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lundi 30 décembre 2019

La famille de Nazareth

Quelques réflexions d’actualité

Chaque année, cette fête me laisse quelque peu perplexe. Pourquoi ? Parce que proposer la famille de Nazareth comme un modèle pour nos familles modernes, en ces temps de fragmentation des anciennes habitudes, de perte de repères traditionnels et de chaos social, me semble quelque chose de vraiment utopique ! Comme me disait un jour cette maman : "Vous avez beau nous proposer l’exemple de la sainte famille, mais Marie avait comme enfant le Fils de Dieu !"

Une fois cette première difficulté acceptée, rien n’empêche que l’on puisse puiser dans cette fête chrétienne de la « Sainte Famille de Nazareth » quelques orientations utiles pour nos foyers d’aujourd’hui, même si nous vivons dans un contexte social et culturel totalement diffèrent et beaucoup plus difficile et compliqué que celui de cette famille qui a vécu il y deux mille ans de nous.

Une première caractéristique de la famille de Nazareth qui pourrait inspirer nos familles, me semble être celle-ci : c'est une famille qui a eu le courage de mettre Dieu au milieu d'elle. Il devrait en être de même dans nos familles de personnes croyantes. Même si nous ne pouvons pas avoir un Dieu qui gambade dans la maison, nous pouvons l'avoir plus présent dans nos décisions, dans notre travail, dans nos choix, dans nos pensées, dans les élans de notre cœur, dans nos conversations, dans nos prières, dans nos préoccupations… Nous, qui vivons aujourd’hui dans une société qui semble l’avoir désormais exclu et banni de ses intérêts et de ses préoccupations.

 Soyons honnêtes, même nous les chrétiens gardons généralement Dieu en dehors de notre famille ; nous ne sommes pas très portés à le mêler à nos affaires… et ça se voit! Alors, pourquoi ne pas jeter un coup d’œil du côté de la famille de Nazareth! Pourquoi ne pas penser que Dieu a peut-être du plaisir à vivre chez nous et avec nous... et que peut-être il souhaite avoir, lui aussi, une petite place à notre table, dans notre salon et dans notre cœur! Alors pourquoi ne pas l’inviter plus souvent ? Pourquoi, tout simplement, ne pas essayer de l'insérer davantage dans nos choix, dans notre rôle éducatif, dans nos relations, dans notre travail ?

Deuxièmement, en regardant cette famille et en lisant les minces informations sur elle fournies par les Évangiles, nous sommes frappés par le climat de Mystère qui enveloppe ses membres. Il est dit que Marie et Joseph gardaient les événements qui leur arrivaient dans leur cœur et qu’ils réfléchissaient sur le sens qu’ils pouvaient avoir dans leur vie; et que le jeune Jésus, grâce à ces parents, « grandissait en taille, en sagesse et en faveur auprès de Dieu et auprès des hommes » ( Lc 2,52).
Je les imagine échanger de longs regards interrogateurs vers cet enfant si égal aux autres et pourtant, si différent et cherchant à saisir quelque chose de son insondable mystère. Cependant, ce mystère qui était propre à Jésus, est finalement aussi celui qui accompagne et enveloppe chacun de nous et qui devrait se transformer en respect et admiration pour la singularité et la profondeur de chaque individu que nous approchons.

Malheureusement, dans nos familles, il y a souvent si peu de respect et d’attention pour ce mystère que chacun porte en lui et qui fait tout son charme et son intérêt ! Il y a souvent si peu de sensibilité et d’attention aux richesses que chacun possède et qui, bien souvent, passent inaperçues et ne sont donc jamais reconnues et appréciées.

Dans nos familles, souvent font défaut la gentillesse et la tendresse qui devraient toujours accompagner nos actions. Nos relations et nos gestes prennent souvent la coloration de la nonchalance et de la rudesse que nous réservons à un bien acquis et assuré qui ne nécessite plus aucun soin ni aucun égard.

Dans nos familles, manque presque toujours la stupeur et la fascination avec lesquelles nous devrions nous regarder les uns les autres. Et cela parce que, malgré les chromosomes et les liens du sang qui nous unissent, chacun est un individu unique, à nul autre pareil, étonnamment différent et donc pas nécessairement destiné à marcher sur la même route des autres. Il faut donc être capables de récupérer le sens du Mystère que chacun porte en soi.

Dans non familles, il faudrait aussi trouver le courage et l’envie de se parler  d’avantage. Mais non pas pour émettre des sons ou pour rompre le silence, mais pour communiquer, pour transmettre nos sentiments, pour partager nos pensées, nos convictions profondes, nos états d’âme. Dans nos familles, nous ne réussissons que rarement à communiquer vraiment en profondeurs les uns avec les autres.

On dirait que plus on est biologiquement proche, plus on ressent de la réticence ou de la pudeur à dévoiler notre intimité spirituelle. Remarquez que souvent cela est une réaction normale de légitime défense pour un mystère qui nous habite et que nous voulons protéger. Mais il faut reconnaître que souvent aussi, nous mettons tout en œuvre pour supprimer les quelques opportunités de conversation, de dialogue qui se présentent.

Autrefois, c'était le repas qui réunissait habituellement toute la famille et qui constituait une occasion favorable et privilégiée pour partager, échanger et renforcer les liens de la convivialité, de l’affection et de l’amitié. Aujourd'hui, malheureusement, dans de nombreuses familles, l'heure du déjeuner ou du dîner, se transforme souvent en une superbe séance collective devant la TV, la tablette ou le portable, pour être intelligemment en communication, non pas avec ceux qui nous sont proches, mais avec ceux qui sont loin. Ces gadgets sont devenus le substitut moderne du dialogue et une bonne excuse pour éviter de se rencontrer en profondeur. Alors se produisent des situations absurdes et incroyables ! Il arrive que dans une famille on ne se regarde plus ; on ne se remarque plus; on ne se parle plus; on ne se connaît plus et on devient de parfaits étrangers les uns pour les autres.

Oh, bien sûr, il y a toujours beaucoup de bruit dans la maison : un système de son toujours en marche; on parle de la température qu’il fait ou qu’il va faire ; on discute du match favori ; on jase au téléphone avec les copains, quand on ne se chicane ou ne crie pas...

Mais le dialogue authentique qui unit les personnes et les aide à grandir et à se développer spirituellement et humainement a disparu. Les mots qui expriment l'amour, la gentillesse, la tendresse, le souci des autres, le pardon, etc. ont disparu aussi.

Alors, ce n’est peut-être pas si inutile que ça, aujourd’hui, de profiter de cette fête pour réfléchir sur la qualité humaine et spirituelle de notre famille et de prier Dieu pour que tous ceux et celles qui la composent soient ou apprennent à devenir, à l’école de la famille de Nazareth, des éléments efficaces de croissance spirituelle et d’authentique humanité.

Bruno Mori - 29 décembre 2019

mardi 24 décembre 2019

Noël au-delà de la religion

Essai d’interprétation non religieuse du conte de Noël

En Occident nous vivons dans une société où la religion et le Dieu qu’elle propose ont été pratiquement éliminés des préoccupations et de la vie des personnes. De sorte que l’on peut affirmer, sans exagération, que la majorité des occidentaux considèrent aujourd’hui la religion comme un phénomène du passé qui n’a plus de relevance dans le présent et vivent comme si Dieu avait définitivement disparu de l’horizon de leur existence.

Le monde occidental moderne, caractérisé par les libertés individuelles, le progrès technique, les sciences et les connaissances, en éliminant Dieu et les croyances religieuses de ses intérêts, n’a pas encore été capable de combler adéquatement le vide que cette perte a laissé dans la vie de beaucoup de personnes et qui se traduit par une insatisfaction existentielle, un déficit de sens et de « spiritualité ».

Privés des repères sécuritaires et stables fournis autrefois par l’Institution religieuse, les gens expérimentent aujourd’hui une forme, plus ou moins consciente, mais réelle, d’égarement psychologique, éthique et spirituel qui cherche à se guérir à travers le mirage d’un bonheur assuré par la surconsommation et l’accumulation de biens.

Les gens de la modernité, désormais dégoûtés de l’eau stagnante et polluée que la religion leur offrait, dans leur frustration, ayant définitivement renoncé à la quête d’une « autre source » capable d’étancher leur soif de sens et de bonheur, banalisent maintenant leur existence à la surface d’un quotidien insignifiant, sans grand souci de lui conférer profondeur et qualité.

Je pense donc que la grande tâche qui nous attend, nous, les humains qui vivons dans cette époque de mort de Dieu et de divorce de la religion, est celle de chercher et de découvrir ailleurs, en dehors de la religion, une nouvelle Source de sens capable de répondre aux exigences, souvent tourmentées, de notre cœur et de notre esprit.

 Car, si le Dieu mythique des religions ne réussit plus à nous satisfaire, nous continuons quand même à avoir besoin de faire naître en nous des rêves, des espoirs, des élans, des désirs, des visions, des sentiments qui nous soutiennent le long du voyage de notre vie. Nous avons besoin de nous convaincre que nous ne sommes pas seuls et perdus dans un Univers froid et vide de sens. Nous avons besoin de nous sentir partie d’un Tout qui nous porte, nous englobe et nous accompagne et dans l’amour duquel nous vivons et un jour nous mourrons.

Nous avons besoin de sentir naître en nous la certitude de la présence d’un Mystère qui, certes, nous dépasse, mais dans lequel nous nous trouvons et qui nous veut et nous aime malgré tout et malgré nous. Et si par chance ou par une sorte de miracle cette naissance arrive à se produire dans notre vie, alors, en ce moment, nous aurons découvert la « Source» et fait la rencontre de « notre » véritable Dieu.

Mais ce ne sera pas le Dieu des religions, mais, plus probablement, le Dieu de Jésus de Nazareth. À ce moment, la venue de Dieu deviendra un événement réel et bouleversant dans notre existence, ainsi qu’elle semble annoncée et illustrée poétiquement par le conte chrétien de Noël.

Si, au cours des siècles, la transmission de l’histoire de Noël a réussi à toucher l’imagination et les sentiments d’innombrables générations de croyants et à remplir leur cœur d’espoir, de joie et de paix, cela signifie qu’elle réussissait à leur communiquer quelque chose de très « bon » pour leur vie.

Or, la sensation de ce qui est « bon » n’est jamais une perception absolue et universelle, mais toujours une perception relative, qui peut varier considérablement d’une personne à une autre et aussi dépendamment des époques, des races, des cultures, des traditions et des lieux. Ainsi, ce qui était bon, apetissant, attirant, valable dans la cuisine ou dans la conduite des humains du néolithique ou du Moyen-âge, risque de ne pas l’être du tout dans la cuisine, dans les actions et les perceptions des gens de notre époque. Ce qui est « bon », normal et recevable pour les pygmées du Cameroun, ne l‘est probablement pas pour les habitants de la Norvège.

 De la même façon, ce qui, dans le conte de Noël, a été « bon » pour les chrétiens ingénus et ignorants d’autrefois, ne correspond sans doute plus à ce qui est « bon » pour moi maintenant, moi, un occidental moderne, façonné par l’époque des sciences et des connaissances et possédant donc une culture et une mentalité à nulle autre pareille dans le passé.

J’ai maintenant ma façon à moi d’aller chercher dans le mythe chrétien de la naissance de l’Enfant-Dieu dans notre monde, ce qui me touche, ce qui me convient, ce qui me parle, ce qui m’émerveille, ce qui me fait découvrir la « bonne » nouvelle cachée qu’il veut finalement annoncer aux humains et qui va m’aider à mieux situer la place du Mystère et l’action de son Amour dans ma vie.
Comme les anciens chrétiens ont interprété à leur manière le conte de Noël pour qu’il leur fasse du bien, moi aussi,  je peux et je veux aujourd’hui l’interpréter à ma guise, en me servant et en profitant de tous les acquis de ma culture, de ma mentalité, de mes sentiments, pour que ce conte soit « bon » et fasse du « bien » à moi aussi, chrétien du XXIe siècle.

Car, finalement, les mythes, les légendes, les contes anciens ont une valeur universelle et perpétuelle qui est souvent le produit de sensations-archétypales enfouies dans les cavernes de l’inconscient collectif de l’humanité et l’expression d’une sagesse et d’une spiritualité naturelles. De sorte que, du puits de leur sagesse et de leurs intuitions ancestrales, les hommes de chaque culture et de chaque époque peuvent puiser à la mesure de leur soif, de leurs besoins, de l’orientation de leurs intérêts et de leurs aspirations; à la mesure de la configuration de leur vision du monde, de leur culture et de leur sensibilité spirituelle.

C’est pour cette raison que, moi aussi, fils du troisième millénaire, j’aime interpréter à ma façon le récit chrétien de Noël, afin de pouvoir y extraire ce qui me paraît « bon » pour moi. J’aime donc le considérer comme une belle fable qui illustre, avec des images extrêmement tendres et poétiques, l’action de l’« Énergie Amoureuse de Fond » ou du « Mystère Ultime » (que les religions ont appelé « Dieu ») dans notre monde, présentée comme une « révélation» , une « matérialisation » et une « incarnation » de sa présence dans ce qui existe de plus grand et, en même temps, de plus petit, de plus fragile, de plus précieux et de plus beau dans la matière de notre monde.

J’aime donc interpréter le conte de Noël comme un récit poétique et symbolique de l’incarnation cosmique de la Force ou de l’Esprit de Dieu dans les profondeurs de cette matière capable de se transformer en manifestation de Dieu et en « enfant » de Dieu. Cette « incarnation » cosmique du Mystère Originel dans la « sainte matière », comme l’appelait Teilhard de Chardin, est pour moi un « miracle » beaucoup plus probable, plus acceptable et plus crédible que la littéralité naïve et absurde du récit évangélique de la Nativité.

Après tout, mon interprétation a pour elle le support de la physique quantique et est tout à fait en harmonie avec les suppositions, les intuitions et les conclusions plus récentes de l’astrophysique moderne, où des scientifiques de renom postulent très sérieusement la présence en ce Cosmos d’une « Inspiration » (et donc d'un « Esprit » et donc d’un « Compositeur » de génie) nécessaire pour expliquer la musique et les extraordinaires mélodies jouées par l’orchestre symphonique de l’Univers.
Alors, laissez-moi regarder à ma façon les personnages principaux de cette tendre histoire.

Voilà alors que dans le conte de Noël, la « Vierge » Marie, la Mère-Miracle, fécondée par l’Esprit de Dieu et qui donne naissance à la manifestation matérielle, corporelle et surtout humaine de Celui-ci, se transforme pour moi en un magnifique symbole de ce Cosmos intact, de cet Utérus Originaire, de cette Terre-Mère, de cette Nature placenta et berceau de tout être et de toute vie, belle comme une épouse parée pour son époux; de cette « Sainte Matière » animée et remuée dans ses profondeurs par les vibrations d’un Mystère d’attraction et de fusion qui me dépasse.

Marie devient ainsi pour moi la figure la plus emblématique de cette fécondation cosmique par laquelle le Mystère Ultime se « matérialise », « s’incarne » et agit dans notre Monde et, par-là, il se révèle aux yeux fascinés de notre sensibilité spirituelle et il s’offre à notre émerveillement, à notre attention et aux élans de notre amour.

Joseph, l’homme juste du conte de Noël, qui assiste surpris, incrédule, affolé et préoccupé au miracle de cette prodigieuse fécondation, et à l’attention tendre et amoureuse duquel sont confiés la garde, le soin, le respect, la vénération d’une telle Mère, est également pour moi un frappante image de chaque humain sur terre et de l’attitude que chacun de nous devrait adopter face à ce Monde, à cette Planète, à cette Nature, devenus les lieux non seulement de l’action, de la manifestation et de l’incarnation du Mystère Ultime, mais aussi le berceau dans lequel tout enfant de la Terre est placé afin qu’il développe toutes les facettes de son amour et toute la profondeur de son humanité.

Jésus, l’enfant sorti du sein de Marie et confié, avec sa fragilité et son immense valeur, à la pauvreté d’une crèche, est pour moi l’icône la plus expressive de ce que chacun de nous est, ou peut devenir, en ce monde, s’il est capable de prendre conscience et d’interagir avec les Forces amoureuses qui l’habitent. Ce sont, en effet, les mêmes Forces par lesquelles le Mystère Ultime a fécondé l’Univers et qui se sont déversées et « incarnées » d’une façon spécialement intense dans le cœur de l’homme, en faisant de lui le réceptacle et le relai de la forme « divine » de l’amour dans notre monde.

Finalement, le conte du Noël chrétien se transforme dans une mise en scène géniale, touchante, pleine d’intuitions surprenantes et incroyablement modernes. C’est une fable exquise qui illustre l’action puissante des Mystérieuses Énergies qui gisent au cœur de la Réalité et qui semblent se manifester comme un projet génial ou « divin » d’unité, de relations, d’interactions, de communion et d’amour que nous, les humains, devons mettre continuellement en œuvre pour que l’Univers puisse accomplir et compléter plus aisément la marche évolutive vers sa fusion (amoureuse) avec le Tout.

Je crois que mon Noël, s’il n’est plus très religieux (dans le sens traditionnel du terme), est cependant très chrétien. Mais, non plus chrétien à la façon de l’Église, mais à la façon du Jésus des évangiles.

Au cours de sa vie publique, Jésus de Nazareth, a réussi à accomplir deux exploits remarquables: d’un côté, il a été capable de se présenter au monde comme l’homme exclusivement conduit et animé par l’esprit et les forces de l’amour qu’il disait trouver en Dieu; et, de l’autre, à présenter « son » Dieu comme la présence d’une Énergie amoureuse d’une qualité unique au cœur de chaque humain.

N’est-ce pas tout cela la naissance d’une nouvelle manière de concevoir la présence et l’incarnation de Dieu dans notre monde?

Pourquoi alors la découverte des Énergies mystérieuses porteuses d’un Esprit qui naît au cœur de la matière, en la rendant « sainte », ne serait-elle pas célébrée universellement par une grande fête remplie de lumières, d’allégresse et de chants de joie, comme la célébration moderne d’un nouveau Noël?
Pourquoi cette naissance, ne constituerait-elle pas, pour nous les modernes, une façon de donner un nouveau sens à Noël, ainsi que des raisons plus vraies et plus stimulantes de le fêter et qui suscitent d’authentiques sentiments d’émerveillement, d’exaltation et de joie?

 Bruno Mori

lundi 9 décembre 2019

Desiderio dell'uomo e promessa di Dio



(Seconda Domenica d’Avvento A)


C'è una certa agitazione al centro della pagina di Vangelo di questa seconda domenica di Avvento.  È l'agitazione della folla  che corre nel deserto "da Gerusalemme, da tutta la Giudea e dalla zona adiacente il Giordano". Tutti corrono nel deserto: ma per vedere che cosa?Nel deserto della Giudea è apparso  Giovanni, un predicatore che battezza e annuncia la venuta del Regno di Dio.  Il Vangelo  descrive Giovanni  come una  persona "selvaggia", che porta "un vestito di peli di cammello e una cintura di pelle attorno ai fianchi" e che si nutre "di locuste e miele selvatico". Persona decisamente insolita, originale  e solitaria; non è  un predicatore come gli altri. Ma come può avvenire che a causa di questo strano uomo molta gente decida di lasciare la propria casa e di correre nel deserto per ascoltarlo ?

C'è un'attesa che spinge questa folla nel deserto; c'è un desiderio che sta a cuore a  questa gente. Essi accorrono da ogni parte perché hanno intravvisto in quello strano profeta la "voce che grida nel deserto",  cioè uno la cui  parola dà finalmente voce ai loro desideri, che si fa l’interprete delle loro aspirazioni e dei loro bisogni più vitali. Vivono tempi duri, tempi di violenza, di ingiustizia, di soppruso, di sopraffazione, di  povertà. La gente è sempre pronta  a correre dietro a coloro che annunciano la venuta di tempi nuovi, di giorni migliori ;va là dove spera udire un messaggio liberatore e forse la ricetta che li aiuterà a  uscire fuori  dalla loro condizione di miseria. È sempre così, da che mondo è mondo: quando ci si trova in cattive acque, quando si vivono  momenti di prova, situazioni difficili, si cerca un messaggio di speranza ; si è pronti a seguire chiunque ci propone dei rimedi ai nostri mali.

Come la gente ai tempi del Battista, anche noi oggi proviamo inquietudine e insoddisfazione.  Anche noi, come gli abitanti della Giudea e di Gerusalemme, abbiamo bisogno di trovare qualcuno che ci aiuti a trovare la pace e a  realizzare i nostri desideri: desideri di affetto, di calore, di amicizia;  desideri di serenità, di tranquillità, di pace; ma soprattutto il desiderio di una vita che sia davvero buona, all’insegna del dono e dell’attenzione agli altri, dell’amore dato e ricevuto, del perdono,  della benevolenza e della generosità.

Ma  da chi  andare, come fare  per realizzare i desideri del nostro cuore?  È ancora Giovanni che ci indica la strada che dobbiamo percorrere per incontrare Colui che può riempire il nostro cuore ed accendere in noi il fuoco che infiammerà  la nostra esistenza : "Io vi battezzo con l’ acqua ; ma colui che viene dopo di me è più potente di me... Lui vi battezzerà, vi immergerà  nel fuoco  dello  Spirito ". Giovanni ci indica e ci conduce da Ges , cioè da colui che è può davvero dare  compimento,  al di la`di ogni nostra attesa, alle  aspirazioni più profonde del nostro cuore. È lui, Gesù, il nostro Maestro ed il nostro Signore. È lui, il Volto di Dio in mezzo a noi, la via che conduce alla felicità vera ; è  lui colui che possiede la verità che ci libera dagli errori; è  lui colui che possiede il segreto di una vita piena di senso.


Così il vangelo  di oggi, attraverso la figura carismatica di Giovanni  Battista, ci rimanda a Gesù, l’uomo  nel quale si sono espressi ed incarnati tutti i desideri di Dio. L’Avvento è il tempo che ci è dato  per lasciarci invadere e trasformare dallo Spirito di Gesù, che è lo Spirito stesso di Dio.  Se lasciamo agire in noi lo Spirito di Gesù, egli brucierà le scorie delle nostre  debolezze morali e dei nostri egoismi umani e farà  di noi delle creature nuove, delle  persone trasformate, animate da un cuore nuovo,  capaci d’amare alla maniera di Dio. Allora ci accorgeremo che nello Spirito di Gesù tutti  i nostri desideri più  profondi sono  esauditi;   e  sperimentaremo  finalmente  la pace  del cuore di cui abbiamo tanto bisogno per trascorrere la nostra esistenza nella gioia, nella pace e nella serenità.


BM


LA SALVEZZA È OGGI PIÙ VICINA



( 1 dom. Avvento A, Matt.24, 37-44)


            Entriamo oggi nel periodo dell’Avvento. « Avvento » significa  « venuta, arrivo ». è il tempo in cui dobbiamo far arrivare in noi Qualcuno, qualche cosa... Ma non è già arrivato ? No! Non è mai arrivato  abbastanza Dio, Gesù, nella nostra vita… non occupa mai abbastanza  spazio… C’è sempre tanto posto nella nostra esistenza per un sacco di cose che non contano, che sono inutili, che ci imbarazzano, che ci appesantiscono, che ci proccupano o alle quali diamo troppa importanza  e che si impediscono di attaccarci a lui e di impegnarci veramente a vivere la nostra vita secondo la sua Parola, il suo insegnamento, il suo spirito...

            Far venire in noi il suo Regno….! È  il nostro dovere  di cristiani e di discepoli di Gesù. Ma ci pensiamo veramente travolti come siamo dalle tante cose da fare e dalle preoccupazioni della vita ?

            E intanto la nostra vita passa, con i suoi desideri e le sue delusioni, le sue scoperte, le sue paure e le sue ironie, i suoi entusiasmi e i suoi fallimenti. Passa e fatichiamo a tenerla ferma in un punto, un punto qualsiasi, attorno a cui far girare tutto il resto.

Ecco perchè ogni tanto abbiamo bisogno di fermarci, almeno qualche minuto, di guardare dove stiamo andando, di trovare un filo a cui appendere, come dei panni, tutte le nostre vicende. E l’Avvento ci offre questa opportunità. Sono quattro settimane che ci preparano al Natale, un'arca di salvezza che ci viene data per ritagliarci uno spazio di consapevolezza. Un mese per preparare una culla per Dio, fosse anche in una stalla.

            Sono poche quattro settimane che ritornano ogni anno, ma che dobbiamo usare e sfruttare ancora e ancora. Perché possiamo celebrare cento natali, senza che mai una volta sola Dio nasca nei nostri cuori.
           
Il brano del Vangelo odierno non è facile da capire e rischia di essere letto in chiave grottesca. Gesù cita gli eventi simbolici di Noè, dice che intorno a lui c'era un sacco di brava gente che venne travolta dal diluvio senza neppure accorgersene. Perciò ci invita a vegliare, a stare desti, proprio come fa Paolo scrivendo ai Romani. E Gesù avverte: uno è preso, l'altro lasciato. Uno incontra Dio, l'altro no.
Uno è riempito, l'altro non si fa trovare. Dio è discreto, modesto, quasi timido, non impone la sua presenza; la sua venuta è come la brezza della sera. A noi è chiesto di spalancare il cuore, di aprire gli occhi, di lasciare emergere il desiderio. Come? Non lo so, amici. Io cerco di farlo ritagliandomi uno spazio quotidiano, una pausa  quotidiana di silenzio  per la riflessione, la meditazione, la preghiera. Alcuni tra voi portranno proporsi una maggiore fedeltà all’Eucarestia domenicale. Altri potranno tagliare nelle spese  natalizie, spesso inutili e superflue,  per dare qualcosa di più a chi è povero e nel bisogno. Altri potranno sforzarsi controllare la loro impulsività, la loro aggressività ed i loro nervi, per cercare di trattare con più affabilità e dolcezza  le persone che vivono accanto a loro; rinforzare l’attitudine dell’ascolto, dell’ttenzione, della gentillezza, della sensibilità,  della bontà.

            Se vissuti bene, aiutano anche i simboli del Natale cristiano: preparare un presepe, addobbare un albero, fare piccoli gesti teneri che però contengono tanto amore. Facciamo qualcosa per vedere se lo Spirito di Gesù è presente in noi, e nato in noi; per non lasciarci travolgere dal diluvio di parole, di cose, di distrazioni, di preoccuazioni  materiali, dei regali, degli inviti e del veglione natalizio chenrisciano di occupare gran parte del nostro spirito ed il notro tempo, facendoci perdere di vista gli atteggiamenti ed i valori che danno veramente senso e pienezza alla nostra vita.

            Noi cristiani dobbiamo capire che prepararsi al Natale e vivere lo spirito del Natale  è sopratutto cercare di far nascere in noi  lo Spirito di Gesù che non è  altro che lo Spirito che anima la vita stessa di Dio: e che questo spirito consiste nel dono di sè  nell’abnegazione, solidarietà, affetto, compassione, sensibilità, dolcezza, premura, attenzione, rispetto, perdono,  tolleranza,  amore verso  tutti... 

L’Avvento è dunque questo tempo propizio che ci è proposto per decorare, non tanto la nostra casa, ma il nostro cuore con  tanto amore. Quindi: viva i regali, viva la festa, purchè prima abbiamo fatto tutto quello che è possiblile perchè anche i piu bisignosi possano sentirla e viverla. Perchè il Natale per chi è povero; per chi è nel bisogno;, per chi ha subito un abbandono, una separazione,  un trauma, un lutto; per chi è solo o ammalato, il Natale  può trasformarsi in una festa triste e insostenibile.

             Svegliamoci dunque dalla nostra pigrizia e dalla notra indolenza (2e lettura); mettiamoci all’opera, perchè la presenza di Gesù in noi, che ricordiamo in ogni Eucarestia domenicale, ci liberi dai nostri egoismi e la sua salvezza diventi più accessibile a coloro che incontriamo sul nostro cammino. È ciò che chiederemo al Signore in questa Eucarestia.


Bruno Mori

mercredi 28 août 2019

Un amour qui est déjà notre paradis

(21e dim. ord. C, Luc 13, 22-30)

Comme toujours, les textes de l’Évangile que nous lisons le dimanche sont là pour nous secouer et nous obliger à réfléchir. Un homme demande à Jésus combien sont ceux qui sont sauvés. Quel est la consistance et l’affluence de ceux qui parviennent à entrer au paradis. Sont-ils nombreux ? Sont-ils peu nombreux ? Y a-t-il beaucoup de circulation sur la route du paradis ? Y a-t-il un embouteillage à ses portes ? Ou est-ce comme sur l'autoroute du dimanche à quatre heures du matin ou aux portes de l’église à l’heure de la messe ?

            Cet homme avait peut-être déjà posé la même question aux rabbins ou aux maîtres de la loi de son temps, sans parvenir à obtenir une réponse satisfaisante et qui aurait pu le rassurer devant sa peur de l'au-delà. C’est la question que nous nous posons, ou que nous nous sommes déjà posée, très souvent et avec appréhension. Qu'est-ce qu’il y aura dans l'au-delà ? Que trouverons-nous après la mort ? Y-a-t- il vraiment un paradis ? Y a-t-il vraiment un enfer ? Y a-t-il vraiment une survie ? Un bonheur qui m'est réservé ? Y a-t-il vraiment un Dieu qui m'aime et qui m’attend ? Ou tout cela n'est qu'un produit de mon désir; une projection ou une construction de mon esprit et de mon être qui ne veulent pas se résigner à la fin; qui refusent de mourir et de disparaître dans le vide pour toujours ? Ou est-ce simplement une belle fable inventée par la religion et les prêtres pour accrocher les fidèles ? Et si le paradis existe, est-ce pour tout le monde ou juste pour certains? Serais-je parmi le nombre d'élus ou de répudiés? Pourrais-je posséder les conditions indispensables pour réaliser la qualité de vie nécessaire pour mériter la vie éternelle?

Nous devons reconnaître qu'il y a aussi beaucoup de gens aujourd'hui qui trouvent ce genre de questions et d'inquiétudes pas mal ridicules. Pour la simple raison qu'ils ne croient pas en Dieu et qu’ils ne croient donc pas à une vie après la mort. Ils pensent que la vie est réduite à cette existence temporelle et que la mort marque la fin de tout, l’anéantissant de tous nos projets, de toutes nos attentes et de tous nos espoirs.
  
L'homme de l'évangile qui interroge Jésus devait cependant appartenir à la classe de ces personnes inquiètes. Bizarrement, Jésus ne répond pas à sa question. Au lieu d'encourager sa curiosité et de lui révéler le nombre de personnes sauvées, Jésus tente de pousser cet homme à se prendre en main et à assumer ses responsabilités dans la société et dans le monde où il vit. C'est comme si Jésus disait à chacun de nous: " Ton paradis et ton bonheur éternel commencent ici et maintenant. Ils sont un cadeau de l’amour et de la grâce de Dieu, bien sûr, mais aussi un cadeau qui t’est accordé dès maintenant, comme la conséquence et le produit de l’amour avec lequel tu seras capable de pétrir, de fermenter et d’assaisonner ta vie. C’est l’amour la porte étroite, la passage difficile, le passage obligé que tu dois traverser pour arriver à la découverte d’une vie nouvelle et, peut-être, à faire l’expérience de ton accomplissement humain et de ton bonheur. Dès maintenant, ta vie peut être un paradis ou un enfer. Ton paradis ou ton enfer tu es en train de les construire et de les vivre en ce moment. Si ta vie est fondée sur l'amour, tu es déjà au paradis ; si elle est construite sans amour, sur l'égoïsme, le pouvoir, la confrontation et la haine, tu vis probablement déjà en enfer.

Nous savons tous par expérience à quel point le chemin étroit de l'amour véritable  est difficile ! Je veux parler d’un amour sincère, désintéressé ; un amour qui pardonne, qui ne tient pas rancune, qui excuse tout, qui ne juge pas ; l'amour qui aide, qui accueille tout le monde, l'amour qui sourit même aux plus désagréables ; l'amour qui fait le premier pas vers ceux qui nous ont offensés, blessés ou fait du mal ; l'amour capable de s'incliner même devant l'ennemi pour le soulever, l'aider, le faire réfléchir, lui donner une chance de se racheter... (Il s'agit ici de l'amour-charité décrit dans 1 Corinthiens au chapitre 13 [1]). C’est cela la porte difficile à traverser dont parle Jésus ! ... Et malheureusement, il est vrai qu’ils ne sont pas bien nombreux sont ceux qui parviennent à la franchir !

Il est beaucoup plus facile de passer par la porte grande ouverte de la haine, du ressentiment, de la vengeance, de la violence, de l’égoïsme, de l’avidité, du mensonge, de la jalousie, du mauvais jugement, de l’offense, de l’intolérance, de la méchanceté… Les gens s’entassent, ils font même la queue devant cette porte ! Peut-être en faisons-nous partie nous-aussi, nous, qui sommes ici ce matin, doux comme des brebis, pour assister à cette messe du dimanche.

Le Seigneur nous avertit ce matin : " Faites attention, vous qui pensez être mes amis et qui prétendez me connaître parce que vous êtes ici en ma présence ! Gare à vous, qui pensez n’avoir rien à vous reprocher et qui pensez être des chrétiens exemplaires. Faites attention car, si Dieu ne reconnaît pas son image en vous et la forme de son amour dans votre vie et dans votre cœur, il se peut qu’un jour vous ayez la surprise de vous faire dire: " Et vous, qui êtes-vous? Je ne vous connais pas !!! " "

Alors, au cours de cette Eucharistie, demandons au Seigneur de nous libérer de la tentation de l’orgueil, de la prétention de ne pas avoir besoin de conversion, et qu’il nous aide à remplir notre cœur de cet d’amour qui es déjà notre paradis parce qu’il contient le secret de notre réussite humaine et de notre bonheur.

BM







[1] « L’amour prend patience ; l’amour rend service ; l’amour ne jalouse pas ; il ne se vante pas, ne se gonfle pas d’orgueil ; il ne fait rien d’inconvenant ; il ne cherche pas son intérêt ; il ne s’emporte pas ; il n’entretient pas de rancune ; il ne se réjouit pas de ce qui est injuste, mais il trouve sa joie dans ce qui est vrai ; il supporte tout, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout. » ( 1Cor. 13)


vendredi 26 juillet 2019

Une femme pas comme toutes les autres



(16e dom. ord. C – Lc.10,38-42)

            Ce bref passage du chapitre dix de l’évangile de Luc est l'un des textes les plus captivants et, en même temps, les plus contestataires du N.T. Ce texte, qui vient après la parabole également subversive du bon samaritain, conclut ce chapitre comme le coup final d’un feu d’artifice par lequel Luc veut surprendre ses lecteurs par l’extraordinaire charge innovatrice de l’enseignement du Maître de Nazareth. Dans ce récit tout est symbolique, et donc tout doit être déchiffré et interprété. On doit être capable de lire entre les lignes les non-dits qui y sont cachés.

            Jésus est en route, il traverse le village de Béthanie accompagné de ses disciples, mais lui seul est invité à entrer dans la maison de Marthe et Marie que nous savons par ailleurs (de l’évangile de Jean) qu’elles sont les sœurs de Lazare que Jésus avait fait sortir vivant du tombeau.

            Le fait que les disciples restent exclus de cette rencontre est déjà un indice que ce qui va se passer à l’intérieur est peut-être au-dessus de leur capacité d’acceptation et de compréhension et qu’il vaut donc mieux pour eux, pour le moment, d’en rester exclus. Dans la société juive de ce temps, le fait que Jésus entre tout seul dans une maison occupée par deux femmes seules, est déjà un comportement non-conforme, pas mal osé et, pour beaucoup, scandaleux. Et cela constitue déjà un message et un enseignement.

            Avant de parler de Jésus et de ces deux femmes, disons quelques mots sur la société patriarcale du Moyen Orient du temps de Jésus.

            Dans cette société, seuls les hommes avaient des droits et du pouvoir, les femmes n’en avaient aucun. L’état de dépendance, de soumission et d’infériorité des femmes était une stratégie de défense générée par la peur des hommes de se sentir inferieurs aux femmes ; une stratégie qui leur permettait d’assurer leur suprématie, d’affirmer leur pouvoir, leur importance et leur prétendue supériorité. Dans les sociétés patriarcales d’autrefois et de maintenant, par un phénomène de mimétisme général inconscient, les mâles adoptent l’attitude typique du gros crétin débile qui écrase le plus petit pour se sentir plus grand; qui bat le plus faible pour se sentir plus fort; qui humilie ou ridiculise le moins doué pour se sentir plus intelligent.

            Les hommes ont pu dominer et opprimer les femmes pendant longtemps surtout  parce qu’ils ont réussi à les garder dans un état permanent d’infériorité intellectuelle, en leur interdisant l’accès à l’éducation, à l’instruction, au savoir et aux connaissances; et cela en réprimant leurs aptitudes humaines, leurs capacités intellectuelles; en empêchant leur épanouissement personnel par l’interdiction de cultiver leurs talents, de se réaliser en accord avec leurs désirs et leurs aspirations profondes. 

            Le texte évangélique de ce dimanche nous présente deux femmes qui sont l’une à l’opposé de l’autre. Dans ce récit Marthe et Marie sont évidemment deux figures emblématiques (symboliques). Elles représentent deux types de religions, deux types de comportements, deux types de réalisations humaines et personnelles, deux types de sociétés et deux mondes.

            Dans ce texte évangélique, un type est refusé et condamné, l’autre est accepté, encouragé et proclamé par Jésus comme celui qui doit désormais caractériser la façon  de penser et de vivre de ses disciples. Voyons cela d’un peu plus près.

            Marte est la femme qui accepte sans contester les règles de la société patriarcale de son époque et elle s’y conforme de bon gré.

            Marthe est le spécimen parfait de la femme soumise et asservie telle qu’elle est voulue et programmée par la religion et le système patriarcal de son temps. Elle est la femme complètement intégrée à ce système. Elle accepte sa condition et sa situation de «servante », de femme à la maison; de femme qui n’est faite que pour rester renfermée dans sa maison, pour s’occuper uniquement du ménage, de la cuisine, du mari et de la marmaille. Tout ce qui est en dehors de sa maison ne la regarde pas, ce n’est pas son affaire, mais uniquement une affaire d’hommes. La maison est sa cage, sa prison, ainsi que toute sa vie. Pour accomplir cette tâche, elle n’a pas besoin d’être une personne cultivée et instruite. Il lui suffit d’être une ménagère robuste et musclée et donc, finalement, de rassembler plus à un homme qu’à une femme.  

            Marthe est la femme qui n’est même pas résignée à son sort. Elle n’en souffre pas. Elle l’accepte. Elle l’embrasse, parce qu’elle est convaincue que son sort de femme soumise, servante et ignorante est la seule façon qu’elle a de vivre sa vie de femme, la seule sorte de vie qui lui convienne en tant que femme.

            Marthe représente la femme totalement coulée dans le moule de la religion, de la culture, de la mentalité, des lois, des traditions et des préjugés de la société patriarcale de son temps. Elle est donc l’exemple d’une programmation et d’un endoctrinement parfaitement réussis de la part du système machiste. Tellement conforme et endoctrinée, qu’elle ne réussit même pas à imaginer qu’une vie de femme puisse se dérouler autrement et qu’une femme puisse être autre chose qu’une esclave et une servante à la disposition de l’homme.

On peut clairement toucher chez Marthe cette intériorisation de son statut de femme-servante dans le reproche indirect qu’elle adresse à sa sœur lorsqu’elle dit à Jésus : « Seigneur, on dirait que tu t’en fous que ma sœur veuille être différente de moi ; qu’elle ne veuille pas servir, mais seulement t’écouter, … Serais tu, par hasard, de mèche avec elle?  Est-ce que tu encouragerais, par hasard son indépendance, ses drôles d’idées, ses caprices, sa paresse ? Pour qui se prend-elle ?…  Dis-lui donc qu’elle intègre sa place et sa fonction de servante… ! »

             Marie est le contraire de sa sœur. Marie est la femme contestataire qui s’oppose de toutes ses forces aux préjugés et aux attitudes débiles du système machiste de son  temps qu’elle déteste. Nous dirions aujourd’hui que Marie représente la femme « moderne »,  émancipée, non-conforme, qui veut être elle-même, qui refuse de se laisser programmer et organiser, qui se sent responsable du déroulement de sa vie et qui veut l’orienter et la réaliser à son goût. Elle refuse son statut d’esclave et de servante. Elle récuse sa condition de femme soumise, emprisonnée, surveillée, déconsidérée, dépréciée, humiliée, battue. Elle conteste l’étiquette de personne sotte, stupide, irresponsable, enfantine et ignorante avec laquelle les mâles veulent la qualifier. C’est pour montrer cela que, dans ce récit, nous la voyons fortement arrimée à son maître, comme une palourde à son rocher, refusant obstinément d’écouter le rappel insistant de sa sœur à reprendre son rôle de femme servante.

            Marie veut avoir une vie personnelle, une vie intellectuelle, une vie amoureuse de son choix. Elle veut être une femme libre. Elle refuse d’être la femme qui se tait, qui endure, qui sert le mâle et qui sert au mâle, l’objet que l’on jette et l’on oublie après l’usage, la marionnette à la merci des caprices et des vices d’hommes despotiques, violents et égoïstes.

            Marie veut s’instruire ; elle désiré apprendre, connaître, savoir. Elle cherche un pédagogue, un maître. C’est pour cela qu’elle s’installe aux pieds de « son» Maître  préféré, dans l’attitude abandonnée et confiante de l’admiratrice, de l’élève, du disciple qui veut s’abreuver goulûment à la source de sa parole, de son enseignement et de sa sagesse.

Personnellement, j’ai toujours aimé cette scène de Marie blottie aux pieds de Jésus qui n’accepte pas son destin de femme ignorante ! J’aime imaginer Marie comme une femme ambitieuse et, en même temps, comme une femme pleine de tendresse et d’amour pour Jésus. J’aime l’imaginer regardant avec des yeux remplis d’émotion et d’admiration ce maître qui a été le premier et l’unique homme à la traiter avec respect, égard et gentillesse ; à apprécier sa soif de connaissances et sa beauté intérieure; à reconnaître la valeur qu’elle possède en tant que personne, au-delà de tout jugement ou préjugé  machiste ou de genre. 

            Si Marthe a été la femme de l’observance, de la conformité, de la pratique extérieure, matérielle et physique des règles et des normes dictées par la religion et les coutumes sociales de son milieu, Marie est la femme de l’intériorité, de la profondeur, de l’authenticité, de la vérité, de la transparence, de la cohérence dans ses convictions, sa foi, ses croyances et ses sentiments.

            Et c’est en Jésus que Marie a trouvé le miroir dans lequel se regarder afin de trouver le véritable portrait de la personne qu’elle peut devenir et qu’elle veut être. Marthe a reçu Jésus dans sa maison, Marie le reçoit dans sa tête et dans son cœur. Et ce sera la présence de l’esprit du Maître en elle qui lui permettra de se construire de l’intérieur comme une femme à la mesure de ses besoins et de ses aspirations.

Et c’est la personne et les attitudes de Marie que Jésus laissera à toutes les femmes comme un modèle et un devoir de réalisation et de vérité personnelles. Il fera donc savoir à Marthe, et avec insistance (« Marthe… Marthe… ! »), que ce n’est pas elle qui possède les meilleures dispositions et la meilleure façon de vivre sa vie de femme, mais Marie. Il lui dira ouvertement que c’est Marie qui a choisi ce qui est meilleur pour elle, la meilleure posture, celle qui lui donnera une valeur, une grandeur humaine, un charme et une beauté intérieure que personne ne pourra lui enlever.

J’aime beaucoup cette Marie, sœur de Marthe, de l’évangile de Luc! Je l’aime pour différentes raisons, mais principalement parce qu’elle a été la première femme de l’histoire à détecter la perversité du système patriarcal et qui a cherché à le contraster et à le combattre. Pour moi, elle peut être considérée comme le précurseur et la fondatrice des mouvements de libération féminine qui caractérisent désormais toutes nos sociétés modernes en Occident.

Mes chères dames et demoiselles ici présente, sachez que si aujourd’hui vous avez droit de vote; si vous pouvez travailler à l’extérieur de votre maison; exiger un salaire égal à celui des hommes pour le même travail fourni; aller à l’école; obtenir des diplômes universitaires; devenir astronautes, avocates et médecins; relaxer devant un bon  cappuccino sur une terrasse de la rue St-Denis sans vous faire harceler ; conduire une voiture et aller à bicyclette en shorts sur les pistes cyclables du St Laurent; exiger  de la politesse, des égards et du respect de la part des machos que vous rencontrez sur la route  de la vie, et bien, sachez que vous devez cela, en grande partie, à l’enseignement du Rabbi de Nazareth, certes, mais aussi au comportement de Marie de Béthanie. 

 Bruno Mori  -10 juillet 2019

mardi 14 mai 2019

L’écoute qui nous accomplit


 (4e dim. de pâques, C – Jn. 10,27-30)

            Si nous sommes ici ce matin, rassemblés dans cette église, c’est parce que nous sommes des chrétiens, membres de la famille de Jésus et brebis de son bercail et que nous considérons Jésus de Nazareth comme notre berger, notre maître et notre « Seigneur ». Les quelques versets de l’évangile de Jean que la liturgie de ce dimanche propose à notre attention décrivent en trois verbes très importants le mouvement de base de notre démarche de disciples à la suite de Jésus et résument l’essentiel de notre condition de chrétiens. Nous sommes les brebis qui « écoutent », « connaissent » et « suivent » leur bon Pasteur. C’est sur ces trois verbes que je voudrais vous inviter à poser aujourd’hui votre attention et votre réflexion.

 « Mes brebis écoutent ma voix… »

            Le texte nous dit que ne réussissent à faire partie de la famille de Jésus que ceux et celles qui sont capables d’écouter. La capacité d’écoute est une qualité très rare chez les humains et très peu nombreuses sont les personnes qui la possèdent, c’est pourtant celle qui nous construit en tant que personnes.

            Or, nous savons qu’écouter est plus qu’entendre. On peut en effet entendre la voix ou les paroles d’une personne, sans vraiment l’écouter, comme c’est souvent le cas dans nos relations sociales. La capacité de l’écoute suppose un lâcher prise de nos certitudes établies, une sortie de nous-mêmes, de nos fermetures et nos repliements, un abandon de nos suffisances, pour nous ouvrir, pour adopter l’attitude de l’accueil, de l’attention et de l’intérêt envers les autres et pour ce que les autres peuvent nous dire, nous communiquer, nous apporter, nous enseigner ; posture dans laquelle interviennent notre bon sens et notre intelligence, mais surtout et principalement notre cordialité, notre sensibilité, notre affectivité, notre empathie et donc notre cœur.

            L’écoute comporte donc avant tout l’attitude de la disponibilité à recevoir du nouveau et du différent; la prise de conscience que nous ne savons et ne connaissons pas déjà tout, que nos vérités et nos raisons sont toujours incomplètes, partielles; que donc nous avons toujours besoin de nous « recycler », de nous questionner, de chercher, d’interpeller, d’écouter et d’apprendre des autres, car nous ne suffisons jamais tous seuls à atteindre une meilleure compréhension de la réalité et une plus complète réalisation de notre humanité et de notre bonheur. Celui qui reste blindé dans sa suffisance, dans ses acquis, dans ces certitudes, dans ses convictions et dans ses préjugés, restera toujours une brebis égarée.

 « Mes brebis je les connais et elles me connaissent … »

            Et évangile nous dit que l’écoute nécessite le soupir du cœur. En effet, nous n’écoutons vraiment que ce qui nous intéresse ; que ce que nous percevons comme venant répondre aux besoins, aux désirs, aux aspirations profondes de notre esprit et de notre cœur.

            Nous écoutons parce que nous sentons et nous découvrons des affinités, des résonances, des attirances entre notre âme et l’âme de la personne qui nous parle; entre notre âme et l’âme contenue dans les paroles que nous entendons. C’est pour cela que nous n'écoutons vraiment que les personnes que nous apprécions, que nous estimons, qui nous sont sympathiques ; celles avec lesquelles nous nous sentons en syntonie, en accord et en confiance ; celles finalement que nous aimons. C’est pour cela que le bon berger de l’évangile dira que ses brebis l’écoutent parce qu’elles le connaissent, elles connaissent sa voix, comme lui connaît chacune d’elles .

            Je vous fais remarquer que le verbe « connaître » utilisé dans l’évangile de Jean n‘indique pas une connaissance cérébrale, intellectuelle, mais il s’agit d’une « connaissance » au sens biblique du terme. C’est le verbe dont la Bible se sert pour exprimer l’intimité du couple réalisée par leur étreinte sexuelle. Il s’agit donc ici d’une connaissance sensible, presque « sensuelle », qui comporte une proximité, une intimité et une profondeur dans laquelle les personnes se rencontrent dans la fascination et l’extase d’une relation affective, amoureuse, de communion et d’unité qui les fusionnent en un seul être et en un seul corps à tout jamais.
 Le bon Berger de l’évangile de Jean nous assure que la connaissance qui existe ente lui et les « brebis » qui l’écoutent est de cette nature. Elle est en effet en tout semblable à la connaissance fusionnelle qui existe entre lui et Dieu son Père : « Je connais mes brebis et mes brebis me connaissent comme mon Père me connaît et moi je connais mon Père (10,14)... et sachez que moi et mon Père nous ne faisons qu’un, le Père, en effet, est en moi et moi je suis dans le Père. »

            C’est donc la bonne nouvelle de cette qualité et de cette profondeur d’unité, de communion et de fusion qui s’établit entre les brebis et leur Berger, entre le Maître et ses disciples, que ce texte de l’évangile de Jean cherche à annoncer aux chrétiens de son temps et aux chrétiens de tous les temps.

« Mes brebis me suivent… »

            Pour le disciple, le fait de suivre Jésus est alors la conséquence nécessaire du bouleversement et de l’intensité de l’expérience intérieure déclenchée en lui par la rencontre amoureuse et la communion avec son Maître Jésus lors de l’écoute de sa parole.
            Une parole qui a trouvé une résonance parfaite dans l’esprit et le cœur du disciple, parce qu’elle lui convient en tout et lui convient parfaitement ; parce qu’elle vibre en accord avec ses besoins, ses désirs, ses aspirations, ses rêves les plus chers.

        Voilà pourquoi nous sommes devenus disciples d’un tel Maître. Voilà pourquoi chaque dimanche nous devenons les brebis qui se regroupent dans son bercail (notre église paroissiale). Nous exprimons par là notre besoin et notre désir d’être toujours à l’écoute de ce Maître qui a saisi notre cœur et qui continue de nous nourrir du pain de sa parole et de nous abreuver à l’eau pure et fraîche de son Esprit.

            En sa compagnie et sous sa conduite, nous avons la certitude et la pleine confiance de pouvoir devenir de meilleures personnes, capables de construire un monde plus juste, plus heureux et plus humain.


Bruno Mori – Montréal, 8 mai 2019