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lundi 4 mars 2019

LES BÉATITUDES

( 6e dim. ord. C – Lc 6, 20-26)

Les « Béatitudes » sont sans doute le texte de l‘évangile qui a été le plus commenté, mais c’est aussi le plus difficile à saisir, parce qu’il inverse radicalement notre échelle de valeurs. Comment peuvent-ils être heureux les pauvres, ceux qui pleurent, ceux qui ont faim, ceux qui sont opprimés, persécutés ? Je pense que l’intelligence de ce texte est plus du domaine de la sensibilité et de la conquête personnelles, que de celui de l’exégèse biblique, de la théologie ou de l’homilétique.   

 La première difficulté consiste dans le fait que le message des béatitudes dépasse ce que d’instinct nous sommes portés à penser et ce que le bon sens nous conseille de  On dirait qu’elles s’adressent à des créatures appartenant à un monde supérieur et non pas à de pauvres et fragiles créatures humaines. Toutes les explications qui peuvent être données pour les comprendre ne réussissent à convaincre personne, car leur sens va au-delà de ce que nous ressentons et de ce que nous faisons. C’est la raison pour laquelle, les prédicateurs en ont peur, sont souvent mal à l’aise avec ce texte, car ils savent qu’ils s‘attaquent ici à un os très dur et qu’ils peuvent facilement se briser les dents, en disant n’importe quoi.

La deuxième difficulté réside dans la formulation même du texte, qui est issue d'une compréhension ou d’une vision de Dieu, de l'homme et du monde qui est périmée et dépassée et qui n’est plus recevable par notre mentalité moderne. Il suppose en effet l’existence d’une divinité située en dehors de notre monde et qui de là-haut cherche à se mêler continuellement des affaires des humains, surtout de leur vie privée et qui intervient donc dans l'histoire pour corriger, régler, punir les maux, les dommages et les torts dont ses créatures déchues sont responsables. On peut toucher cette mentalité dans l’expression : "Heureux ceux qui ont faim maintenant parce qu’ils seront rassasiés". Ce qui équivaut à dire : «Maintenant, vous avez faim et ce n’est pas drôle! Mais le jour viendra où vous mangerez à satiété ; et les méchants égoïstes qui maintenant vous privent de nourriture passeront alors un très mauvais moment….»

Le problème avec cette façon de penser c’est de constater que dans le monde réel, cela ne se passe jamais ainsi. Au contraire, avec les temps, les pauvres sont toujours plus pauvres et ont toujours plus faim et les riches et les repus sont toujours plus riches, plus repus et plus impunis. Et si parfois, ou quelque part, il y a une amélioration quelconque de la situation, ce n’est certes pas parce que Dieu est intervenu pour imposer sa justice. 

D'autre part, si pour donner espoir et courage aux pauvres et aux affamés, l’évangile doit les rassurer avec la promesse de leur futur bonheur au paradis et du futur châtiment infligé par Dieu aux méchants riches, n’est-ce pas là admettre indirectement que c’est tout à fait normal que d’être misérables, affamés, exploités par les riches au cours de notre vie sur terre et prendre pour acquise et normale cette situation d’injustice ?

Ce qui est important lorsqu’on approche les béatitudes c’est de garder toujours ensemble l’aspect intériorité et l’aspect extériorité ou mise en action pratique de leurs contenus. Elles font toujours référence à l'attitude intérieure de chacun et aux répercussions ou conséquences que cette attitude intérieure doit avoir sur les relations humaines et la structuration de la vie sociale dans la réalité du monde 

Les Béatitudes cherchent à faire comprendre que, même dans les pires circonstances que nous puissions imaginer (la misère, la faim, la douleur, les larmes, l’oppression, la persécution…), rien  ni personne ne pourra nous confisquer la possibilité de construire la qualité humaine de notre «être» ou de  notre personnalité ou nous empêcher de croître en humanité  et de faire réverbérer autour de nous l’éclat et la beauté du mystère divin qui nous habite.

Ce qui est vraiment important, ce qui donne un sens à une vie humaine, sera toujours à la portée de ceux qui sont capables de profondeur, d’intériorité, de regarder au-delà de l’immédiateté matérielle et banale de leur existence.

Si nous croyons que le bonheur vient de la consommation et de l’avoir, nous n'avons pas découvert la joie d'être. Seulement dans "être" est la source de la vraie joie, seul l'être peut rendre heureux. Si nous mettons notre confiance dans l’avoir, la possession, les choses, les richesses, les assurances extérieures, nous nous trompons de chemin, nous ne rencontrerons jamais le lieu de notre bonheur véritable, nous ne trouverons que de la déception et du malheur.

Les béatitudes nous disent que les valeurs et les trésors les plus précieux sont en nous et non pas en dehors de nous. Ils enrichissent notre «être», remplissent  les voûtes  profondes de notre esprit et de notre cœur et  rien ni personne pourront nous les ravir. Ces trésors sont constitués par nos connaissances, notre sagesse, sensibilité, bonté, amabilité, disponibilité, capacité d’écoute, d’empathie, de compassion, notre souci des autres, notre générosité, etc. …. qui font  la qualité de notre humanité et le charme attachant de notre personne.

Mais si tu n’as rien à l’intérieur de toi qui donne valeur, consistance et solidité à ta vie parce que tu ne tiens qu’en t’appuyant sur les choses que tu possèdes à l’extérieure de toi, qu’adviendra-t-il de toi, que restera-t-il de toi, si un jour, par un revers de la vie, tu perdras tes choses et tu resteras seul avec toi-même ? Tu seras réduit à rien, à un sac vide, à une loque humaine à laquelle plus personne ne s’intéressera.

Le texte des béatitudes ne nous demande pas d’être des héros qui accomplissent des prouesses, mais une prise de conscience.  Les béatitudes sont l’épreuve de feu du chrétien. Un christianisme comme bouclier de protection extérieure qui cherche des assurances spirituelles, en plus de garanties matérielles et qui ne cherche pas, à travers le don désintéressé de soi et l’amour donné, à changer soi-même et le monde, n'a rien à voir avec Jésus.

Les béatitudes supposent une attitude intérieure de détachement et une expérience spirituelle de Dieu, comme fondement ultime de mon être et de tous les êtres. En Dieu, nous sommes une seule réalité avec tout l’Univers et avec tous nos frères. Vous remarquerez que dans le texte des béatitudes ce sont les pauvres, ceux qui sont avec Dieu et du côté de Dieu car ils ont choisi de s’attacher à Lui plus qu’à l’argent (et non pas la pauvreté) qui sont déclarés bienheureux, « c’est à eux, en effet, qu’appartient le royaume de Dieu.»


Homélie  élaboré à partir d’une  réflexion de Fray Marcos  en :  http://www.feadulta.com/es/evangelios-y-comentarios/392/-lucas.html )

BM


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