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mardi 5 mars 2019

DES AVEUGLES À LA BARRE DU BATEAU

( 8dim. ord. C - Lc 6,39-45)  

Jésus avait l'habitude de dire qu'il n'y a pas de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, parce qu'il est fermé dans ses convictions et aveuglé par ses préjugés. Dans l’Évangile, avant d’être un handicap physique, la cécité est avant tout l’image d’une attitude psychologique et spirituelle. Et Jésus utilise l’image de l'aveugle surtout quand il parle des autorités religieuses de son temps, des personnes très attachées aux doctrines et pratiques religieuses, comme les scribes et les pharisiens, dont il disait sans mâcher ses mots, qu'ils étaient des aveugles et des guides d’aveugles, qui ne veulent pas voir  eux-mêmes et qui empêchent les autres d’ouvrir les yeux et de voir d’eux-mêmes. 

Par-là, Jésus a voulu stigmatiser et condamner leur fermeture, leur fanatisme religieux qui les avaient  emprisonnés dans leur certitude d’être du côté des élus, du bien et de la vertu ; d’être les seuls à posséder la bienveillance de Dieu, la vérité et les moyens du bonheur spirituel et du salut éternel. Ces certitudes avaient enfermé ces personnes dans une satisfaction heureuse d’eux-mêmes, de leur état et dans la conviction de n’avoir plus besoin de rien ni de personne. Dans leur monde et dans leur religion, ils avaient trouvé tout ce qui les comblait et les satisfaisait. Pour ces personnes, il n’existe rien de bon et de valable en dehors de leur monde. Pas question alors de s’ouvrir à la nouveauté ! Pas question d'être curieux et désireux de savoir ce qui se passe dehors de leur « paroisse ». Pas question de savoir lire et interpréter les signes des temps, comme le souhaitait Jésus ! On les déteste les temps  nouveaux, les nouvelles générations, avec leurs manies de courir après tout ce qui est nouveau, bidules électroniques ou informatique. Ces aveugles aiment  leur  tranquillité,  le  statu quo, leurs vieilles  choses,  leurs  bonnes et vieilles Églises, leur  bonne et vieille foi avec ses dévotions, ses processions, ses rites, ses bonnes et vielles pratiques. Ces aveugles n’en veulent  pas  de  nouvelles idées qui viennent  leur  compliquer l’existence,  changer leur religion et corriger leur foi ! Ils détestent  les changements, les transformations, les mises à jour, les  remises en question qui viennent bouleverser et chambarder leurs habitudes et leur routine dans laquelle ils se sentent si confortables !

Ces aveugles, (desquels souvent  beaucoup de nos bons catholiques font partie) enfermés dans la prison dorée de leur contentement et de leur suffisance, ne sont pas intéressés par le nouveau; ils n’ont aucune envie d'écouter et d'accepter une parole originale et inhabituelle, un enseignement différent, une intelligence renouvelée, repensée, plus ouverte de leur foi, un message nouveau, surtout s'il s'agit d'une bonne nouvelle, innovatrice, ouverte sur des nouveaux horizons, sur une conception différente de Dieu de l'homme et du monde; qui apporte un esprit nouveau, une nouvelle échelle de valeur, une nouvelle mentalité; qui propose un nouveau style de vie, plus humain, plus fraternel, plus juste, plus aimant.

Conséquence : enfermés dans leur monde, ces gens aveuglés par leur présomption, regardent avec suspicion, peur et hostilité ceux qui sont à l'extérieur et qui n'appartiennent pas à leur pays, à leur clan , à leur tribu, à leur culture et à leur religion. Ils regardent et traitent avec méfiance ceux qui ne pensent pas comme eux ; qui vivent selon d'autres normes, d'autres principes, d'autres paradigmes. Ces gens considèrent ceux qui n’ont pas grandi à l’ombre de leur clocher, qui viennent donc du dehors, qui sont « dehors » … comme des corps étrangers qu’il faut extraire, enlever, éliminer. En effet, ces « étrangers » gênent, dérangent, perturbent leur vie tranquille, bouleversent leurs traditions et leur habitudes, mettent en crise leurs idées; contestent  leurs préjugés; mettent en danger les structures et les règles qui soutiennent leur mode de vie.

Voilà alors surgir inévitablement la critique, le jugement, la négativité, la condamnation, l’hostilité, les préjugés. Enfermés dans leur suffisance et aveuglés par leur narcissisme et leur nombrilisme, ces aveugles « voient » et découvrent dans ceux qui sont à  « l'extérieur », dans ceux qui sont différents d'eux, toutes sortes de défauts et de vices; jusqu'à les considérer comme des personnes inférieures, de second ordre, alors qu’eux, les aveugles, sont des êtres supérieurs, qui ont pour eux la bienveillance et la lumière de Dieu.

Voilà pourquoi ce type d'aveugle, fermé sur lui-même et incapable de voir et de comprendre ce qui se passe en dehors de son monde, est stigmatisé par Jésus avec une sévérité impitoyable. Jésus les qualifiera de stupides, fanatiques et intolérants, hypocrites. Il les traitera de « vipères » et de « sépulcres blanchis ». Il les appellera « aveugles et guides d’aveugles » ; mais cependant très habiles à « voir » la paille dans les yeux du prochain, et incapables de remarquer la poutre qui est dans leurs yeux. Ils ont les yeux de faucon pour découvrir les défauts des autres ; mais des yeux de taupe pour voir les leurs.

Selon Jésus, ces types de personnes sont pires que toute les autres. En fait, elles adoptent la tactique de la critique, du jugement, de la médisances pour rabaisser les autres afin de s’élever et se glorifier elles-mêmes et justifier plus facilement leurs défauts et leurs actions mauvaises. Jésus a admirablement illustré dans la parabole du pharisien et du publicain le comportement arrogant, hautain et hypocrite de ces aveugles : « Je ne suis pas comme lui ... Je suis un champion de la probité et de la religiosité... Je ne fais que des bonnes œuvres,  que des  bonnes actions ... Je n’ai n'a rien à me reprocher ... Dieu peut être satisfait de moi... »

Dans l’Évangile d’aujourd’hui, Jésus laisse entendre que ce genre d’individus ne devrait jamais occuper des postes de direction et de responsabilité, car ils sont inaptes à exercer l'autorité et à être des bons guides et des bons maîtres au sein de la société. En effet, s’ils ne savent pas se tenir debout, voir clair et marcher droit eux-mêmes, comment pourraient-ils conduire et faire marcher correctement les autres ?  Pour cela, ils doivent sortir de l'obscurité de leur prison intérieure, guérir de leurs handicaps psychologiques ; ouvrir leur esprit et leur cœur à l'acceptation de la modernité et de la bonne nouvelle d'un monde renouvelé et différent; accueillir avec tolérance, bienveillance et indulgence les faiblesses et les limites des personnes qui vivent autour d’eux. Ils devraient apprendre enfin à marcher et à s’orienter en faisant confiance à leur bon sens et à ces trésors de véritable sagesse humaine qu’ils découvrent dans les voûtes profondes de leur cœur et cesser de se faire continuellement soutenir par les béquilles de leurs traditions, de leurs croyances, de leurs préjugés et de leur religion.

Pour Jésus, il n'y a pas de pire aveugle que celui qui a été ébloui et fanatisé par sa religion. Il n'y a pas pire aveugle que celui qui utilise sa foi en Dieu comme prétexte pour assouvir sa soif de pouvoir et de gloire qui ne produit que les mauvais fruits du fanatisme, de l'extrémisme, du fondamentalisme et de l'intolérance, qui sont les maux qui, aujourd'hui encore, font le plus souffrir  notre humanité.

L’Évangile appelle "fils de la lumière", ceux qui sont sortis de la prison obscure de leur "ego " et qui ont eu le courage de s'aventurer sur les chemins du monde nouveau que Jésus a fait entrevoir. On reconnaît ces enfants de la lumière, disciples de Celui qui est lumière pour notre monde, à leurs fruits de lumière. Ce ne sont plus, comme les scribes et les pharisiens de l'Évangile, des individus sombres, aveuglés et aigris par leur fanatisme et en révolte contre tous ceux qui ne sont pas dans leur camp, mais des personnes qui "voient" maintenant Dieu et la présence de Dieu dans tout être humain, à quelque  religion, race ou culture qu’ils appartiennent. À tous ces frères humains, les enfants de la lumière portent les bons fruits de leur adhésion à l’évangile de Jésus ; fruits de bonté, de fraternité, bienveillance, tolérance, compréhension, acceptation, écoute, empathie, compassion, justice... fruits d’amour…

Dans cette Eucharistie, nous demandons au Seigneur d'être ou de devenir, nous aussi, ce type de personne éclairée par la sagesse de l'Évangile et capables de tirer du trésor de notre cœur les bons fruits d'un amour donné à tous sans limites et sans restrictions.

BM  28 février  2019

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