La femme adultère ou la
mort de la Loi ( Jn 8,1-11)
La loi juive, au nom de
laquelle les scribes et les pharisiens amènent la femme devant Jésus, exigeait
la mort des adultères : "Si l'un commet un adultère avec la femme de son
voisin, les deux adultères sont coupables de mort" (Lev 20,10; Dt 22.22 ).
Toutefois, dans cette culture fortement patriarcale on exécutait la femme et presque
jamais l’homme.
Dans les sociétés
primitives c’est par ce genre de lois que les groupes humains se protégeaient
contre les comportements « déviants » susceptibles de mettre
en danger la stabilité de l’ordre social. D’où la nécessité d’assurer le respect
des règles et des lois qui protégeaient la propriété, la suprématie du mâle sur
la femelle, etc.
Pour que la loi soit
plus contraignante, elle était attribuée par la religion (garante de l’ordre
social) à la volonté des dieux ou de Dieu qui la rendait « sacrée » absolue et intouchable.
Mais ce n’est pas tout : avec le temps la Loi finira par être comprise non
seulement comme une expression de la volonté divine, mais aussi comme une expression des « intérêts de
Dieu ».
Il est clair que les
intérêts de Dieu sont toujours au-dessus de ceux des hommes ; le contraire est
considéré comme un "péché". Et, c’est pour cette raison même que la
personne religieuse peut devenir fanatique et donc prête à tuer et à massacrer
pour obéir à une supposée volonté de Dieu et pour défendre les intérêts de Dieu
qui se confondent presque toujours avec ceux d’une religion. Cela explique la
cruelle obstination de ces fanatiques de la Loi (les scribes et les pharisiens
de l’évangile) qui, au nom de la Loi, sont prêts à mettre à mort cette femme.
Tant que qu’un individu
s'identifie à ce genre de culture et de religion, il ne
mettra jamais en question son attitude et il sera toujours prêt à tuer
quelqu'un, si c’est « ce qu'il faut faire » pour obéir à Dieu et lui faire
plaisir. Mais dès qu’un individu acquiert un peu d’intelligence, de jugement,
de bon sens et un peu d’esprit critique, voilà qu’il commence à se poser des questions
: est-ce possible un Dieu capable d’une telle cruauté et d’une telle volonté de
mort ? Quel genre de religion ces scribes et ces pharisiens représentent-ils qui
permet de tuer une personne pour un écart moral et qui ne défend pas l'être
humain au-dessus de toute autre valeur ?
Et voilà alors que cet individu découvre qu’il s'agit là d'une religion
qui, en se confondant avec Dieu et en devenant absolue, se pervertit, se
déshumanise et s’aveugle. De sorte qu’elle ne réussit plus à voir que Dieu ne
peut être qu’amour, vie et source de vie et jamais une cause de souffrance,
d’abjection, d’aliénation et de mort pour ses enfants.
Cet aveuglement affecte
souvent les fonctionnaires d’une religion. Preuve en est ce récit de la femme adultère
condamnée à mort par le Dieu de la Loi et de la religion, mais sauvée par le
Dieu-Père de l’amour gratuit, de la miséricorde et de la vie « en abondance » qui
parle et se manifeste à travers Jésus.
Cette péricope de la femme adultère avait
disparu pendant quatre siècle de la plupart des codex plus anciens. Elle réapparaît,
soudainement autour du cinquième siècle, où on la retrouve dans l’évangile de
Jean et logée au début du chapitre huit, sans doute à cause de ce que Jésus dira
un peu plus loin dans ce même chapitre : «Vous jugez … moi, je ne juge personne
» (Jean 8,15).
Les vicissitudes de ce
texte révèlent, sans doute, la préoccupation des autorités religieuses des
débuts du christianisme de faire respecter une loi qui venait de Dieu, ainsi que leur peur de permettre des
exceptions à celle-ci qu’il considéraient particulièrement importante… Il se peut donc que les premières communautés
chrétiennes, encore fortement marquées par la conception juive de Dieu et par
le caractère sacré de la Loi divine qui, dans la Bible, condamnait et punissait
clairement l’adultère n’ont pas osé publiciser et diffuser l'attitude libre et
indulgente de Jésus qui apparaît dans ce récit, au point d’en censurer
l’extraordinaire nouveauté et d’en effacer les traces.
C'est précisément cette
nouveauté que cherche à mettre en lumière ce récit. Face à une religion qui
condamne, Jésus est le pardon sans réserve. Les paroles qu’il adresse aux
accusateurs (« Qui est ans péché, qui se trouve irréprochable, qu’il lance la
première pierre… » ) semblent l’échos de bien d'autres éparses dans les évangiles: « Comment
oses-tu dire à ton frère : laisse-moi t'ôter la paille de l'œil, alors que tu as une poutre dans le tien ?
Hypocrites…» (Mt 7,4).
Tout au long de
l'évangile, Jésus offre le pardon gratuit, montrant ainsi un Dieu « différent »,
non menaçant ou condamnant; un Dieu qui est Père-Mère; un Dieu qui ne sait qu’aimer d’une façon gratuite et inconditionnelle
et qui n’agit que sous la mouvance de sa miséricorde.
Cette façon d'offrir le
pardon semble indiquer que c'est aussi notre conception même du « péché » que
nous devons modifier. Pour une religion fondée sur la norme – et, par
conséquent, sur le « mérite » –, le péché apparaît couvert d'une malice
consciente et délibérée, à cause de laquelle la personne devient coupable et
passible de condamne et de punition. Jésus vient briser cette logique de
suspicion et de malveillance. Il nous montre qu’il n’y a pas des individus
vraiment coupables et pécheurs ; mais seulement des êtres marqués par les
antécédents et les vicissitudes de leur vie; qu’il y a seulement des êtres égarés
dans les labyrinthes de leurs pulsions, de leurs passions, de leur désirs, de
leurs faiblesses, de leurs erreurs et de
leur ignorance … et qui n’ont besoin surtout pas besoin d’être jugés, blâmés et
condamnés, mais seulement d’être compris, accueillis et aimés d’une façon
désintéressée pour se sentir valorisés, pour changer, pour se transformer, pour renaitre à la vie et se
sentir sauvés.
C’est le miracle d’un
tel amour qui a libéré cette femme de la mort et qui l’a lancée, finalement redressée
et renouvelée sur les chemins d’une nouvelle vie.
Bruno Mori
- 29 mars 2022
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