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dimanche 24 avril 2022

 

Nouveau regard sur la « miséricorde »  de Dieu

(2e dimanche de Pâques, 2022)

         Alors que dans le Bouddhisme la parole clef est la « compassion », ce qui caractérise la spiritualité et la religion chrétienne est, par contre, le concept de la  « miséricorde » de Dieu [i]. Cependant ce mot, à mon avis, est souvent mal compris et utilisé à tort et à travers dans la religion catholique comme un synonyme de pitié, d’indulgence, de clémence, de magnanimité, de tolérance, de pardon de la part de Dieu pour les « pauvres pécheurs ». La miséricorde est certes présentée comme une bonne disposition de Dieu envers les pécheurs en vue de leur salut, mais elle n’est efficace que si ceux-ci se convertissent et se détournent définitivement du mal. Dans le cas contraire, sa miséricorde tombe à l’eau et les obstinés seront inexorablement condamnés et châtiés.

            C’est un fait que dans cette religion, Dieu n’accorde jamais son amitié, sa bienveillance, sa grâce, son pardon, son amour, son salut gratuitement, mais ses faveurs il faut toujours les acquérir, les acheter, les mériter par un échange de prestations, des bonnes œuvres, de bonnes dispositions, de dévotions, de prières, mais surtout au prix de renoncements, de mortifications et de sacrifices. Ceux-ci, plus ils sont douloureux, plus ils sont efficaces pour obtenir la miséricorde de Dieu

            Dans la Bible cependant, le concept de miséricorde a un sens complètement différent de celui que la religion chrétienne traditionnelle lui attribue. Dans ces écrits sacrés le mot hébreux (lajamìn) que nous traduisons par miséricorde indique l’amour viscéral d’une mère pour la fragile créature quelle forme et porte dans son ventre, qui fait partie d’elle, à laquelle elle donne la vie, qu’elle met à la lumière dans l’espoir qu’elle vive heureuse et pleinement accomplie en ce monde. C’est tout ce que l’amour d’une mère et d’un père veut et désire pour leur enfant !

            Voilà pourquoi pour le juif Jésus le terme miséricorde n’indique pas tellement une disposition, une qualité ou une attitude intérieure de Dieu, mais il  définit plutôt son être et sa nature profonde. Il indique toujours une Puissance amoureuse qui génère les êtres à la vie et qui est continuellement à l’œuvre pour qu’ils vivent épanouis et heureux. De sorte que chaque fois que Jésus parle de « son » Dieu, il le présente toujours comme un père maternel qui possède un cœur rempli de ce genre d’amour : un amour qui est source de vie et qu’il veut verser dans le cœur et dans l’existence de ses enfants, afin que ceux-ci vivent pleinement. Et cela quoi qu’ils fassent et quoi qu’ils deviennent dans leur vie, même s’ils se transforment en des êtres misérables.

C’est cela le sens vrai de la miséricorde. Il vient de l’expression latine miseris-cor-dare, qui veut dire donner son cœur à ceux qui sont misérables.  Car si des êtres humains sont devenus des êtres misérables, tombés dans un état de déchéance, d’égarement et de mort intérieure, cela a été très probablement causé par une incapacité à accueillir l’amour qui leur avait été offert.

            Jésus présente son Dieu comme un Père-Mère dont l’amour va chercher ses enfants « misérables », perdus, blessés, souffrants et mourants sur les chemins du monde pour leur offrir une chance de guérisons et retour à la vie. Cela signifie que le Dieu Père-Mère de Jésus, à différence du Dieu de la religion, ne connait pas la rancune, l’animosité, l’aversion, l’hostilité, le ressentiment, le reproche, la colère, la condamnation et le châtiment pour le fils qui est tombé dans la déchéance du mal, mais seulement l’amour qui veut faire vivre et sauver

            Devant le drame faiblesse et de la fragilité (éthique, morale, humaine, psychologique, spirituelle), et donc de la faute de ses enfants, le Dieu père de Jésus les aime encore plus intensément. C’est un Mystère d’amour mais qui ne sait pas pardonner, parce qu’il ne sait pas culpabiliser ; c’est un abîme d’amour qui est incapable de se sentir offensé ou lésé par les bêtises de ses enfants lesquels, malgré, ou plutôt, avec leurs « misères » et leurs « péchés », ne se séparent jamais de lui, mais ils restent toujours immergés dans les profondeurs de son amour.

            Voilà pourquoi dans les évangiles, la justice du Dieu de Jésus est complètement différente de la justice des hommes ; elle ne prend jamais la configuration ni de la vengeance, ni de la punition pour les fautes commises, ni de la rétribution pour les mérites. Elle est toujours présentée comme une guérison ou une libération du mal et de la souffrance. C’est une justice qui se manifeste toujours comme un amour qui donne la vue aux aveugles, la parole aux muets, la vie aux morts. Il s’agit donc d’un amour gratuit et inconditionné que le Dieu père-mère de Jésus réserve toujours à ses enfants qu’ils soient bons ou méchants.

            Cet amour, en effet, n’est pas un sentiment vide de contenu, mais une énergie chargée de vie, qui restaure la vie, qui ramène à la vie et qui est toujours donnée pour sauver là où sont à l’œuvre les dynamiques de la désagrégation et de la mort.

            Il est facile de comprendre alors que l’amour du Dieu père-mère de Jésus est un amour à fond perdu. Il ne demande et n’exige aucune condition préalable de regret et de conversion pour nous aimer. Jésus disait que son Dieu fait resplendir le soleil de son amour autant sur les bons que sur les méchants. Il s’agit d’un amour qui ne dépend jamais de nos prestations, de nos souffrances, de nos sacrifices et de nos mérites ; de sorte qu’il semblerait devoir aimer davantage les enfants obéissants et exemplaires et moins les rebelles et les indépendants. Il s’agit d’un Dieu maternel qui nous aime depuis toujours et à l’amour duquel nous ne pouvons jamais nous soustraire : ni lorsque nous sommes bons, ni lorsque nous sommes méchants. Nous sommes condamnés à être aimés.

                                    C’est cela la miséricorde du Dieu de Jésus de Nazareth ! Comme on peut le voir, elle se situe à des années lumières de la miséricorde du Dieu morose et acariâtre de sœur et «sainte»  Faustine Kowalska  qui a besoin de la pathétique prière de son chapelet pour apaiser la colère suscitée en lui par les fautes et les péchés des hommes.[ii]

 Bruno Mori -   20 avril 2022  

Texte inspiré de Robert Mancini, Il Senso della misericordia, Edizioni Romena, 2016, 139 pages.


[i] Dans les Béatitudes  qui constituent un concentré du cœur et de l’esprit de Jésus et la carta magna du comportement  chrétien, il est dit : “Bienheureux les miséricordieux, il leur sera fait miséricorde” (Mt 5,7).Ailleurs dans  les évangiles, Jésus dit :«Soyez  miséricordieux, comme votre Père céleste est miséricordieux » (Lc 6,36)  --  « Allez apprendre  ce que veut dire: “ C’est la miséricorde  que je  veux  et non pas vos les sacrifices  ( Os 6,6), (Mt 9,13).

[ii]  Le chapelet de la miséricorde - d’après sainte Faustine Kowalska, Jesus lui confie :« Cette prière sert à calmer ma colère»  (Petit Journal 474-475) .   

Sœur Faustine affirme dans son Petit  Journal :   « Quand on récite  ce chapelet auprès des agonisants , la colère divine s’apaise et un  miséricorde insondable s’empare de son  âme ( P.J 811 ) .

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