(Act.1,1-11 – Luc. 24, 50-52 – Mc. 16,19)
Le récit de l’ascension est une
construction de l’évangéliste Luc qui, comme il a voulu illustrer d’une façon particulièrement
solennelle l’entrée de Jésus en ce monde en l’entourant d’événements merveilleux
d’anges, de chœurs célestes, d’astres qui s’allument et qui bougent soudainement
dans le ciel, de mages mystérieux qui se prosternent devant le nouveau-né, il a
voulu aussi présenter d’une façon spécialement triomphale (surtout dans le
récit qu’il en fait dans les Actes des Apôtres) sa sortie de ce monde, en s’inspirant des récits d’ascension au ciel
avec lesquels les écrivains de son temps avaient illustré et célébré le départ
de ce monde de certains grands personnages de l’histoire
ancienne (Romulus, Héraclès, Empédocle, Alexandre le Grand, Apollonius de Tana,
Hénoch, Elie…).
Ce récit n’est donc pas à prendre
comme un fait réel et historique, mais uniquement comme un conte symbolique, composé
par les évangélistes dans un but catéchétique : instruire les chrétiens
que Jésus, malgré sa mort, continue à être présent par son esprit dans la vie et
la communauté de ses disciples qui, sont appelés à en continuer l’œuvre. Ce
mythe, avec sa mise en scène fantastique, au cours de laquelle Jésus donne ses
ultimes consignes aux disciples avant de disparaître dans les hauteurs du ciel,
cherche à impressionner les chrétiens en leur présentant un Jésus qui, revêtu du
pouvoir et de la gloire de Dieu et vivant plus que jamais, est devenu désormais
l’inspirateur, le souffle, l’âme, la lumière, le guide, le chemin et la vie de
ceux et celles qui croient en lui.
Nous, les chrétiens critiques et
éclairés des temps modernes, ne devons donc pas écarter tout de suite ce conte comme
étant insignifiant, mais chercher plutôt à rentrer dans sa symbolique surannée pour
essayer de découvrir quel message il pourrait bien contenir qui soit valable
pour nous aujourd’hui. [i]
Je pense que récit bizarre pourrait,
par exemple, nous faire réaliser, nous les gens terre à terre du positivisme,
du matérialisme, de l’objectivité, du concret, du palpable, du vérifiable, de
la productivité, du profit…, qu’il y a peut-être d’autres choses et d’autres
valeurs qui pourraient et devraient aussi nous intéresser ; qu’il est possible
de regarder ailleurs, plus haut; qu’il existe aussi des hauteurs (et des
profondeurs) qui nous sont accessibles; qu’il existe aussi des mondes qui sont
invisibles et pourtant réels ; qu’il est possible de regarder au-delà des
apparences, au-delà ce que nous voyons habituellement avec nos yeux de myopes
qui ne voient presque plus rien.
Ce récit est là pour nous dire qu’il
est possible de regarder le monde plus à fond, et d’arriver à entrevoir le cœur
des choses et des personnes, ce centre où est située leur véritable identité et
la Source ultime de toutes les virtualités qui les accomplissent. Ce regard
pénétrant est vraiment nécessaire pour nous, les humains, si nous voulons que
se révèle à nous quelque chose du mystère divin qui est présent partout, qui pénètre
notre Univers et qui porte toute chose par la force de son attraction et de son
amour.
Sans une ouverture du cœur et de
l’esprit sur cette dimension mystérieuse, profonde, sacrée et spirituelle de la
Réalité; sans une prise de conscience des forces divines qui la traversent et qui
l’habitent, les humains risquent de s’établir, d’un côté, dans une attitude de
domination, de confrontation et d’exploitation insensible, arrogante et égoïste
du monde et de la nature et, de l’autre côté, dans la banalisation, l’insignifiance
et même la déshumanisation de leur existence.
Si nous possédons l’esprit de Jésus, nous
devenons capables de comprendre que tout a un sens; que le silence possède une
Parole; que l’obscurité est traversée par une lumière et que les profondeurs aussi
doivent être atteintes pour gagner les hauteurs et ainsi rencontrer le mystère
de la présence de Dieu.
La foi que Jésus nous a laissée en la présence
de l’esprit divin dans notre monde, est le seul moyen que nous avons d’échapper
à la désespérance et pour nous convaincre que nous n’avons pas le droit de
baisser les bras, mais que, tous ensemble, nous avons la possibilité d’affronter
et de lutter contre les forces de l’égoïsme et du mal et de bâtir un monde plus
juste, plus fraternel, plus humain et plus beau.
Ce conte symbolique de l’Ascension
qui introduit Jésus, l’homme moulé par l’Esprit de l’Amour, dans les hauteurs profondes
de notre Univers, imprégné et animé par la présence de l’Esprit de Dieu, n’est
rien d’autre qu’une parabole qui cherche à faire comprendre que la flamme de l’Amour
brille constamment dans les profondeurs de notre monde, même au cœur de nos
nuits les plus noires, qu’elle ne demande qu'à nous éclairer et à nous guider
vers l’accomplissement de notre être et la réussite de notre bonheur.
Bruno Mori - Montréal, mai 2108
[i] Le
récit de l’Ascension originairement se trouvait seulement dans les écrits de
Luc. Matthieu et Jean n’en
parlent pas. Dans Marc, la courte allusion à l’Ascension de Jésus a été placée dans
le dernier chapitre (16e) de son évangile . Ce chapitre est une appendice ajoutée
postérieurement (au début du IIe siècle) par un auteur inconnu qui
a voulu résumer maladroitement certains événements de la fin de la vie de Jésus
racontés par Mathieu et Luc et qui manquaient dans l’évangile originaire de
Marc.
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