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mercredi 20 mars 2019

Avec Jésus, aller au désert

(1er dim. carême- Luc 4, 1-13)

Quarante jours avant Pâques, l'Église nous propose quelques semaines de travail spirituel intense. Elle veut faire vivre à nous, les chrétiens, un moment particulièrement « fort », intense, afin de vérifier l'orientation de nos vies, ajuster notre route, découvrir nos véritables besoins et exigences de notre condition de disciples de Jésus. Et pour cela elle nous amène au désert, elle déroule devant nos yeux, comme un exemple a imiter, la scène de Jésus qui a vécu pendant quarante jours dans ce lieu de privation, de silence et de solitude. La proposition de ce scénario désertique est motivée par une considération évidente : nous vivons tous une vie vertigineuse, chaotique, turbulente, tourbillonnante, à l’enseigne de la vitesse, du rendement, de la performance, du stress. Nous avons besoin plus que jamais de créer autour de nous des espaces de silence et des moments de halte et de recueillement pour nous permettre de nous ramasser, de penser à nous-mêmes, pour regarder en nous, réfléchir sur le sens de notre vie et des événements qui nous arrivent.

Nous avons besoin de désert et de silence surtout pour intérioriser et clarifier nos états d’âme, nos sensations, nos sentiments, nos expériences spirituelles, les paroles que nous écoutons, la place que Dieu occupe dans l’agencement de notre existence.

 Il est difficile d'être disciples de Jésus, difficiles de rester des hommes et des femmes de cœur, si nous ne savons pas nous tailler des moments de désert dans notre vie. Le carême devrait être ce temps de désert. C’est pour cela que, pendant ce temps, des attitudes et des comportements nous sont suggérés, qui font partie de la tradition et de l’ascèse chrétienne pour ce temps fort de l’année. Il s’agit de trois attitudes qui ont comme but de nous aider à orienter correctement notre existence par rapport à Dieu, à nous mêmes et à notre prochain...

L’attitude de la prière. La prière plus qu'une vibration des cordes vocales et un mouvement des lèvres qui prononcent des paroles ou débitent des formules pieuses, est surtout et avant une attitude intérieure de la personne croyante qui se laisse transporter, envahir par le mystère de la présence de Dieu dans sa vie et auquel elle s’abandonne avec confiance et amour.  Prier c’est la capacité de se poser devant Dieu et de ressentir le touché de sa mains et le mystère de sa présence à chaque moment et dans tous les événements de notre existence. C’est se savoir continuellement plongé dans le Tout de son action et de sa présence.

 Le désert, le vide, le silence sont pour ressentir et réaliser cela !  C’est pour pouvoir écouter les pulsations du cœur de Dieu dans le fantastique frémissement de la vie autour de nous; pour s’émerveiller des effets de sa présence qui se manifeste partout : dans les innombrables gestes de l’amour, de la tendresse, du dévouement, du sacrifice, du don de soi, du pardon ; dans l’époustouflante beauté de sa création ; et , pour nous, les chrétiens, dans cette Parole de Jésus à travers laquelle Dieu nous parle, nous révèle son cœur et nous communique un peu de son Esprit. Si, grâce au désert et au silence, nous pouvons faire surgir en nous cette sensibilité et ce pouvoir d’apercevoir dans la filigrane de notre existence et du monde dans lequel nous vivons, les traces merveilleuses de cette divine présence, la prière surgira spontanément de notre cœur comme larmes de commotion, exclamations de stupeur, cri d’émerveillement, besoin d’adoration, goût de louange et d’action de grâce et, surtout, comme désir d’être, nous aussi, la note juste dans l’harmonie du monde, harmonie que nous pouvons si facilement gâcher avec notre aveuglement et notre stupidité.

Cette prière suscite alors en nous le désir d’entrer dans le plan Dieu, qui est plan d’amour, d’alliance, d’ordre, de beauté, de salut et de bonheurs pour tous et d’en être les témoins et les collaborateurs enthousiastes, à l’exemple du Maître de Nazareth.

L’attitude du jeûne. Jeûne –Jeûner ce sont de vieux mots qui font partie du vocabulaire ascétique de la spiritualité chrétienne, mais qui gardent toujours leur importance ou, mieux, leur nécessité. En langage moderne ces termes veulent inculquer la nécessité d’établir un rapport équilibré, contrôlé, harmonieux, raisonnable avec nous-mêmes et les choses que nous utilisons. Les utiliser sans en devenir dépendants, esclaves. Savoir toujours garder le contrôle, pour rester libre. Le mot « jeûne » indique alors l’effort de maîtrise de nous mêmes et de détachement que nous devons exercer sur tout ce qui, à cause de nos pulsions, de nos passions, de nos appétits , de nos penchants, de nos convoitises, pourrait nous faire perdre cette liberté intérieure dont nous avons besoin pour avoir une vie équilibrée et pour croître en humanité. Lorsque, pendant le carême, je me prive volontairement de quelque chose, cela est le signe de mon désir de garder ma liberté et de ne pas me laisser assujettir, dominer, commander, lier par quoi que ce soit : les cigarette, l'alcool, la drogue, la gourmandise, le plaisir, le pouvoir, l’argent, etc. La fonction du jeûne est alors de me permettre de rester une personne avec la tête sur les épaules, libre de mes actes, apte à être l’unique maître à bord et le seul commandant de mon navire. Rien ni personne n’a le pouvoir de décider de l’orientation et de la qualité de ma vie.

La pratique du jeûne a aussi une fonction « écologique »: nous apprendre à diminuer  la voracité, les besoins, la consommation, et donc la production, dans le but de freiner et réduire l’exploitation des ressources planétaires,  encourager le respect de la nature et la sauvegarde de l’équilibre des écosystèmes, préserver la santé de l’environnement et la durabilité des conditions qui permettent la continuation et la viabilité de la vie sur terre.

Sans parler de tous les effets positifs, bénéfiques, thérapeutiques que la médecine moderne attache à la pratique du jeûne.

L’attitude de l’aumône. En soi l’aumône est le geste du cœur par lequel nous portons de l’aide à celui qui est dans le besoin. Dans la plupart des religions, l'aumône est considérée comme une offrande à Dieu. Elle sert à libérer celui qui l'offre du péché et à compenser ses mauvaises actions, de façon à ne pas souffrir des remords de sa conscience. Pour nous, les chrétiens, ce terme indique une attitude de base qui nous caractérise en tant que disciples de Jésus de Nazareth. Pour nous, l’autre est le prochain que nous devons aimer avec l’amour même de Dieu et, par conséquent, le frère que nous devons aider, soutenir et sauver au prix même de notre existence, à l’exemple du Seigneur qui a donné sa vie et qui nous a dit : « C’est à cela qu’il verront que vous êtes mes disciples, à l’amour que vous avez les uns pour les autres. » Le carême est alors un temps où je suis invité à regarder quelle est mon attitude générale vis-à-vis de mon prochain. Le terme « aumône» alors ne signifie pas seulement l’aide matérielle que je peux apporter à celui qui est en difficultés économiques, mas il caractérise surtout l’ouverture, l’accueil, la disponibilité de mon cœur envers les personnes que je rencontre dans le quotidien de ma vie. Donner de l’amour, de la bienveillance, de la gentillesse, de la sympathie, du sourire, de l’écoute, de l’intérêt … est souvent bien plus difficile pour nous et bien plus enrichissant pour les autres que donner de l’argent. Les pauvres ont souvent plus besoin d’écoute et de compassion que d’argent. Nous avons du pain sur la planche pour ce temps de carême ! 

Bon courage, mes amis, et attelons-nous à la tâche, avec l’aide du Seigneur!

 Bruno Mori

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