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mercredi 2 mars 2022

 

Les deux logiques

(7e dim. ord. C – Lc. 6,27-38)

Il est difficile, face à une page d’Évangile comme celle d’aujourd’hui, de ne pas réagir émotivement. Les réactions peuvent être différentes : « C’est un texte inhumain, ses besoins sont excessifs!... Je n’ai jamais compris ces mots ! ... Ce programme n’est pas pour tout le monde ; ce qui est demandé ici, dépasse toute logique ... Jésus est un rêveur et un idéaliste ... ». Si on cherchait à mettre en pratique ce que Jésus propose ici, personne ne réussirait à se frayer un chemin dans la vie. Pour survivre, il faut lutter, se battre, être agressif, savoir se défendre… pas question de tendre l'autre joue ! Dans la vie, pour percer, pour réussir, il faut être rusé, ne pas faire confiance, être constamment sur ses gardes ; si l’on veut vaincre la concurrence, gagner la compétition, on doit être capable de courir plus vite que les autres et de frapper plus fort que les autres… Pas question de se laisser devancer, de donner gratuitement, de prêter sans intérêt ou sans s’attendre à en tirer du profit. Comment survivre à la compétition acharnée et sans pitié du marché avec une telle logique ? ».

 Il faut donc en conclure que ces directives évangéliques sont le rêve d’un idéaliste qui n’a pas les deux pieds sur terre et qu’elles sont donc sans valeur, car pratiquement inapplicables ? Doit-on dire que Jésus est un rêveur qui propose un idéal de vie utopique et irréalisable ? Je pense que pour prendre au sérieux ces normes de vie déstabilisantes et perturbatrices, nous devons garder toujours présent à l’esprit que Jésus n’a pas l’intention de parler ici des comportements et des attitudes que les hommes doivent avoir dans leur monde ou, dans leur société. Jésus veut parler ici du comportement et des attitudes que les hommes doivent adopter lorsque, abandonnant leur monde, leur mentalité, leur mode de vie humain, à la suite d'une transformation intérieure, d’une conversion, ou d’une renaissance spirituelle, ils décident de rejoindre le monde de Dieu, ce monde nouveau que Jésus appelait le «Royaume de Dieu», qu’il voulait établir sur la terre et qui a toujours été son rêve le plus cher.

 En d’autres termes, Jésus veut nous dire : « les hommes dans leur monde se comportent d’une certaine manière (ils n’aiment pas leurs ennemis, ils ne bénissent pas ceux qui les maudissent, ils n’aiment que ceux qui les aiment ; ils ne font du bien qu’à ceux de qui ils peuvent ensuite tirer un profit ou un avantage ; ils règlent leurs problèmes par la force, la violence et la vengeance, etc.), mais dans le nouveau monde que je veux laisser en héritage, les hommes agissent différemment. Ils cherchent désormais à conformer leur comportement sur celui de « mon » Dieu, qui est un Être qui agit uniquement et exclusivement motivé par sa miséricorde, sa bienveillance et son amour.

Entrer dans cette logique divine qui est à l’envers de celle des hommes signifie devenir, comme Jésus, « fils de Dieu ». À ce stade, chacun de nous est invité à « réécrire » son comportement avec les caractères de ces nouvelles « normes évangéliques ». Alors le problème n’est plus de savoir si oui ou non il est sage ou faisable d’« aimer mes ennemis », de « présenter l’autre joue, etc. », mais de décider si, en tant que chrétien et disciples de Jésus qui a adopté sa « Voie », je veux, oui ou non, vivre selon sa nouvelle logique et m’éloigner le plus possible de la vieille logique qui a fait du monde des hommes un endroit malade et pitoyable.

          Vivre et aimer de cette façon nous semble donc impossible. Nous sommes cependant encouragés et soutenus par l’exemple de Jésus. Les directives qu’il propose à ses disciples et qui nous paraissent impraticables, il les a réellement lui-même pratiquées et vécues au cours de sa vie. En effet, il a vraiment expérimenté dans sa chair ce que signifie être détesté, incompris, trahi, vendu, abandonné, battu et tué. Il a vraiment aimé ceux qui le haïssaient, il a vraiment béni ceux qui le maudissaient ; il a vraiment pardonné à ceux qui le torturaient.

Jésus parle donc en connaissance de cause. C'est pour cela que pour nous, ses disciples, ces paroles difficiles de l'Évangile ne sont ni de la folie ni de l'absurdité. En regardant Jésus, le chrétien sait que seulement à ceux et celles qui, comme Jésus, se sentent habités et désaltérés par l’« eau vive » d’une Source qui leur vient d’ailleurs, sera peut-être donnée la grâce et le pouvoir de réaliser cette extraordinaire qualité d'amour dans leur vie.

 

Bruno Mori

Février 2022

 

1 commentaire:

  1. Merci!
    Une telle qualité d'Amour ne peut nous être que donnée par la Source ou par l'Esprit Saint, comme vous le dites si bien.
    PS. Le mot eau manque à la troisième ligne avant la fin.

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