Nouveau regard sur la « miséricorde » de Dieu
(2e
dimanche de Pâques, 2022)
Alors que dans le Bouddhisme la parole clef est la « compassion »,
ce qui caractérise la spiritualité et la religion chrétienne est, par contre,
le concept de la « miséricorde » de Dieu [i].
Cependant ce mot, à mon avis, est souvent mal compris et utilisé à tort et à
travers dans la religion catholique comme un synonyme de pitié, d’indulgence,
de clémence, de magnanimité, de tolérance, de pardon de la part de Dieu pour
les « pauvres pécheurs ». La miséricorde est certes présentée comme une bonne
disposition de Dieu envers les pécheurs en vue de leur salut, mais
elle n’est efficace que si ceux-ci se convertissent et se détournent
définitivement du mal. Dans le cas contraire, sa miséricorde tombe à
l’eau et les obstinés seront inexorablement condamnés et châtiés.
C’est un fait que dans cette religion, Dieu n’accorde jamais son amitié, sa bienveillance, sa grâce, son
pardon, son amour, son salut gratuitement, mais ses faveurs il faut toujours
les acquérir, les acheter, les mériter par un échange de prestations, des
bonnes œuvres, de bonnes dispositions, de dévotions, de prières, mais surtout
au prix de renoncements, de mortifications et de sacrifices. Ceux-ci, plus ils sont douloureux, plus ils sont
efficaces pour obtenir la miséricorde de Dieu
Dans la Bible cependant, le concept
de miséricorde a un sens complètement
différent de celui que la religion chrétienne traditionnelle lui attribue. Dans
ces écrits sacrés le mot hébreux (lajamìn)
que nous traduisons par miséricorde
indique l’amour viscéral d’une mère pour la fragile créature quelle forme et
porte dans son ventre, qui fait partie d’elle, à laquelle elle donne la vie, qu’elle
met à la lumière dans l’espoir qu’elle vive heureuse et pleinement accomplie en
ce monde. C’est tout ce que l’amour d’une mère et d’un père veut et désire pour
leur enfant !
Voilà pourquoi pour le juif Jésus le
terme miséricorde n’indique pas tellement une disposition, une qualité ou une attitude intérieure de Dieu, mais il définit plutôt son être et sa nature profonde. Il indique toujours une Puissance
amoureuse qui génère les êtres à la vie et qui est continuellement à l’œuvre
pour qu’ils vivent épanouis et heureux. De sorte que chaque fois que Jésus parle
de « son » Dieu, il le présente toujours comme un père maternel qui possède un cœur
rempli de ce genre d’amour : un amour qui est source de vie et qu’il veut verser
dans le cœur et dans l’existence de ses enfants, afin que ceux-ci vivent
pleinement. Et cela quoi qu’ils fassent et quoi qu’ils deviennent dans leur vie,
même s’ils se transforment en des êtres misérables.
C’est cela le sens vrai de la miséricorde. Il vient de l’expression latine miseris-cor-dare, qui veut dire donner
son cœur à ceux qui sont misérables. Car si des êtres humains sont devenus des
êtres misérables, tombés dans un état de déchéance, d’égarement et de mort
intérieure, cela a été très probablement causé par une incapacité à accueillir l’amour
qui leur avait été offert.
Jésus présente son Dieu comme un Père-Mère
dont l’amour va chercher ses enfants « misérables », perdus, blessés,
souffrants et mourants sur les chemins du monde pour leur offrir une chance de
guérisons et retour à la vie. Cela signifie que le Dieu Père-Mère de Jésus, à
différence du Dieu de la religion, ne connait pas la rancune, l’animosité, l’aversion,
l’hostilité, le ressentiment, le reproche, la colère, la condamnation et le
châtiment pour le fils qui est tombé dans la déchéance du mal, mais seulement
l’amour qui veut faire vivre et sauver
Devant le drame faiblesse et de la
fragilité (éthique, morale, humaine, psychologique, spirituelle), et donc de la
faute de ses enfants, le Dieu père de Jésus les aime encore plus intensément.
C’est un Mystère d’amour mais qui ne sait pas pardonner, parce qu’il ne sait
pas culpabiliser ; c’est un abîme d’amour qui est incapable de se sentir
offensé ou lésé par les bêtises de ses enfants lesquels, malgré, ou
plutôt, avec leurs « misères » et leurs « péchés »,
ne se séparent jamais de lui, mais ils restent toujours immergés dans les
profondeurs de son amour.
Voilà pourquoi dans les évangiles, la justice du Dieu de Jésus est complètement différente de la justice des hommes ; elle ne
prend jamais la configuration ni de la vengeance, ni de la punition pour les
fautes commises, ni de la rétribution pour les mérites. Elle est toujours
présentée comme une guérison ou une libération du mal et de la souffrance.
C’est une justice qui se manifeste toujours comme un amour qui donne la vue aux
aveugles, la parole aux muets, la vie aux morts. Il s’agit donc d’un amour
gratuit et inconditionné que le Dieu père-mère de Jésus réserve toujours à ses
enfants qu’ils soient bons ou méchants.
Cet amour,
en effet, n’est pas un sentiment vide de contenu, mais une énergie chargée de
vie, qui restaure la vie, qui ramène à la vie et qui est toujours donnée pour sauver
là où sont à l’œuvre les dynamiques de la désagrégation et de la mort.
Il est
facile de comprendre alors que l’amour du Dieu
père-mère de Jésus est un amour à fond perdu. Il ne demande et n’exige aucune
condition préalable de regret et de conversion pour nous aimer. Jésus disait
que son Dieu fait resplendir le soleil de son amour autant sur les bons que sur
les méchants. Il s’agit d’un amour qui ne dépend jamais de nos prestations, de
nos souffrances, de nos sacrifices et de nos mérites ; de sorte qu’il semblerait
devoir aimer davantage les enfants obéissants et exemplaires et moins les rebelles
et les indépendants. Il s’agit d’un Dieu maternel qui nous aime depuis toujours
et à l’amour duquel nous ne pouvons jamais nous soustraire : ni lorsque nous
sommes bons, ni lorsque nous sommes méchants. Nous sommes condamnés à être
aimés.
C’est
cela la miséricorde du Dieu de Jésus
de Nazareth ! Comme on peut le voir, elle se situe à des années lumières de la miséricorde du Dieu morose et acariâtre
de sœur et «sainte» Faustine Kowalska qui a besoin de la pathétique prière de son
chapelet pour apaiser la colère suscitée en lui par les fautes et les péchés
des hommes.[ii]
[i]
Dans les Béatitudes qui constituent un
concentré du cœur et de l’esprit de Jésus et la carta magna du comportement
chrétien, il est dit : “Bienheureux
les miséricordieux, il leur sera fait miséricorde” (Mt 5,7).Ailleurs
dans les évangiles, Jésus dit :«Soyez
miséricordieux, comme votre Père céleste est miséricordieux » (Lc 6,36) --
« Allez apprendre ce que veut dire: “ C’est la miséricorde que je
veux et non pas vos les
sacrifices” ( Os 6,6), (Mt 9,13).
[ii]
Le chapelet de la miséricorde - d’après
sainte Faustine Kowalska, Jesus lui confie :« Cette prière sert à calmer ma colère» (Petit Journal 474-475) .
Sœur Faustine affirme dans son Petit Journal : « Quand on récite ce chapelet auprès des agonisants , la colère divine s’apaise et un miséricorde insondable s’empare de son âme ( P.J 811 ) .
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire