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lundi 11 avril 2022

 

 La femme adultère ou la mort de la Loi  ( Jn 8,1-11)

La loi juive, au nom de laquelle les scribes et les pharisiens amènent la femme devant Jésus, exigeait la mort des adultères : "Si l'un commet un adultère avec la femme de son voisin, les deux adultères sont coupables de mort" (Lev 20,10; Dt 22.22 ). Toutefois, dans cette culture fortement patriarcale on exécutait la femme et presque jamais l’homme.

Dans les sociétés primitives c’est par ce genre de lois que les groupes humains se protégeaient contre les comportements « déviants » susceptibles de   mettre en danger la stabilité de l’ordre social. D’où la nécessité d’assurer le respect des règles et des lois qui protégeaient la propriété, la suprématie du mâle sur la femelle, etc. 

Pour que la loi soit plus contraignante, elle était attribuée par la religion (garante de l’ordre social) à la volonté des dieux ou de Dieu qui la rendait « sacrée » absolue et intouchable. Mais ce n’est pas tout : avec le temps la Loi finira par être comprise non seulement comme une expression de la volonté divine, mais  aussi comme une expression des « intérêts de Dieu ».

Il est clair que les intérêts de Dieu sont toujours au-dessus de ceux des hommes ; le contraire est considéré comme un "péché". Et, c’est pour cette raison même que la personne religieuse peut devenir fanatique et donc prête à tuer et à massacrer pour obéir à une supposée volonté de Dieu et pour défendre les intérêts de Dieu qui se confondent presque toujours avec ceux d’une religion. Cela explique la cruelle obstination de ces fanatiques de la Loi (les scribes et les pharisiens de l’évangile) qui, au nom de la Loi, sont prêts à mettre à mort cette femme.

Tant que qu’un individu s'identifie  à ce genre de culture et de religion, il ne mettra jamais en question son attitude et il sera toujours prêt à tuer quelqu'un, si c’est « ce qu'il faut faire » pour obéir à Dieu et lui faire plaisir. Mais dès qu’un individu acquiert un peu d’intelligence, de jugement, de bon sens et un peu d’esprit critique, voilà qu’il commence à se poser des questions : est-ce possible un Dieu capable d’une telle cruauté et d’une telle volonté de mort ? Quel genre de religion ces scribes et ces pharisiens représentent-ils qui permet de tuer une personne pour un écart moral et qui ne défend pas l'être humain au-dessus de toute autre valeur ?  Et voilà alors que cet individu découvre qu’il s'agit là d'une religion qui, en se confondant avec Dieu et en devenant absolue, se pervertit, se déshumanise et s’aveugle. De sorte qu’elle ne réussit plus à voir que Dieu ne peut être qu’amour, vie et source de vie et jamais une cause de souffrance, d’abjection, d’aliénation et de mort pour ses enfants.

Cet aveuglement affecte souvent les fonctionnaires d’une religion. Preuve en est ce récit de la femme adultère condamnée à mort par le Dieu de la Loi et de la religion, mais sauvée par le Dieu-Père de l’amour gratuit, de la miséricorde et de la vie « en abondance » qui parle et se manifeste à travers Jésus.

 Cette péricope de la femme adultère avait disparu pendant quatre siècle de la plupart des codex plus anciens. Elle réapparaît, soudainement autour du cinquième siècle, où on la retrouve dans l’évangile de Jean et logée au début du chapitre huit, sans doute à cause de ce que Jésus dira un peu plus loin dans ce même chapitre : «Vous jugez … moi, je ne juge personne » (Jean 8,15).

Les vicissitudes de ce texte révèlent, sans doute, la préoccupation des autorités religieuses des débuts du christianisme de faire respecter une loi  qui venait  de Dieu,  ainsi que leur peur de permettre des exceptions à celle-ci qu’il considéraient particulièrement  importante… Il se peut donc que les premières communautés chrétiennes, encore fortement marquées par la conception juive de Dieu et par le caractère sacré de la Loi divine qui, dans la Bible, condamnait et punissait clairement l’adultère n’ont pas osé publiciser et diffuser l'attitude libre et indulgente de Jésus qui apparaît dans ce récit, au point d’en censurer l’extraordinaire nouveauté et d’en effacer les traces.

C'est précisément cette nouveauté que cherche à mettre en lumière ce récit. Face à une religion qui condamne, Jésus est le pardon sans réserve. Les paroles qu’il adresse aux accusateurs (« Qui est ans péché, qui se trouve irréprochable, qu’il lance la première pierre… » ) semblent l’échos de bien  d'autres éparses dans les évangiles: « Comment oses-tu dire à ton frère : laisse-moi t'ôter la paille de l'œil, alors  que tu as une poutre dans le tien ? Hypocrites…»  (Mt 7,4).

Tout au long de l'évangile, Jésus offre le pardon gratuit, montrant ainsi un Dieu « différent », non menaçant ou condamnant; un Dieu qui est  Père-Mère; un Dieu  qui  ne sait qu’aimer d’une façon gratuite et inconditionnelle et qui n’agit que sous la mouvance de sa miséricorde. 

Cette façon d'offrir le pardon semble indiquer que c'est aussi notre conception même du « péché » que nous devons modifier. Pour une religion fondée sur la norme – et, par conséquent, sur le « mérite » –, le péché apparaît couvert d'une malice consciente et délibérée, à cause de laquelle la personne devient coupable et passible de condamne et de punition. Jésus vient briser cette logique de suspicion et de malveillance. Il nous montre qu’il n’y a pas des individus vraiment coupables et pécheurs ; mais seulement des êtres marqués par les antécédents et les vicissitudes de leur vie; qu’il y a seulement des êtres égarés dans les labyrinthes de leurs pulsions, de leurs passions, de leur désirs, de leurs  faiblesses, de leurs erreurs et de leur ignorance … et qui n’ont besoin surtout pas besoin d’être jugés, blâmés et condamnés, mais seulement d’être compris, accueillis et aimés d’une façon désintéressée pour se sentir valorisés, pour changer, pour se  transformer, pour renaitre à la vie et se sentir sauvés.

C’est le miracle d’un tel amour qui a libéré cette femme de la mort et qui l’a lancée, finalement redressée et renouvelée sur les chemins d’une nouvelle vie.   

Bruno Mori -  29 mars 2022  

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