. Il doit croire qu'à la fin Dieu finira par donner signe de vie, si on lui demande ce qui est vraiment nécessaire à la construction d'un monde meilleur et au vrai bonheur de la personne qui prie. La veuve de la parabole sait qu'il ne lui sera pas aisé de franchir le mur de l'indifférence et de la méchanceté de ce juge duquel, cependant, elle attend la bonne action qui la rétablira dans son droit  et qui lui redonnera la paix et à la sérénité. Et c'est son insistance et sa persévérance à croire en la bonté de cet homme, en dépit de toutes les apparences, qui a fini par lui procurer l'accomplissement de sa prière.

Jésus semble donc vouloir nous dire qu'il est normal d'avoir parfois l'impression que Dieu ne nous écoute pas; qu’il prend son temps; qu’il se laisse désirer. Jésus veux que nous comprenions que Dieu est le tout autre et que, par conséquent, il n’est pas à notre portée. Jésus veut habituer son disciple à vivre, pour ainsi dire, sans Dieu, en croyant qu’il est là, mais en sachant aussi qu’Il nous laisse à nous-mêmes, comme des adultes capables de se débrouiller tous seuls et  auxquels il suffit de savoir que, quelque part, un Être qui les aime a placé  au plus profond de chacun d’eux un potentiel (humain et spirituel) largement suffisant pour faire face aux aléas de l’existence; et qu’ils n’ont donc aucune raison d’agir comme des enfant gâtés qui paniquent à chaque secousse et qui crient vers Dieu chaque fois qu’ils se trouvent dans le pétrin. Jésus veut que le disciple soit conscient que son destin consiste à marcher en adulte dans la vie, sans  trop compter sur Dieu pour régler ses problèmes; qu’il ne doit pas s’étonner si, la plupart du temps, Dieu parait absent, sourd à ses appels, indifférent à ses  besoins et à ses prières. Jésus veut que le disciple sache qu’il est normal de se sentir seul et abandonné. Cette solitude Jésus l’a expérimentée toute sa vie et même au moment où il aurait eu le plus besoin de sentir la proximité de son Dieu, il a été obligé de constater, dans un cri de douleur, que Dieu l’avait abandonné.

Dieu est Dieu, nous dit Jésus. Dieu est infiniment libre et indépendant. On ne peut pas prétendre pouvoir le manipuler ou l’utiliser à notre guise; le plier à notre volonté et en fonction de nos besoins. Cela est vrai autant pour les individus que pour les institutions. Aucune religion ni aucune autorité religieuse ne peut prétendre détenir le pouvoir de forcer Dieu à faire ce qu'elle veut  ou de l’obliger à se soumettre aux besoins et aux exigences de ses doctrines, de son culte et de ses rites. Combien de fois, comme église ou comme hommes d’Église, avons-nous osé demander à Dieu: «J'ai besoin que tu interviennes, j'ai besoin que tu fasses ce miracle, j'ai besoin qu’ici tu accordes ta grâce, j'ai besoin de ton action toute-puissante pour rendre crédible mes doctrines, mon organisation… parce que je suis le pape, parce que je suis un évêque, un prêtre et que j'ai le pouvoir d'exiger; parce que je suis le célébrant ordonné et que j’ai prononcé les paroles de la consécration; parce que je suis le confesseur et que j'ai donné l'absolution; parce que nous, les chrétiens, avons reçus les sacrements dans lesquels  tu es obligé, toi Dieu, de nous donner ta grâce, ton pardon, ton esprit, ta présence, ton salut éternel….».

Jésus nous enseigne que si Dieu semble être absent aux événements de notre vie et indifférent à notre sort, en réalité, les choses ne se passent pas ainsi. En fait, si notre foi en Dieu est authentique; si elle est comme la foi de Jésus, faite d’abandon et de confiance dans la sollicitude, la bonté et la tendresse de Dieu qu'il s’obstine à nous présenter comme un Père attentif et aimant, alors nous comprenons aussi que l’absence de Dieu et son apparente indifférence à notre égard ne sont finalement rien d’autre que la forme d'un amour extrêmement respectueux de notre dignité, de notre grandeur et de notre liberté. Nous comprendrons que l'accès à la salle de la présence de Dieu doit être ouvert avec la clef de la fidélité, de la persévérance et de la confiance. Car la foi est aussi cela: croire contre toute apparence, contre toute évidence, contre toute attente ; croire même lorsque rien ne semble plus être possible …

Grâce à la parabole d'aujourd'hui, Jésus nous dit: « Même dans l'obscurité, continue de regarder en avant. Tu verras qu’à la fin, la lumière apparaitra. Ne désespère jamais. Dieu qui est au début de ton existence,  sera aussi le Dieu de ta fin. Même si tu as toujours marché dans le noir; même si tu as le sentiment d’avoir toujours prié dans le vide et d’avoir parcouru en solitaire le voyage de la vie; même si tu as l’impression qu’aucun Dieu était là pour soutenir tes pas,… tu peux être assuré que lorsque tu arriveras au terme de ta vie, tu ne te précipiteras pas dans le vide, mais dans les bras d'un Être d'amour qui t’a accompagné à ton insu tout au long du chemin».


MB


lundi 7 octobre 2013

EST-IL ENCORE POSSIBLE DE CROIRE ?


( Luc 17, 5-10)


Luc dans ce texte de l’évangile présente les disciples de Jésus comme des hommes qui tout à coup se rendent compte de leur manque de foi et donc de leur incapacité à s’engager complètement à la suite du Maitre de Nazareth. Alors ils demandent à Jésus d'augmenter leur foi. Pourquoi demandent-ils à Jésus d’augmenter leur foi, et non pas, par exemple, d'accroître leur détachement des biens matériels, leur esprit de sacrifice, leur courage, leur détermination, leur engagement à la réalisation du projet de renouveau du Maitre, leur intelligence de sa parole et de son enseignement, etc.? C’est sans doute parce que, formés à l’école de Jésus, ce mot «foi» était lourd d’une valeur et d’un sens qui pour eux était fondamental, mais qui ensuite a été perdu. Jésus semble leur donner raison, lorsqu’il leur dit, qu’en effet, de foi ils n’en ont même pas le minimum indispensable; et que s’ils en avaient un tout petit peu plus, juste comme une petite graine de moutarde, ils pourraient réaliser l’impossible, faire des merveilles, opérer des miracles, comme déraciner un mûrier sur un simple ordre et le planter en haute mer. Un minimum de foi, leur dit Jésus, lorsqu’elle est authentique, suffit à mettre à la disposition du disciple la puissance de Dieu.

De quelle foi Jésus parle-t-il pour qu’elle soit si puissante? Certainement pas du genre de foi qu’on nous a transmise au catéchisme; ou de la foi qui est couramment exigée par le magistère officiel de l’église lorsqu’il demande aux fidèles d’être des croyants. Cette foi consiste dans une attitude intellectuelle qui pousse le croyant à accepter comme vraies des affirmations doctrinales élaborées par les spécialistes de la religion. Il s’agit habituellement de propositions catégoriques et abstraites concernant la nature de Dieu, Jésus-Christ, la Vierge Marie, l’au-delà, les sacrements, la fonction de l’Église et du pape, etc. Ici croire devient synonyme de conformité à une certaine vision du monde et de la réalité propre à l’Église catholique. Ici croire devient l’équivalent d’une adhésion à une certaine façon de concevoir et d’imaginer Dieu et ses relations avec le monde des humains. Cette façon de parler de Dieu et de raconter l’histoire de ses relations avec le monde des humains que l’église utilise encore aujourd’hui est d’autant plus indigeste pour la mentalité moderne  qu’elle se fonde sur une conception archaïque et primitive de la divinité où le mythe, la légende, le conte, l’imagination, l’anthropomorphisme, ont une part prépondérante, sinon exclusive. Il s’en suit que partager ce genre de foi devient une entreprise de plus en plus difficile, sinon impossible pour les gens de la modernité.

 Pour les croyants catholiques qui réussissent encore à garder la foi, celle-ci se résume finalement à considérer comme vrai tout ce que l’Église enseigne, même si souvent cela va à l’encontre du bon sens; même si cela blesse notre esprit critique et notre rationalité; même si bon nombre d’assertions dogmatiques sont manifestement insensées et irrecevables. 
Quelques exemples: 
- croire en Dieu et à ses anges qui habitent  là-haut, même si l’on sait que là-haut il n’y a aucun Dieu caché derrière les galaxies qui regarde en bas;
- croire que Dieu est venu sur terre incarné dans un homme qui a historiquement existé;
- croire qu’une femme a mis au monde un enfant avec le sperme de Dieu;
- croire que Jésus de Nazareth, après sa mort, est sorti vivant du tombeau avec son corps;
- croire que sa mère a été transportée au ciel corps et âme;
- croire que le pape est infaillible;
- croire que Dieu intervient avec des miracles pour permettre la canonisation des saints…

On dirait que dans son enseignement l’église encourage les chrétiens à penser que la plus grande preuve que Dieu exige d’eux au cours de leur vie consiste à croire en son existence; une existence toutefois qu’il occulte délibérément pour tester notre foi. Comme si Dieu prenait plaisir à jouer à cache-cache avec les humains, question de leur compliquer l’existence.

Beaucoup de fervents et pieux catholiques ne s’étonnent pas de cette difficulté moderne à croire aux assertions dogmatiques de l’Église. Ils pensent que le mérite de la foi consiste justement dans le fait de sa difficulté et dans le tour de force que nous devons imprimer à notre intelligence pour qu’elle accède à l’acceptation d’énoncés qui pourtant la paralysent. Au cours de son histoire, la spiritualité catholique, pour rendre plus acceptable à l’intelligence croyante l’ingestion de dogmes particulièrement indigestes, a inventé le principe du «mérite de la foi» que l’on pleut expliciter ainsi: plus un énoncé dogmatique est difficile à croire, plus le croyant a du mérite devant Dieu. Que l’on pourrait à peine caricaturer de la façon suivante: plus c’est absurde, mieux c’est pour ton salut. Comme si, sur la route qui doit nous conduire à Dieu, Celui qui nous a créés intelligents s’amusait à désavouer notre intelligence, juste pour nous rendre le chemin plus difficile.

Cette foi, que j’appellerais «ecclésiale» ou «catéchétique», n’est finalement qu’un exercice mental d’adhésion forcée à des données proposées et commandées par l’institution religieuse. Le but de cette foi n’est pas tellement d’affecter ou de changer (en mieux)  la personne, mais principalement celui de produire de l’homogénéité doctrinale au sein de l’Institution religieuse. Elle s’apparente plus à l’idéologie qu’à la foi, telle que Jésus la décrit dans son évangile. D’un point de vue humain, cette foi institutionnelle et «ecclésiastique» est presque totalement stérile. Elle ne transforme pas et ne grandit pas intérieurement le croyant. Tout ce qu’elle opère c’est de pousser le fidèle à se soumettre aux instances religieuses et à produire des observances, des pratiques, du culte et des rites. Elle n’a pratiquement aucun impact sur la vie des personnes et de la société. Elle ne contribue pas à améliorer le monde et l’humanité. Elle ne bâtit pas le «Royaume de Dieu » comme voulait le Prophète de Nazareth; elle n’est là que pour assurer la conservation de la structure religieuse, lorsqu’elle ne produit pas les fruits amers de la culpabilité, du dogmatisme, du fanatisme et de l’intolérance.

Jésus savait bien de quoi il parlait lorsqu’il disait que si le disciple avait juste une petite graine de vraie foi, il accomplirait des merveilles en lui et autour de lui. Il voyait le genre de foi qui animait les représentants de la religion officielle de son temps et il ne finissait pas de les critiquer
Il disait aux prêtres, aux scribes, aux pharisiens, grands religieux et grands pratiquants: «Votre foi, votre religiosité c’est de la foutaise. C’est du tape à l’œil. Vous êtes pires que les autres. Vous êtes des fonctionnaires sacrés et des sacrés fonctionnaires, qui utilisent la religion à leur avantage; pour vous hisser sur les autres, pour exploiter les autres, pour opprimer les autres. Vous êtes des hypocrites, des sépulcres blanchis. Vous pensez être croyants, mais vous n’avez pas une once de foi. Vous ne savez même pas ce que cela signifie que d’être des personnes animées par une foi».

La foi est une attitude du cœur. Elle est l’autre mot de l’amour. Elle surgit de l’attachement que vous ressentez pour une personne (Dieu) qui est entrée dans votre vie et  pour laquelle vous êtes prêts à vous perdre, à vous oublier, à tout laisser, pour mieux vous donner à elle et pour qu’elle puisse trouver plus facilement le chemin de votre cœur. La foi, c’est la confiance que vous ressentez envers la personne que vous aimez, car vous savez qu’elle vous aime à un point tel que tout ce qu’elle fera et entreprendra ne pourra être qu’en vue de votre bien et de votre bonheur. Alors vous êtes prêts à vous abandonner à elle, sans hésitations, sans limites. La foi  est ce bouquet qui se forme dans votre vie lorsque vous êtes capable de mettre ensemble les fleurs de la confiance, de l’admiration, de l’émerveillement et de l’amour. Cette foi, faite de confiance et d’abandon, est aussi certitude profonde que désormais cette personne est indispensable à votre bonheur et à la réussite de votre existence. La foi dont parle Jésus est cet événement intime, résultat d’une rencontre qui bouleverse et change une vie. Il n’y a pas de foi s’il n’y a pas de bouleversement et de transformation.

C’est cela que beaucoup de gens ont expérimenté au contact de Jésus:  une nouvelle vie, une nouvelle force, une nouvelle énergie, une guérison intérieure, une nouvelle liberté, une confiance absolue en un Amour qui subitement supprimait de leur vie toute angoisse et toute peur, en les établissant dans une grande paix et une inébranlable confiance. Ce genre de foi-confiance n’est pas une abstraction  intellectuelle, une affirmation doctrinale ou dogmatique à retenir, mais un événement au cœur de la personne, un phénomène intérieur d’une force incroyable qui prend  aux tripes et qui chavire et transforme de fond en comble l’existence. Lorsque Jésus parle de la foi, c’est de ce phénomène là qu’il parle: de la rencontre  de deux amours: de Jésus et son disciple; de  Dieu et l’homme.

 Alors, si toi chrétien, tu sais que tu es dans l’amour de Dieu et que Dieu est dans le tien ; si tu sais que tu es dans le cœur de Jésus et que Jésus est dans ton cœur ; si vos amours se confondent, vos esprits aussi s’unissent et s’identifient. Et si tu possèdes ce genre de foi, alors tu commenceras à sentir, à penser, à agir, à réagir d’une façon totalement différente. Tu assumeras le style et  le mode de vie de tes amours: tu agiras comme Dieu, tu répandras autour de toi «la bonne  odeur du Christ». Par ta foi et à cause de cette foi, tu deviendras lumière, ferment, sel, agent de renouvellement, de changement, de guérison, source de joie, de paix et de bonheur, instrument  béni de Dieu pour la construction d’un  monde meilleur.

Je regarde autour de moi et je pense que quelque chose ne va pas. Tant de chrétiens, tant de catholiques, tant d’institutions chrétiennes, mais combien de croyants ont vraiment ce genre de foi dont Jésus nous parle dans les Évangiles? Nous, les chrétiens  pratiquants, les prêtres et les religieux, les évêques, les cardinaux, le pape, avons-nous la foi? N’avons-nous pas plutôt une dépendance envers des traditions vétustes, des croyances bizarres, des dogmes incompréhensibles que nous nous obstinons à conserver tels quels, à défendre envers et contre tout, à proclamer comme vérités révélées par Dieu. Ne faisons-nous pas cela à l’Eucharistie de chaque dimanche, lorsque nous débitons par cœur ce long et compliqué «Credo», en pensant qu’il contient l’expression authentique  de notre foi, alors qu’il ne fait que la truquer et qu’il n’est que le triste témoin de chicanes théologiques obsolètes et stériles? 

Je regarde autour de moi et je vois toujours une église attachée à ses privilèges, qui côtoie et courtise les pouvoirs des grands de ce monde; qui continue à défendre avec intransigeance son statut d’unique et vraie religion  possédant  l’exclusivité de la Vérité et de la révélation de Dieu.

Je me tourne vers l'évangile et je relis  ces pages : « Vends tout ce que tu as et donne-le aux pauvres, Dieu sera ta richesse, et ensuite suis-moi » (Luc 18,22). «Les renards ont des tanières et les oiseaux ont des nids, mais cet homme n'a pas où reposer sa tête » (Luc 9,58). " Ne vous préoccupez pas  de ce  que vous mangerez, ni pour votre corps en pensant comment vous allez vous habiller » (Luc12, 22) . «Les rois des nations les dominent et ceux qui exercent le pouvoir sont appelés bienfaiteurs. Mais vous fuyez cela. Au contraire, que le plus grand parmi vous se fasse l’égal du plus petit. Et celui qui commande se considère le serviteur de tous » (Luc 22,25-26).

Pauvres, libres, sans sécurité matérielle, sans pouvoir, confiants en l’amour de Dieu qui les anime, tels sont  les disciples de Jésus de Nazareth. Seuls possèdent sa foi ceux et celles qui adhérent à ce style évangélique de vie. Sans leur foi, les disciples seraient des «serviteurs inutiles», car sans elle rien ne peut vraiment être changé ni dans leur vie ni dans le monde.


MB


mardi 1 octobre 2013

TROP D'ARGENT DÉSHUMANISE

LES PAUVRES QUI SONT A NOTRE PORTE
(Luc, 16, 19-31)


Un lecteur superficiel pourrait interpréter cette parabole comme si elle voulait tout simplement  enseigner que les riches vont en enfer et que les pauvres vont au paradis et qu’ainsi la justice divine est finalement rétablie. Interprétée de cette façon, la parabole serait une invitation adressée aux pauvres à endurer leur indigence et leurs malheurs en ce monde parce que, dans l’autre, ils auront un jour leur récompense. La parabole serait donc un appel aux pauvres à se résigner à leur sort, à accepter patiemment leur situation, puisqu’il est normal que dans ce monde il y ait des gens plus futés qui s’enrichissent  et des gens moins doués qui ne réussissent pas à sortir de leur indigence.

Je pense, cependant, que le sens de la parabole est beaucoup plus profond. Le Maître en racontant cette parabole n’a aucunement l’intention de cautionner la pauvreté et l’exploitation d’une grande partie des habitants de la terre par une minorité de riches et de puissants. Il veut, au contraire, nous faire comprendre ce qui va arriver à ceux qui, par commodité, par égoïsme ou par intérêt, vivent en faisant semblant de ne pas voir la laideur de la misère et de la souffrance qui frappent une grande partie du genre humain. Cet évangile, en effet, ne parle pas de l'au-delà, mais de l'ici-bas. Il dit ce qui va nous arriver dans cette vie si nous vivons comme des riches insensibles au respect de la terre et fermés aux besoins du  prochain.

La parabole présente deux personnages: le riche et le pauvre. L'homme riche a tout; le pauvre n’a rien. La seule chose que le pauvre possède c’est son nom. Le riche, par contre, n’a pas de nom. Chose symptomatique, dans l’évangile de Luc, les riches n’ont jamais de nom (12,13-21 ; 16:19-31 ; 18:18-23).Or, dans la Bible, le nom indique le destin ou la mission d'une personne. Il indique la nature de sa vie, les caractéristiques fondamentales de sa personnalité. Lazare s’appelle «Dieu aide» (El ‘azar) parce que tout au long de sa vie il aura besoin de quelqu'un pour l'aider. Il aura besoin que Dieu prenne soin de lui et le sauve  de sa condition de misère.

Le riche n’a  pas de nom, parce que lui, Dieu ne l'aide pas. Dieu ne l’aide pas tout simplement  parce qu’il ne ressent  pas le besoin d’être aidé. Il n’a besoin de personne. Il a l’argent. Il a tout. Il a déjà son dieu. L'homme riche n'a pas de nom pour signifier que, malgré sa richesse, il n'est rien, ni personne. Car tu es une personne lorsque tu es un être de relations ; lorsque les autres comptent pour toi et que tu comptes pour les autres; lorsque tu as besoin des autres pour construire ton  bonheur et que les autres ont besoin de toi  pour bâtir le leur. Tu es une personne quand tu vis en  harmonie avec le monde autour de toi  et quand tu vibres en syntonie et que tu communiques par l’esprit et surtout par le cœur sur les ondes de la compréhension, de l’attention, de l’intérêt, de l'empathie, de la sympathie, de la compassion, de l’admiration, de l'émerveillement, du désir d'aider, de partager, d'aimer. Tu n’es plus humain si tu vis déconnecté des autres ; si tu te recroquevilles sur toi-même; si tu ne t’intéresses qu’à toi et qu’au petit monde que tu as édifié en fonction de toi. En te coupant de tes frères humains, tu te sépares de la source de ton humanité. Tu deviendras alors inévitablement «inhumain» et par conséquent sourd et indifférent aux cris des pauvres et des malheureux  qui se pressent de toute part aux portes de ta maison.

            L'homme riche ne se rend  pas compte du Lazare à sa porte qui mendie son attention et qui crie sa détresse. C’est en cela que consiste le drame, la faute et la réprobation du riche: ne pas voir, ne pas remarquer. L'homme riche n'est pas condamné pour sa richesse, mais  pour son indifférence totale envers le pauvre Lazare. C'est fondamentalement sur ce point que la parabole veut attirer l’attention.

Vous remarquerez que dans la parabole, le riche n’est pas décrit comme un homme méchant. Il ne fait rien de mal; il n'insulte pas le pauvre; il ne le maltraite pas ; il n’est ni agressif, ni oppressif envers lui. Il ne le voit tout simplement pas. Cette indifférence est le gouffre qui sépare l'un de l'autre. C’est l'abîme infranchissable creusé par la superficialité et l'arrogance du riche jouisseur. C’est sur ce point que la parabole veut attire notre attention:
-       sur le minimalisme qui nous habite; sur  l'arrogance, le mépris et la suffisance qui nous gonflent jusqu'à faire disparaître les personnes qui nous entourent;
-       sur la superficialité qui nous rend vides et terriblement myopes;
-       sur l’angoisse de l’accumuler et de l’avoir qui finit par nous  appesantir  au point que nous ne faisons que ramper, alors que nous sommes faits pour voler
-       sur le trop avoir qui détruit la qualité de notre être (humain), jusqu’à  nous rendre parfois terriblement  inhumains.

Dans l'évangile, Jésus condamne le riche non pas parce qu'il était mauvais, mais parce qu'il n'a pas vu la souffrance de son prochain et ne l’a pas secouru. L'homme riche est condamné pour son aveuglement et son indifférence. Cela, dit l'Évangile, c'est ce qui arrivera à vous-aussi, si vous vivez sans voir Lazare à votre porte. Vivez comme ce riche, soyez  insensibles, ne vous laissez pas toucher par ceux qui réclament votre attention, votre compassion et votre soutien…et vous vous condamnerez à une vie humainement insignifiante, superficielle et inutile, qui aura déjà, dès maintenant, le goût de l’enfer.

Débarrassons-nous alors de la myopie et de la hâte qui nous tiennent en otage ; ne permettons pas aux choses de nous alourdir et de nous figer dans notre marche vers une meilleure humanité. Demandons à Dieu un cœur attentif  qui sache aimer avec passion et compassion. Un jour quelqu’un m’a dit « Celui qui aime beaucoup, voit beaucoup de pauvres; celui qui aime peu, voit peu de pauvres; celui qui n'aime pas, n’en voit aucun».


MB


dimanche 25 août 2013

ENTRER PAR LA PORTE ÉTROITE DE L’AMOUR

ENTRER PAR LA PORTE ÉTROITE DE L’AMOUR
(Luc 13, 22-30)  

Les textes de l'Évangile ne sont jamais banals. Celui de ce jour nous surprend par sa charge contestataire et il nous oblige à revoir nos  positions. Un tel demande à Jésus combien sont ceux qui se sauvent. Quelle est l’affluence aux  portes du paradis ? Y a-t-il bousculade, cohue, engorgement, files d’attentes comme aux portes du Forum de Montréal lors d’un match des Canadiens ou au Centre Bell pour un spectacle de Céline Dion, Lady Gaga, ou de Justin Bieber… ou bien c’est comme aux portes de nos églises le dimanche matin où à peine quelques «originaux» se pointent pour entrer ?

Peut-être que cet homme de l’évangile avait déjà posé cette question aux rabbins ou docteurs de la loi de son temps, sans être en mesure d'obtenir une réponse qui puisse satisfaire sa curiosité ou calmer sa peur de l'au-delà. C'est la question que les hommes se sont posée depuis la nuit des temps; depuis qu’ils ont acquis la capacité de penser. C’est la question à laquelle nous nous confrontons souvent avec angoisse et anxiété. Qu’adviendra-t-il de moi après ma mort? Y a-t-il vraiment une survie, un bonheur qui m’est réservé, un «paradis», une Puissance, une Énergie, un Dieu qui me connaisse, qui m’attende, qui m’aime, qui m’accueille, en qui je découvrirais le fondement de mon être et où je trouverais enfin la source et le milieu de mon épanouissement et mon repos? Est-elle réelle ou envisageable la menace d’une exclusion, d’une réprobation, d’une faillite existentielle définitive que l’on appelle communément  un «enfer»?

Ou tout cela n'est rien qu’un mythe, un rêve, un délire, le produit de mon désir, une projection ou une construction de mon esprit qui ne veut pas se résigner à la mort, qui refuse de disparaitre à tout jamais dans le vide et le néant ? Ou toute cette histoire de paradis et de vie après la mort est simplement un conte de fées inventé par les religions et  les prêtres pour embobiner les gens simples  et ignorants, afin de les attirer dans leurs sanctuaires, les dominer, les exploiter soit avec la promesses d’un bonheur éternel  qu’eux seuls peuvent assurer, soit avec la menace d’une damnation éternelle qu’eux seuls peuvent empêcher ?

Autre question inquiétante: si le paradis existe vraiment, est-il pour tout le monde ou seulement pour certains privilégiés ? Serais-je du nombre des élus ou des répudiés? Serais-je capable de réaliser dans ma vie les conditions indispensables à ce salut ; serais-je à la hauteur des exigences nécessaires pour atteindre la qualité de vie qui me permettra d’hériter du bonheur éternel? Existe-il une élite à laquelle il faut appartenir pour avoir une meilleure chance d’obtenir  la vie éternelle ?   

Jésus refuse de répondre directement à la question que l’homme lui pose sur la «quantité» des sauvés. Jésus lui-même n’en a probablement aucune idée, mais surtout il ne veut pas encourager une curiosité inutile et farfelue. Au lieu de cela, il met toute son énergie à dissiper des malentendus, détruire les préjugés, défaire des fausses convictions; démanteler des dogmes et des certitudes longuement entretenues et établies par le système religieux de son temps qu’il ne partage pas et dont il veut libérer ses disciples.

Jésus veut qu’il soit clair que pour se sauver il n’est pas nécessaire, ou tout au moins, il n’est pas suffisant, d’appartenir à un peuple particulier, à en race, à une culture déterminée, à une institution, à une religion, même si cette religion, ce peuple, cette culture sont celles de Jésus lui-même. Tu n’iras pas au paradis, nous dit Jésus, parce que tu es juif, chrétien, musulman (d’autant plus que chacune de ces religions condamnent les fidèles des autres à la damnation éternelle); mais tu iras au paradis si Dieu, en toi qui es juif, chrétien, musulman voit l’image et la substance d’un fils de Dieu. Jésus de Nazareth aurait pu être en accord avec le Dalaï-lama actuel  qui,  interrogé sur quelle religion il pensait être la meilleure, répondit : «La meilleure religion est celle qui rend l’homme meilleur».

Nous pouvons tous penser d’avoir le droit de frapper à la porte de Dieu et être convaincus que Dieu  nous connait, qu’il est des nôtres, qu’il est de notre famille, car nous l’avons fréquenté à la mosquée, à la synagogue, à l’église, où nous lui avons offert le culte de notre adoration, de notre soumission, de notre prière, selon les rites de nos religions respectives. Nous attendons donc que Dieu nous ouvre immédiatement, et qu’il nous fasse entrer dans sa belle maison. Nous pensons être ses amis et d’avoir bien mérité son accueil et sa bienveillance! Nous pensons qu’il ne serait pas gentil de sa part de nous faire attendre et de nous faire languir à la porte… et pourtant c’est bien ce qui se passe! Alors, pris de panique, du dehors, nous commençons à frapper avec insistance: «Mais Seigneur, qu’est ce qui arrive?  Ouvre-nous donc!» .Mais la porte reste inexorablement fermée.  Et de l’intérieur cette réponse redoutable de Dieu qui  tombe comme un couperet pour trancher et détruire définitivement toutes nos fausses croyances : «Je ne vous connais pas …Vous n’êtes pas de miens … Je ne sais pas d’où vous êtes».

On cherche alors désespérément à se défendre, à se justifier: «Mais Seigneur, tu étais pourtant des nôtres! Nous avons mangé et bu en ta présence, le Coran, la Bible, la Torah ouverts sur la table, la mitraillette sur nos genoux, prêts à partir en guerre pour défendre ta cause. Nous avons plein de martyrs qui se sont faits sauter en l’air en ton honneur et dans l’espoir de jouir des biens de ta maison. Nous nous sommes battus et nous sommes morts, les armes à la main, pour te témoigner  notre attachement et notre fidélité. Nous avons fait des croisades pour conquérir tes lieux saints. Nous avons bâti des cathédrales en ton honneur et la basilique de St-Pierre de Rome pour la gloire du Pape qui est ton représentant sur terre. Tu habitais nos églises et nos tabernacles. Tu as fait des miracles en notre faveur, à Lourdes, à Fatima…On nous a prêché et prêché pendant des siècles qu’il fallait  appartenir à l’église, à ton église pour gagner le salut».
Mais il nous répondra encore: «Je ne sais pas d’où vous êtes. Éloignez-vous de moi, vous tous qui faites le mal». 

Finalement, à ceux qui frappent à sa porte, Dieu pourrait adresser ces paroles: « Moi qui suis l’Amour Originel, l’Énergie d’Amour qui soutient et qui garde tout l’univers dans son existence; moi, qui suis la source de l’Amour qui cherche à tout envahir à tout transformer, je ne vois pas mes traits sur votre visage; je ne vous vois pas remplis de mon Esprit. Vous n’avez aucune ressemblance avec moi. Vous n’êtes pas de ma famille. Vous n’êtes pas mes enfants. Car ce n’est pas Moi, ce n’est pas l’Amour, qui a enflammé, orienté votre vie et motivé vos actions. Vous avez vécu dans la rivalité, la confrontation, la lutte pour le pouvoir, la recherche de vos objectifs personnels, dans une religion sans âme, sans bonté, sans respect, sans tolérance; dans une religion qui vous a appris à haïr plutôt qu’à aimer; dans une religion faite seulement de peurs, de contraintes, d’obligations, de tabous, de rites qui vous ont fait oublier le devoir d’aimer… Vous n’êtes pas les créatures que depuis le début du temps j’ai cherché à produire, à faire évoluer et à préparer pour qu’elles m’aident à rendre ce cosmos plus harmonieux, plus réussi, plus amical et plus beau. Qu’est-ce que vous avez fait de l’amour? Vous n‘êtes pas passés par la porte étroite, exigeante de l’amour… la seule qui vous aurait permis d’être heureux et de bâtir un  paradis sur terre...»

Mes chers amis, ce texte d’évangile nous donne la chair de poule. Il fait tout éclater. Il nous enseigne qu’aucune institution religieuse n’a le monopole, l’exclusivité du salut. Il nous dit que ce n’est pas l’appartenance à une religion ce qui est important pour le salut, mais l’appartenance à l’amour. Le salut est pour tous ceux et celles qui aiment à quelque race, culture, religion qu’ils appartiennent: «On viendra de l’Orient et de l’Occident, du Nord et du Midi prendre place au festin dans le royaume de Dieu….et ceux qui se  croyaient  élus et choisis  seront jetés dehors...»       

BM