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mercredi 1 mai 2019

Dimanche de Pâques


( Jean, 20,1-8)


Vous aurez remarqué la fréquence avec laquelle le mot “tombeau” est répété dans ces trois paragraphes de l’évangile de Jean. Dans huit versets le mot revient sept fois. Cinq fois pour dire que les disciples arrivent au tombeau, deux fois pour dire que le tombeau est vide. On dirait que l’évangile est plus concerné par l’attitude des disciples qui cherchent, qui sont angoissés, qui veulent trouver des réponses à leurs questions, qu’à leur fournir une explication claire et précise qui peut définitivement les réconforter et les rassurer. 

C’est un fait que les disciples expérimentent un manque, vivent une épreuve, sont complètement déroutés par les événements tragiques qui ont mis à l’envers leurs vies. Et comme toute personne qui est dans le noir parce qu’elle ne réussit pas à comprendre le sens de ce qui lui arrive, ils s’affolent pour chercher une explication, une lueur d’espoir dans l’obscurité qui les enveloppe en ce moment. Ils expérimentent un manque et un vide terrible.

L’Évangile prend en effet la peine de noter qu’il faisait noir lorsque les disciples se mettent en route vers le tombeau. Quand Jésus était avec eux, c’était si lumineux! Avec lui ils avaient vécu des moments inoubliables. Cet Homme avait transformé leurs existences. À ses côtés ils avaient appris tellement de choses! Ils avaient appris à avoir confiance en eux-mêmes, à faire confiance aux autres, mais surtout à faire confiance à Dieu. Jésus parlait de Dieu comme personne ne l’avait fait avant lui. Ils avaient l’impression que Jésus avait une familiarité, une intimité, une connaissance de Dieu qui étaient uniques. 

Au contact de Jésus ils avaient, eux-aussi, appris à aimer Dieu comme s’il était leur Père et à le traiter comme s’ils étaient ses enfants. À côté de Jésus ils avaient appris que Dieu est tendresse et amour. Ils avaient appris que Dieu aime toujours le premier; qu’il aime sans conditions; qu’il aime sans regarder aux mérites ou aux qualités de la personne; qu’il aime même quand nous sommes méchants et haïssables. Jésus leur avait fait comprendre que toutes les femmes et tous les hommes, sans distinction, ont une grande valeur aux yeux de Dieu; que pour Dieu chacun est unique et qu’il est aimé, apprécié et voulu dans sa spécificité et à cause de sa singularité. Ils avaient appris que devant Dieu la meilleure chose pour un individu est d’être lui-même en tout; et que ce qui compte vraiment pour un homme et pour une femme est l’authenticité de leur être et non pas leur paraître. 

Les disciples, en fréquentant Jésus, avaient appris à ne plus avoir peur de Dieu, ni des châtiments de Dieu. Car Jésus leur avait enseigné que Dieu n’est pas un être qui punit, mais un être qui pardonne et qui pardonne toujours, et qui pardonne sans cesse et qui veut notre épanouissement, notre joie, notre bonheur déjà ici sur terre, surtout ici sur terre et pas seulement dans l’au-delà.Tout cela avait donné un nouveau sens, une nouvelle orientation et un nouvel élan à leur existence. Ils se sentaient maintenant comme des personnes transformées, renouvelées. Ils vivaient maintenant dans la joie, la confiance, l’espérance; non plus repliés sur eux-mêmes, refermés dans leurs peurs, handicapés par la conscience de leurs limites et de leurs faiblesses, mais ouverts, confiants, disponibles, donnés aux autres devenus désormais leurs frères. 

Grâce à l’enseignement du Maître de Nazareth, ils savaient que, quoiqu’il leur arrive  de triste, de douloureux ou d’éprouvant, cela ne pourrait jamais constituer une catastrophe irréparable ou un mal sans issue, puisque leur vie serait toujours soutenue et portée par l’amour et la présence de Dieu. Pendant sa vie Jésus avait vraiment allumé en eux la flamme de la confiance, de l’optimisme et de l’espérance. Les actions, les paroles, le témoignage, la façon de penser, en un mot, l’esprit qui animait Jésus, lorsqu’il parcourait les routes de la Palestine, constitueront désormais un héritage et un trésor que ses disciples garderont tendrement, précieusement, fidèlement dans leur mémoire et dans leurs cœurs. Car c’est cet héritage qui guide, inspire et donne maintenant du sens à leur vie.



Ces réflexions nous aideront à répondre à la question posée par l’évangile de Pâques que nous venons de lire: Jésus, après sa mort, où se trouve-t-il ? Où faut-il que les disciples le cherchent pour pouvoir le trouver? Peut-on encore le trouver, le sentir, l’atteindre ce Jésus exécuté sur une croix et définitivement disparu du monde des vivants? Comment peut-on affirmer qu’il est encore vivant parmi nous, comme le déclare notre foi catholique? Le récit de l’Évangile, avec l’insistance mise sur le tombeau, veut nous faire comprendre que tous ceux qui courent vers un tombeau ou qui s’obstinent à pleurer un mort ou qui veulent faire de la mort quelque chose de plus important et de plus plein que la vie, ne rencontreront en réalité, au bout de leur course, que le vide et la déception. Il ne peut y avoir que du vide dans un tombeau, car la vie est nécessairement ailleurs. Le tombeau est inéluctablement vide. Il est vide de toute forme de vie. Ce n’est pas dans un tombeau que les disciples peuvent maintenant trouver la présence de leur Maître. Pour les disciples qui cherchent la présence de Jésus, le tombeau est vide, nous répètent les textes des Évangiles. “Ne cherchez pas parmi les morts celui qui est vivant... c’est parmi vos frères que vous le trouverez ” annoncent les anges. 

Voilà enfin  dévoilé le mystère de Pâques! Après sa mort Jésus est vivant, certes, mais il est vivant au milieu de ses disciples, nous rassurent les textes des Évangiles. C’est maintenant parmi eux qu’on peut le retrouver. Ce sont maintenant ses disciples qui continuent à le faire vivre, à le maintenir en vie. De quelle façon? En gardant éveillé le souvenir de sa mémoire; en entretenant vivante dans leur cœur la flamme de la confiance et de l’amour qu’ils nourrissent envers sa personne; en continuant à modeler leur comportement sur son exemple et sur sa parole et à se laisser conduire par son Esprit. C’est maintenant nous, les chrétiens, le lieu de la présence vivante de Jésus de Nazareth dans notre monde. C’est en nous et à grâce à nous qui l’aimons et qui croyons en lui et en la valeur extraordinaire de son enseignement et donc de son Évangile, que le prophète de Galilée est toujours vivant et agissant dans l’histoire des hommes.

Je pense qu’il y a encore une autre chose que ce texte d’Évangile cherche à nous faire comprendre. Je trouve que ce récit se présente aussi comme une parabole de notre vie, de notre condition ici sur terre. Marie de Magdala, Pierre et l’autre disciple qui courent vers le tombeau sont des figures et des symboles de la condition humaine : tous, tant que nous sommes, hommes et femmes, jeunes et vieux, tous nous courrons inévitablement vers le tombeau. C’est là que s’arrêtera un jour notre course. 

Au bout de notre voyage, il se peut que nous ayons l’impression de ne trouver que l’absence, le vide et le silence. Et c’est peut-être ce sentiment ou cette perspective qui nous remplit d’angoisse et qui fait en sorte que nous regardons vers le tombeau avec inquiétude et appréhension. Cependant, ceux qui ont fréquenté Jésus, ceux qui ont été sensibilisés par lui à regarder outre les apparences et à lire dans leurs vies les signes de l’action aimante de Dieu, ceux-là seront capables de déchiffrer, au-delà du drame de la fin, au-delà du désordre de la mort et du vide du tombeau, les signes d’un ordre, d’un accomplissement, d’une plénitude et d’une présence. Pour ceux qui, comme le jeune disciple, savent regarder avec les yeux de la foi et de la confiance que Jésus leur a inspirée, la mort et le tombeau ne sont plus des événements dramatiques où terminent et s’effondrent inévitablement les aspirations et les rêves de notre cœur, mais le début d’un nouveau voyage pour lequel la main tendre de Dieu a soigneusement plié et rangé nos bagages terrestres afin que nous puissions prendre sans encombres la route de l’éternité.

Bruno Mori

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