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lundi 11 octobre 2021

 

L’homme riche qui voulait posséder le ciel et la terre

(28 dim. ord. B – Mc 10, 17-30)

 

            Qu’est-ce que je dois faire pour avoir une vie éternelle ? C’est la question, que depuis l’aube de l’humanité, ce primate intelligent que l’on appelle homo sapiens, s’est posée aussitôt que la conscience de soi s’est allumée en lui. Depuis toujours l’être humain a vécu avec angoisse son état de créature vulnérable, fragile et mortelle. Il n’a jamais accepté sa finitude, ni apprivoisé l’inévitabilité de sa mort. De sorte qu’il a toujours rêvé d’une vie plus heureuse, plus accomplie et libérée enfin de toute peur et de toute souffrance au-delà des péripéties et des épreuves de son existence temporelle. Et pour donner consistance à ce rêve, les humains ont bâti des mondes imaginaires et merveilleux, remplis de bonheur et de vie qui les attendaient après leur mort. Avec le temps, les humains ont fini par attribuer une réalité ontologique aux constructions fantastiques de leur imagination et de leurs désirs. Et c’est ainsi que les religions sont nées, qui proclament et promettent un paradis de bonheur et de vie éternelle à leur fidèles.

            L’évangile de ce dimanche nous présente l’épisode de pieux juif, sans doute d’un âge avancé, pour lequel la vie est désormais plus en arrière qu’en avant et qui va voir Jésus pour lui demander s’il existe une façon sûre, claire et précise d’obtenir la vie éternelle. Cet individu cherche, de toute évidence, l’avis d’un expert, car pour lui, à ce stade de sa vie, l’enjeu est capital et il ne veut pas courir le risque de faire des erreurs. Cet homme est quelqu’un qui sait calculer, qui sait prévoir, qui sait gérer ses affaires pour qu’elles réussissent, qui sait comment bouger ses pions sur l’échiquier de la vie pour gagner toujours la partie. Il a l’habitude d’obtenir ce qu’il veut : et c’est pour cela qu’il a réussi à ramasser une grosse fortune et à devenir un homme riche.

            Or cet homme riche apparait ici comme quelqu’un qui possède non seulement beaucoup d’argent, mais aussi une énorme ambition. Il veut continuer à avoir une belle vie même après sa mort. Il a compris que l’avantage de posséder une fortune est nul, s’il peut tout perdre d’un coup à l’arrivée de sa mort. Il voudrait donc pouvoir signer un contrat d’assurance qui le protègerait contre cette terrible éventualité. Et c’est la raison qui le pousse à s’informer après d’un expert en vie éternelle sur les moyens et les stratégies à mettre en place à cette fin.

            Jésus semble surpris de la requête inusitée de cet individu original et aux désirs fous et il éprouve pour lui, nous dit Marc, un sentiment d’admiration et de sympathie. Ce n’est pas tous les jours que quelqu’un vient lui poser ce genre de questions. Cet homme lui plaît parce qu’il est sincère et qu’il a de grandes aspirations, même s’il ne se rend pas compte qu’elles sont impossibles à réaliser sans que son existence en soit totalement bouleversée.

 Cet homme voudrait en effet tout avoir : et les richesses qui lui assurent une belle vie ici-bas et les avantages d’une vie éternelle là-haut. Et il ne réussira pas à comprendre qu’au terme de son voyage sur terre, la gourde de sa vie doit nécessairement être présentée vide à la Source Ultime de l’être, pour qu’elle puisse être remplie de l’eau vive qui rejaillit en vie éternelle.

            Et c’est la raison pour laquelle Jesus veut faire comprendre à ce vieux juif, obnubilé et étourdi par sa richesse, qu’il peut bien posséder tout l’argent du monde, mais qu’en aucune façon il ne peut posséder la vie éternelle ; car celle-ci ne s’acquiert pas en se remplissant, mais en se vidant, non pas en « possédant », mais en « donnant ». « Celui qui veut garder sa vie, doit la perdre ».  Car, seulement l’amour est éternel ; et donc seulement les gestes d’amour qui se vident de soi-même, qui s’offrent, qui se donnent, qui pardonnent, qui partagent, qui aident, qui soulagent, qui guérissent et qui se déversent sans mesure là où il y a fragilité, manque, détresse, souffrance, etc…, seulement ces gestes ont une valeur et une saveur d’éternité. Seulement ces gestes ont la capacité de placer celui qui les a posés au cœur du Mystère éternel de Dieu et au cœur de ceux qui en ont bénéficié et où il vivra pour toujours.

Voilà pourquoi Jésus n’hésite pas à indiquer à cet homme, aux exigences et aux désirs inouïs, la route à suivre pour pouvoir réaliser son rêve de vie éternelle : « Va, - lui dit-il- vends tout ce que tu possèdes et donnes-le aux pauvres et tu auras un capital d’amour placé au ciel dans le cœur de Dieu. Et ensuite, devenu une nouvelle personne, libérée de tout encombrement, et riche seulement de sa bonté et de son amour, viens marcher sur ma Voie qui t’aidera dès maintenant à donner à ta vie un goût d’éternité ». 

            À la grande déception de Jésus, ce pieu juif se révélera finalement un individu davantage préoccupé de son argent que de son projet d’éternité. Le miracle que Jésus espérait n’est pas arrivé. Et c’est ainsi -note l’évangéliste - que l’homme riche s’en retourna chez lui à jouir de ses biens dans l’amertume et la tristesse.

            La rencontre avec cet homme, sera aussi déterminante pour Jésus et pour le développement ultérieur de sa pensée sur la question de l’argent et de la relation à la richesse. En effet, le comportement et la réaction de ce riche induiront Jésus à réaliser le caractère fondamentalement tragique, néfaste, pervertissant et aveuglant de la cupidité humaine, lorsqu’elle s’installe comme unique système opératif et programme de base du comportement d’un individu.

            Ainsi, à partir de cette triste et décevante expérience, Jésus s’érigera désormais sans pitié contre l’avarice et la cupidité et condamnera, avec une détermination et un courage jamais égalés auparavant, autant l’accumulation obsessive de la richesse, que l’attachement névrotique et compulsif à l’argent. Attitudes qui transforment presque toujours les grands riches en des êtres inhumains, égoïstes, mesquins, aveugles et stupides.


À ces personnes, Jésus réservera les paroles de condamnation les plus dures et les plus impitoyables de toute sa prédication : « Jamais, - affirmera-t-il - un tel type de personne n’entrera dans le Royaume de Dieu ! ».

 

Bruno Mori - 5 octobre 2021

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