La famille de Jésus – Une famille pas
très «sainte»
Le dernier dimanche de décembre la liturgie catholique célèbre la fête
de la «Sainte Famille de Nazareth ». Le but de cette fête «catholique» est
de présenter aux chrétiens la famille de Jésus comme une famille exemplaire,
idyllique où tout beigne dans l’amour, l’harmonie, l’entente, la
compréhension, le respect réciproque, la paix; le tout vécu dans une atmosphère
religieuse de piété et de sainteté, de dévotion de contemplation, d’expériences
mystiques face aux merveilles opérées par la présence de Dieu dans la
vie de chacun.
Mais c’est une fausse présentation ! En
réalité, l’atmosphère qui règne dans cette famille est loin d’être exemplaire
et idyllique. Si cette famille est «extraordinaire» comme dit la tradition
chrétienne, c’est plutôt à cause des problèmes et des difficultés
extraordinaires (= hors de l’ordinaire) qu’elle a dû affronter.
Commençons par la mère, Marie. Le drame de cette femme, pour qui son premier-né Jésus a été le fruit d’un grand amour qu’elle a reçu comme
l’accomplissement de ses désirs les plus secrets et comme le plus
beau cadeau du Ciel, le drame consiste dans le fait que cet
enfant, tant attendu et tant désiré et en lequel elle avait mis tant d’espoirs, de
fait, il ne lui a jamais vraiment appartenu. Il
a été, dès les débuts, un enfant qui
a semblé se dérober à son affection
et à sa protection; qui ne s’est jamais laissé traiter comme une propriété
de sa mère; qui ne s’est jamais laissé encadrer dans les structures
traditionnelles de sa famille, de la société, de la culture et de la religion
de son époque; qui toujours voulu utiliser d’une liberté, d’une
indépendance que cette
mère, possessive comme toutes les mères, a eu beaucoup de difficulté à
accepter et à intégrer à sa vie.
Il y a eu ensuite le contexte familial
concret dans lequel Jésus a vécu : une famille paysanne, avec des nombreux
enfants et des parents incultes mais très religieux. Et au sein de cette
famille, le fils aîné qui pense avoir reçu de Dieu une mission
importante à accomplir. On peut imaginer les affrontements, les
tiraillements, les conflits, les frictions, les incompréhensions ( qui
apparaissent tout au long
de la vie de Jésus) où le père, la mère, plusieurs frères et sœurs doivent gérer ensemble une vie commune avec ce frère aîné, spécial, difficile, original, qui ne réussit à trouver sa place nulle part.
C’est une famille qui a dû, en plus, passer
à travers l’affreuse, l’éprouvante et la déchirante expérience
d’avoir élevé en son sein
une «tête chaude», un frondeur, un perturbateur, un contestataire, un
visionnaire, un genre de messie révolutionnaire
qui sera éliminé comme un vulgaire
criminel, pendu au poteau d’une croix.
La fin ignominieuse de ce fils ne fut pas l’événement d’un instant.
Elle s‘est préparée tout au
long de sa vie en famille : de l’enfance, en passant
par l’adolescence, à travers la jeunesse, jusqu’à l’âge adulte. Ses
parents, ses frères et sœurs ont été les témoins de sa transformation
et de sa maturation intérieure qui n’allaient pas du
tout dans le sens de la normalité, des idées reçues, des traditions
acceptées, de la soumission docile aux autorités constituées. Cet enfant, cet adolescent,
ce jeune-homme avait des convictions toutes personnelles qui contrastaient avec
celles des autres. Il critiquait le formalisme de la pratique religieuse.
Il dénonçait l’inutilité de la religion pour le bonheur et le salut de
l’homme. Il dévoilait la vanité et l’hypocrisie de la caste sacerdotale.
Il affirmait la nécessité d’un rapport direct avec Dieu, bâti dans la confiance, la vérité, l’authenticité et l’amour. Jésus a dû sans doute
scandaliser à maintes reprises ses parents avec ses idées pas très orthodoxes sur la
fonction de la
Loi , sur la nature de Dieu, sur la nécessité de nettoyer
la religion de tout ce
qui asservit la personne
et au lieu de la libérer. Dans cette famille Marie et Joseph ont dû,
sans doute, se mettre souvent les mains dans les cheveux, en
écoutant les propos de ce fils pas comme les autres, qui ne
finissait pas de les surprendre et de les chavirer. Je n’aurais pas
été surpris d'entendre Marie s’exclamer, en écoutant les discussions de
Jésus avec son père et ses frères et sœurs : «Mais quel
genre d’enfant ai-je mis au monde ! »
Dans cette famille Jésus n’a jamais été un
enfant ni commode, ni
complaisant, ni docile, ni très poli. Vous pouvez facilement imaginer le
stress que les parents ont dû vivre avec un fils de ce genre, qui malgré tous
leurs efforts, ne change pas, ne s’améliore pas, au contraire, il empire, il
persiste à faire à sa tête,
à avoir des drôles d’idées
et qui en plus affirme que ses idées lui viennent directement de
Dieu. Un fils comme cela a tout pour rendre impossible la vie de ses
parents. L’évangile nous dit que devant le comportement de cet enfant, sa mère intriguée
passait des heures à s’interroger, à réfléchir et, j’ajouterai, … à pleurer.
Jusqu’au jour où cet enfant impossible prend
le large, quitte la maison paternelle où il se sent incompris et suffoqué.
Il part pour suivre son destin. Pour vivre sa liberté et en liberté. Pour
crier aux quatre vents les convictions qui l’habitent et la foi
qui le fait vivre.
Jésus gardera toujours, tout au long de
sa vie publique, des relations conflictuelles avec sa famille. Sa famille, ses
frères et sœurs ne lui seront (au moins aux débuts de son activité)
d’aucun soutien dans l’accomplissement
de la mission qu’il
affirmera avoir reçue de Dieu. Au début, ils le prennent même pour un
exalté, pour quelqu’un qui a perdu la tête et, craignant pour sa
sécurité, ils veulent lui faire comprendre le bon sens et le
ramener de force à la maison pour que cesse cette dangereuse comédie. Mais
Jésus est de la race de ceux qu’on ne manipule pas facilement. Ils doivent
donc se résigner à le laisser à son
destin, car ils se
rendent compte que tous les efforts déployés pour le
ramener sur «le droit
chemin» ne servent finalement qu’à l’éloigner d’eux toujours davantage et à le
confirmer encore plus dans ses positions.
Jésus ne parlera jamais de son père; il
gardera toujours à distance sa mère. Il ne mêlera jamais sa famille à ses
activités de thaumaturge et de prédicateur. Il ne permettra pas que les agissements
(bien intentionnées) de ses frères et sœurs entravent d’une façon quelconque la route qu’il pense devoir suivre.
Lorsqu’on a tout cela à l’esprit, comment
dire de Jésus qu’il a vécu dans une famille idéale, exemplaire, dans une
«sainte famille» ? La «Sainte Famille» n’est qu’un mythe de la dévotion
chrétienne qui, au cours des siècles, a cherché à enjoliver avec les
couleurs de la sainteté et de la perfection tout ce qui a trait à la vie de Jésus, afin que tout
devienne paradigme et modèle pour chaque chrétien.
Mais ce qui est admirable dans cette
famille si éprouvée c’est le fait que Jésus ait été capable de la faire évoluer
et de la conduire à entrer dans l’acceptation de sa vision des choses, de
sa foi et de sa mission et finalement à l’incorporer pleinement à la réalisation de sa nouvelle communauté de croyants. Après la mort
de Jésus, sa mère deviendra une figure clef dans le groupe des disciples
du Maître de Nazareth. Pendant des années, Jacques, l’un de ses
frères, deviendra l’organisateur
et le responsable principal de
la communauté chrétienne qui avait pris naissance à Jérusalem.
MB
PS. Les
frères de Jésus sont mentionnés dans plusieurs versets du N.T. Matthieu 12:46, Luc 8:19 et Marc
3:31 disent que la mère et les frères de Jésus vinrent le voir. Les évangiles
nous disent que Jésus avait
quatre frères: Jacques, Joseph, Simon et Judas (Matthieu 13:55). Ils nous disent aussi que Jésus
avait des sœurs, mais elles ne sont pas nommées ou numérotées (Matthieu 13:56).
Dans Jean 7:1-10, ses frères vont à la fête, tandis que Jésus reste derrière.
Dans Actes 1:14, ses frères et sa mère sont décrits comme en prière avec les
disciples. Galates 1:19 mentionne que Jacques était le frère de Jésus. La
conclusion la plus naturelle de ces passages est d'interpréter que Jésus avait
effectivement des frères et sœurs de sang.
Mais ce qui pousse les catholiques à nier
et à altérer, d’une façon malhonnête et partisane, le sens obvie de ces textes
d’évangiles c’est leur
attachement au dogme-mythe de la «virginité perpétuelle» de Marie, la mère de Jésus, dogme que les
catholiques comprennent et interprètent d’une
façon matérielle, physique, génitale et physiologique
.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire