Peut-on monopoliser le bien, l’amour et le salut ?
(Mc 9, 38-48)
Pendant
des siècles, la religion chrétienne (l’Église) a cru et a enseigné d’être
d’origine divine car née de l’Incarnation du Fils de Dieu sur terre en l’homme
Jésus. Elle se considère donc comme la continuation dans le temps de la
présence et de la mission terrestre du Fils de Dieu incarné et comme la custode
de son enseignement, de son héritage spirituel et de son action salvifique. À cause
de cela, elle est fermement convaincue d’être la seule religion en possession
de la vérité et des moyens du salut pour toute l’humanité.
De
sorte que depuis toujours les Églises chrétiennes proclament qu’en dehors d’elles il n’a pas de salut
possible pour personne et qu’il est donc impératif pour tous de devenir chrétiens
pour pouvoir entrer dans le beau paradis de Dieu.
Ainsi,
la doctrine chrétienne enseigne que toutes les autres religions et confessions
religieuses sont des inventions humaines, peut-être même diaboliques,
certainement un amalgame de faussetés, d’erreurs et de superstitions qui ne
font qu’égarer les humains loin du vrai Dieu, de la vérité et de leur bonheur
éternel.
De
là la naissance des mouvements missionnaires qui, au cours des siècles, ont
représenté le souci constant de la religion chrétienne d’apporter la vérité et
le salut du vrai Dieu et de son Fils Jésus aux pauvres sauvages vivants dans
l’ignorance, l’erreur, la superstition et le paganisme dans d’autres parties du
Globe.
Cependant,
lorsque je lis ce texte d’évangile de Marc, je ne peux pas me soustraire au
sentiment que l’Église catholique, ainsi que les différentes confessions
chrétiennes, se sont égarées bien loin de l’esprit et du comportement de Jésus
de Nazareth, avec leur conviction d’être le seul lieu et la seule porte de salut
pour tous les humains
En
effet, dans ce passage d’évangile, Jésus réprimande vivement l’apôtre Jean de ne pas réussie
à comprendre et à accepter qu’il puisse
exister ailleurs que dans son groupe
(religion ou église) des gens charismatiques, admirables, capables de faire le
bien, de répandre la bonté, de donner de l’amour, de poser des gestes gratuits
et désintéressés qui aident, qui guérissent, qui contribuent à donner de
l’espoir, du courage, de la confiance et un regain de vie à ceux qui sont éprouvés
ou démolis par les épreuves, les revers et les souffrances de l’existence.
L’apôtre
Jean, auquel Jésus n’hésite pas à faire savoir son désaccord, incarne ici l’attitude
typique du jaloux, du fanatique et de l’intolérant, convaincu que tout geste de
bonté, d’altruisme, d’empathie, de compassion qui va au secours de ceux qui vivent
dans un état de misère et de détresse, doit nécessairement porter sa signature
ou celle de son parti pour être légitime et acceptable. Dans le cas contraire il doit être empêché.
Rien
de plus perfide ! Et Jésus alors de s’insurger : « N’empêchez jamais
la bonté, la compassion et l’amour de s’exprimer et de se répandre et le bien
de se faire ! Car de quelque côté que ces gestes surgissent, ils viennent toujours
de l’Esprit de Dieu, qui souffle partout, mais surtout au cœur de chaque
humain. Et cela indépendamment de ses croyances, de sa religion, de sa race et
de sa culture ! En effet, là où il y a de l’amour, là il y a présence du
Mystère de Dieu et présence d’un salut et d’une guérison possibles pour tout individu.
Même un verre d’eau, donné par amour, aura partout la même valeur et la même
récompense aux yeux de Dieu ».
Ici
Jésus cherche donc à faire comprendre à nous, ses disciples, qu’il n’existe
aucun groupe, ni aucune organisation, ni aucun parti, ni aucune religion, ni
aucune Église qui peuvent s’arroger l’exclusivité de la bonté et de l’amour qui
humanisent, qui guérissent et qui sauvent.
Jésus
nous dit ici : « Tu t’accomplis pleinement en tant qu’humain, maintenant
et pour l’éternité, uniquement par l’amour que tu es capable d’avoir et de
donner. La religion n’a rien à faire dans cela ! Au contraire, elle acquière sa
légitimité et son droit à l’existence seulement si elle te permet et t’aide à
mieux aimer et à mieux te réaliser par la bonté que tu possèdes et par l’amour que
tu répands aux quatre vents ».
De sorte que, en suivant l’esprit de Jésus, on
peut affirmer, d’un côté, que toutes les
religions sont bonnes et méritent d’exister, si elles aident les humains à
s’unir, à s’humaniser davantage et à devenir des êtres de bonté, de compassion
et d’amour; et de l’autre, que toutes
les religions sont mauvaises et doivent être abandonnées, si elles créent ou
maintiennent les divisions entre les cultures et les peuples, si elles
pervertissent leurs adeptes en les transformant en des individus fanatiques,
intolérants, inhumains, haineux, violents et cruels.
Qui
nous dira si notre religion est bonne ou pas ? Si elle mérite de vivre ou de
mourir ? Seulement si elle nous aide à
construire notre liberté intérieure et si elle nous conduit à bâtir toute notre
existence uniquement sur le fondement du don de nous-mêmes et de l’amour
désintéressé pour toutes créatures.
Si notre religion a réussi à faire
cela, alors elle mérite que nous nous asseyions à sa table.
Bruno Mori - 21 sept. 2021
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