JÉSUS, L’HOMME QUI A DE L’ESPRIT
Il y a deux choses qui nous frappent lorsque nous
venons en contact avec la personne de Jésus de Nazareth: la qualité de son
humanité et la profondeur de sa spiritualité. Jésus apparaît comme un homme qui possède une intériorité et
une profondeur spirituelle
exceptionnelles. C’est sa richesse intérieure qui a frappé et fasciné tous ceux et celles qui l’ont
côtoyés et qui ont spontanément vu en lui un modèle, un maître et une
source d’inspiration. Les évangélistes
ont exprimé cette impression et ce
sentiment en disant que Jésus était un homme rempli d’Esprit. Évidemment pour les gens du temps de
Jésus, posséder l’esprit était avant tout une caractéristique de
la divinité. Dieu était pour eux l’Esprit par excellence. Dieu est celui qui,
par l’esprit qu’il donne, anime et fait vivre tout ce qui est vivant. Cela
explique pourquoi ceux qui ont connu Jésus, à cause de la surprenante et magnifique qualité de sa vie
intérieure, l’ont tout de suite connecté à Dieu, en proclamant que Dieu se
manifestait en lui d’une façon unique et extraordinaire et que l’Esprit de Dieu était en lui.
Mais indépendamment de cette conception religieuse de l’esprit, commune aux juifs de temps de Jésus, il y une chose
qui nous impressionne lorsqu’on regarde vivre et agir Jésus: on dirait qu’à
cause de l’esprit qu’il possède, le monde, les choses autour de lui deviennent
porteuses d’une révélation, d’un message; se transforment en manifestations, en signes, en paraboles, en icônes d’une réalité qui est perceptible
seulement à ceux et celles qui ont la qualité de son esprit. En regardant Jésus
agir, nous nous rendons compte qu’il est possible à l’homme qui a de l’esprit
de vivre dans le monde sans s’y enfermer et sans s’y limiter.
Si nous avons de l’esprit, la réalité devient
transparente et nous devenons capables de percevoir la dimension cachée des
choses, qui nous fait signe et qui nous
permet de rentrer dans une compréhension
du monde qui va bien au-delà de ce que nous yeux peuvent voir et notre intelligence comprendre. L’esprit nous permet de devenir sensibles à l’âme du
visible afin d’y voir l’invisible; de percevoir la magie des choses; d’entendre
l’harmonie à travers laquelle la réalité cherche à faire retentir en nous
l’insoupçonnable beauté de tout ce qui existe et surtout les harmoniques (comme le bruit, le
rayonnement fossile) qui nous arrivent de la Source de tout Être, de
laquelle tout a pris son l’origine et que Jésus appelle «Dieu».
S’il y une chose que l’on apprend lorsqu’on lit les
évangiles et qu'on regarde le comportement de Jésus, c’est que l’esprit dans l’homme n’est pas quelque chose qui va
de soi, mais un don qui vient d’en haut et qui n’est pas nécessairement attaché à notre nature humaine. On peut être
des humains sans être des spirituels. On peut avoir intelligence et raison et
être totalement dépourvus d’esprit.
L’esprit est une qualité supplémentaire
de notre être qui permet à notre nature de s’humaniser, de lui donner sensibilité, grandeur et dignité et qui
fait de nous des êtres humains accomplis. Car, à la rigueur, on peut être un
homme ou une femme sans être vraiment humains. Il y des personnes qui passent à
travers leur vie sans jamais s’humaniser; sans jamais sentir ni le besoin, ni
l’appel de l’esprit. Pour ces gens le monde est fermé sur son immédiateté;
composé seulement de matières premières, de biens de consommation, d’intérêts
économiques, de ressources à exploiter, de rendement, d’argent, de besoins
matériels et corporels à satisfaire. Pour ces gens une forêt est seulement du bois à couper; un troupeau de brebis qui
broute sur les flancs verts de la montagne, c’est uniquement de la laine et des
gigots; des coquelicots en fleurs dans un champ de blé, des mauvaises herbes à
éradiquer; notre terre qui flotte dans
l’espace comme une perle bleue, qu’une
planète du système solaire… pas de poésie, pas de transparence, pas d’âme, pas
de commotion, pas de sentiment d’un mystère plus grand, pas d’échos d’une musique qui peut faire soupçonner une
mélodie secrète qui se joue quelque part au-delà des simples
apparences. Pour ceux qui n’ont pas d’esprit le monde est opaque, muet, banal, prosaïque,
insignifiant …et terriblement
triste.
Regardez par
contre le monde dans lequel Jésus a vécu! Tout autour de lui parle, révèle,
annonce, indique un ailleurs, une Présence, une Beauté, une Force bienveillante
et amicale qui est à l’oeuvre partout pour élever, transformer, renouveler,
guérir, sauver, créer de l’émerveillement, de la joie, de la liberté, de la
confiance, de l’amour, un nouveau mode de vie, une nouvelle forme d’humanité:
les fleurs et l’herbe des chants; les oiseaux de l’air; le figuier au
printemps; la vigne à l’automne; le laboureur qui laboure la terre en hiver;
les ouvriers qui attendent d’être embauchés à l’été; la femme qui balaie la maison; celle qui
pétrit la pâte pour la faire fermenter;
la tempête sur le lac; les pécheurs qui jettent les filets; le voisin
dérangeant; la femme agaçante qui demande justice; l’administrateur malhonnête
qui assure son futur; l’enfant difficile qui quitte la maison paternelle pour
gaspiller son argent avec les prostituées … tout, tout aux yeux de Jésus
devient signe, parabole, message; tout laisse transparaître une réalité
différente; tout s’anime autrement; tout apparaît autrement aux yeux de cet homme rempli de l’esprit… Pour cet homme tout
semble advenir pour nous interpeller;
tout semble être là pour nous aider à
grandir en humanité; tout semble être le résultat d’un Amour caché qui cherche
à tout prix à franchir les barrières de notre insensibilité, de notre
aveuglement et de notre indifférence pour nous éveiller à une réalité divine
qui est perceptible seulement aux yeux
de l’esprit.
L’homme de Nazareth nous fascine à cause de son esprit. Et c’est cet esprit qui est à l’origine du mouvement
chrétien. Ceux et celles qui sont devenus ses disciples sont ceux et celles qui ont voulu adopter son
esprit; qui ont voulu se rapporter à la
réalité avec les mêmes dispositions intérieures
et la même sensibilité spirituelle
qu’ils ont observé en Jésus; ce sont ceux et celles qui ont décidé de regarder désormais le monde avec les yeux de ce Maître et de se
laisser emporter par le courant de cette Source de tout Amour qu’ils ont découvert
á l’œuvre au cœur de la réalité. C’est pour cela qu’ils se sentent sauvés.
Nous comprenons alors qu’être chrétien, avoir la
foi, n’est pas du tout une question de
connaissance de vérités, de savoir, de retenir pour vraies des affirmations
dogmatiques, de professer un credo; d’être d’accord avec le Catéchisme de
l’Église Catholique de Jean Paul II ; d’adhérer à une institution, de se soumettre à une autorité
ecclésiastique … avoir la foi c’est une attitude intérieure; c’est vibrer en
consonance avec l’esprit de l’Homme de Nazareth ; c’est vouloir expérimenter
dans la vie les mêmes valeurs qui l’ont fait vivre; c’est ressentir ce qu’il
ressentait; c’est vouloir regarder la réalité avec ses mêmes yeux; c’est aimer avec un cœur semblable au sien; c’est vouloir être le genre d’homme qu’il a été.
Dans la recherche et la consolidation de son pouvoir,
l’Institution ecclésiastique a toujours préféré mettre l'essence de la foi chrétienne dans la connaissance plutôt que dans
l’expérience personnelle d'une vie animée par l'Esprit de Jésus. On comprend aisément cette attitude de l'Institution: elle peut contrôler et
déterminer les contenus des ses dogmes et donc des connaissances des fidèles, tandis que
l’expérience personnelle de la rencontre
avec le Maître Jésus lui échappe inexorablement.
MB
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