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mercredi 1 mai 2019

LÀ OÙ LE POUVOIR DOMINE, L’AMOUR EST MORT

(Quelques réflexions à l’occasion du Jeudi Saint 2019)

Les paléontologues, les ethnologues, les anthropologues et les historiens sont unanimes à affirmer que, d’après la documentation et les sources d’informations qu’ils possèdent, l’histoire de l’humanité, au moins à partir du néolithique (environ 9000 ans avant notre ère), est fondamentalement une histoire de malheurs, de guerres et de violences.

Avec la sédentarisation des populations au néolithique, la révolution agraire, l’élevage et la domestication des animaux, surtout du cheval, la création des surplus alimentaires qui amènent à l’accumulation des biens, à la propriété privée, et donc à la création de la richesse, l’humanité rentre dans la phase la plus tourmentée et la plus malheureuse de son histoire. En effet, la richesse a allumé le feu de la cupidité humaine qui enflammera le monde avec sa panoplie de malheurs et de calamités : razzias, pillages, agressions, invasions, exterminations, guerres de conquêtes, colonisation, naissance des grands empires, etc.

            Depuis cette époque reculée et jusqu’à nos jours, l’histoire de l’humanité est caractérisée par des structures et des institutions de pouvoir et par l’usage systématique de la violence. Les humains ne naissent pas libres, mais ils arrivent dans un monde de domination, d’exploitation et de brutalité. Une petite minorité d’avides et puissants ploutocrates opprime, asservit, exploite, humilie et s’enrichit sur le dos du reste pauvre et sans défense de l’humanité.

            Ainsi, le pouvoir oppressif et exploiteur devient-il la force principale qui décide de la destinée de la quasi totalité des peuples de la terre et détermine le déroulement des événements qui bâtissent désormais la triste histoire de notre humanité, autant dans notre présent que dans le passé, et son tragique lot de violences, d’inégalités et d’injustices. Il suffit de jeter un bref regard sur l’histoire ancienne et moderne des peuples de l’Orient, de l’Occident et du Moyen-Orient pour s’en convaincre.
On peut donc affirmer, sans crainte de se tromper, que la recherche du pouvoir, avec l’usage systématique de l’oppression et de la violence, causé principalement par la soif de puissance et de grandeur et par l’avidité humaine, exercé autant par des individus, que par des groupes et des institutions, constitue depuis toujours le vrai « péché du monde», le grand mal et la grande faute de l’humanité, son véritable péché « originel ». C’est en effet un péché qui concerne tous les hommes, dans lequel tous sont impliqués et duquel tous, d’une certaine manière, sont responsables.

Jésus de Nazareth avait compris cela. Et c’est pour cela qu’il diabolise et condamne d’emblée et sans hésitation le pouvoir qui opprime et qui s’érige sur les autres. Et c’est pour cela qu’il n’a jamais accepté de se soumettre à aucun pouvoir humain, qu’il n’a jamais reconnu aucune autorité, ni civile ni religieuse, au-dessus de lui. Il a été un homme libre et qui a su se garder libre de ce péché, même si ce péché a eu le dessus sur lui et a fini par le tuer.

C’est pour cela aussi que Jésus, dans son rêve de créer un monde nouveau, plus juste, plus humain, plus fraternel ; dans son désir et son effort de changer l’orientation fondamentale de l’agir humain, a fait de la lutte contre l’avidité, la richesse et le pouvoir qui asservit et exploite les autres, son cheval de bataille et le cœur de toute sa spiritualité et de son message. Et cela dans l’espoir de réformer et transformer les mentalités et de réussir à faire comprendre que la vraie grandeur de l’homme ne consistes pas à vouloir imposer sa supériorité et sa volonté aux autres pour en faire des esclaves ou des serviteurs, mais à se faire le serviteur des autres, dans une attitude de disponibilité, de respect, de compassion et d’amour qui cherche le bien-être et le bonheur de l’autre, avant le sien propre.
L’histoire connue de l’humanité a commencé par la révolution et la victoire de l’égoïsme, de la cupidité, de l’agressivité et de la violence. Jésus, de son côté, aurait voulu déclencher un nouvelle phase de cette histoire, caractérisée par la révolution et la victoire de l’amour. Un amour universel qui aurait transformé la terre en un véritable paradis qu’il appelait le «Royaume de Dieu », où les relations entre les humains auraient été à l’image de l’amour qui est en Dieu.

Voilà pourquoi Jésus, venu pour nous libérer du péché, comme le proclame continuellement la doctrine catholique, disqualifie et condamne continuellement et ouvertement la cupidité, la richesse, la supériorité des puissants et le pouvoir oppresseur, et exige de ses disciples qu’ils en fassent autant. Voilà pourquoi il leur demande de faire du service humble, sincère et amoureux envers les autres humains le signe distinctif de leur nouvelle identité et de leur nouvelle appartenance.

«...  C’est à cela qu’ils reconnaîtront que vous êtes mes disciples : à l’amour que vous aurez les uns pour les autres… Heureux les pauvres, heureux les pacifiques… Malheureux les riches car ils leur sera impossible d’entrer dans le «Royaume de Dieu» . Dans le monde, les puissants commandent en maître, exigent, oppriment … mais parmi vous, il ne doit pas en être ainsi…. Que le premier parmi vous se fasse le dernier et que celui qui commande devienne celui qui sert… Parmi vous j’ai toujours été celui qui a servi, celui qui a tout donné de lui-même… Je vous ai lavé les pieds...  Je vous ai donné l’exemple… faites en autant ! »

Voilà ce que le Maître lègue à nous, ses disciples, en ce jeudi saint. C’est le testament spirituel qu’il nous confie avant de mourir. C’est ce que nous devons être et ce que nous devons faire en « mémoire de lui » : pour les disciples de Jésus, il n’y pas d’autre Eucharistie que celle qui rend grâce à Dieu pour être devenus dans le monde les serviteurs de nos frères, les instruments et les porteurs d’un amour toujours désintéressé, toujours tendre, toujours miséricordieux et toujours offert à tous … sans mesure et sans distinctions.

Là où il y a l’amour, il n’y a plus aucune recherche de pouvoir. 

BM – 13 avril 2019  

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