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samedi 26 juin 2021

Un Dieu absent dans les tempêtes de la vie


(Mc. 4,35-41)

 

            Il faut toujours avoir présent à l’esprit que, dans les évangiles, les miracles ne sont généralement pas des reportages de faits réels, mais qu’ils constituent plutôt un genre littéraire utilisant la symbolique d’un conte ou d’un récit imaginaire pour transmettre ou faire comprendre un message, un enseignement important de Jésus ou sur Jésus.

Ce récit de Marc de la tempête apaisée en fait partie.

         Il débute avec l’ordre de Jésus à ses disciples de passer sur l'autre rive habitée par des populations païennes. C’est une allusion à l'universalité du message de Jésus qui doit désormais être annoncé à tous, au delà de l'environnement juif qui s'oppose à l'ouverture. Le premier « orage » qui se déclencha au sein de la première communauté chrétienne a été provoqué précisément par la tentative de l'ouverture aux païens.

            S'agissant d’une tempête, le texte fait également allusion à la figure biblique de Jonas qui lui-aussi s’endormit sur le pont du bateau au moment de la tempête et fut blâmé par le capitaine pour dormir pendant qu'ils étaient tous morts de peur.

            Pour nous aussi, les chrétiens d’aujourd’hui, ce texte constitue une invitation « à passer sur l’autre rive ». Il veut nous dire que notre foi doit être toujours en mouvement. Elle n’est jamais synonyme de sédentarité, de « squattage » sur place, d’immobilisme, d’adhésion intransigeante et obstinée à un dépôt de vérités et de dogmes intouchables. Elle n’est jamais recherche de sécurités, possession de certitudes. C’est pour cela que Jésus invitera souvent ses disciples à partir, à aller. Il leur défendra de s’installer, de se fixer, de s’enraciner.

            Les premiers chrétiens avaient déjà compris cela, et c’est pourquoi ils appelleront leur aventure spirituelle à la suite de Jésus la Voie ou le Chemin, parce qu’ils devaient les conduire à la découverte d’un monde nouveau (« le Royaume de Dieu »), de nouveaux paysages intérieurs, d’un nouveau genre de spiritualité, d’un nouveau style de vie, d‘une nouvelle forme d’humanité.            

            Ce récit nous invite à embarquer Jésus avec nous, à lui faire un petit coin dans notre bateau et, avec lui à bord, à prendre avec confiance le vent du large, cap sur l’autre rive. Ici la barque dans laquelle Jésus dort est l’image de notre existence et de tout ce que nous transportons avec nous : nos ombres et nos lumières, notre bien et notre mal, nos qualités et nos défauts, nos victoires et nos défaites, nos accomplissements et nos échecs, nos amours et nos haines, notre Jésus et notre foi en lui … à travers une mer imprévisible et dangereuse.

            La mer ! Dans la Bible la mer, avec ses tempêtes subites et indomptables, ses vagues meurtrières, ses profondeurs noirs et insondables et tous les monstres épouvantables qui habitent ses abymes, est le symbole par excellence des dangers qui nous guettent et nous menacent au cours de notre traversée sur l’autre rive de notre existence 

            L’évangile spécifie cependant que nous devons embarquer avec nous Jésus « tel qu’il est », c’est-à-dire avec sa vraie personnalité, avec ses requêtes exigeantes et difficiles, avec ses rêves et ses projets fous. Le Jésus tel qu’il est que nous transportons ne doit pas être le Jésus liquoreux et mielleux d’une certaine dévotion populaire tardive, ni le Jésus-Christ réinterprété, transformé, remodelé, modifié, réajusté selon les goûts, les besoins et les politiques de la religion qui lui succédera et qui accaparera sa personne et son message.

            Mais voilà que le récit nous informe que, dans la barque, cet extraordinaire passager est comme invisible, comme s’il n’existait pas : il dort, il n’intervient pas pour résoudre nos problèmes, pour nous aider dans les difficultés de la navigation, pour éloigner les dangers qui nous menacent, pour nous soutenir dans la détresse, pour soulager notre douleur, pour empêcher ou réparer les dégâts causés par notre stupidité, notre méchanceté ou notre irresponsabilité.

Ce récit, sur le sommeil de Jésus dans la barque ballotée par les tempêtes de la vie, semble donc vouloir nous dire l’immense confiance que Dieu a déposé dans les humains. Il veut nous faire comprendre que si, dans notre existence, Dieu nous paraît presque toujours inexistant, absent ou endormi, cela est dû au fait qu’il ne veut pas prendre notre place et qu’il veut nous laisser à nos responsabilités. 

Dieu s’éclipse volontairement, parce qu’il veut que nous prenions conscience que, comme nous sommes presque toujours l’unique ou la principale cause des maux, des désastres et des malheurs qui nous arrivent, nous sommes aussi les seuls êtres qu’il a dotés des moyens et des capacités nécessaires pour s’en sortir et pour trouver tout seuls les solutions et les remèdes à leurs gaffes et à leurs maux .. 

Et nos interventions, en vue de réparer les conséquences de nos dégâts, de nos erreurs et des calamités qui nous arrivent, serons d’autant plus aisées et efficaces si nous pensons que nous sommes maintenant équipés et enrichis des valeurs, des visions, de la sagesse, de l’esprit, ainsi que de la force de détermination et d’amour de ce Jésus qui voyage avec nous dans le fragile bateau de notre existence.

 

 

BM 15 juin 2021

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