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lundi 31 décembre 2018

Noël ou le conte chrétien la «fermentation divine» de notre monde

(Noël 2018)  

Il n’est pas facile de parler de Noël et de dire quelque chose de sensé, d’acceptable et de spirituellement et personnellement nourrissant pour les gens d’aujourd’hui, en évitant les commentaires doucereux et émotifs, qui souvent frisent l’absurde et le ridicule, d’une certaine prédication traditionnelle, qui traite le conte chrétien de Noël  comme s’il s’agissait d’un reportage journalistique ou d’un fait réel. Ainsi passe-t-elle à côté de sa poésie et de sa vérité profonde; vérité qui doit être cherchée dans la richesse symbolique de contenu théologique, spirituel et humain de ce conte.

Les chrétiens instruits savent en effet que les récits des événements qui entourent la naissance de Jésus que nous trouvons dans les évangiles de Luc et de Mathieu (Marc et Jean n’en parlent pas) sont des compositions littéraires sorties de l’imagination de ces deux auteurs qui ont écrit ces contes de Noël dans la seconde moitié du premier siècle (60-70 a.c.). Le but de ces récits est non seulement d’exalter et d’enjoliver avec un encadrement poétique et merveilleux le souvenir de la naissance de Jésus de Nazareth  que les chrétiens considèrent leur Maître, leur Seigneur et leur Sauveur, mais surtout de transmettre un enseignement sur Dieu et sur le comportement de Dieu, tel que ce Dieu avait été perçu, ressenti, expérimenté et annoncé par Jésus et ensuite assimilé et professé par les premières communautés chrétiennes.

Aujourd'hui, nous pensons qu’un fait est vrai parce qu’il est vraiment arrivé. Nous identifions le vrai avec l’historique. Au temps où les évangiles ont été rédigés cependant, les gens s’en balançaient pas mal de savoir si un récit, une histoire étaient vrais ou pas. Ce qui les intéressait c’était surtout de savoir si un conte transmettait quelque chose de positif, de bien, de beau, d’inspirant, de réconfortant, qui les aiderait à mieux vivre.

Or, c’est exactement dans ce but que les récits entourant la naissance Jésus ont été rédigés. Par ces contes, les évangélistes ont voulu transmettre, d’une façon imagée et fantastique, le mystère de la proximité de Dieu et de la présence de Dieu, non seulement dans notre monde, mais aussi et surtout à l’intérieur de chaque être humain, comme Jésus l’avait enseigné.

Et voilà que Luc, écrivain chrétien qui a profondément assimilé le message de Jésus de Nazareth, raconte l’histoire d’un Dieu, là-haut au paradis, qui un beau jour décide d’intervenir pour venir en aide aux humains qui semblent incapables de vivre humainement et qui semblent perdus à cause de l’Aveuglement de leur esprit et de la méchanceté de leur cœur.

Luc dans son récit de Noël raconte alors que ce Dieu Sauveur descend dans notre monde habillé du charme, de la pureté, de la fraîcheur et de la simplicité d’un petit enfant que l’évangéliste identifie à la personne de Jésus de Nazareth. Cependant, ici chez nous, ce Dieu-homme n’est pas reconnu ni accueilli par les grands et les puissants ; par les riches et les satisfaits; par ceux qui sont installés dans le luxe de leurs palais ou de leurs châteaux, comme Érode; mais seulement par Marie et Joseph, par les bergers, par des étrangers inconnus guidés par une étoile : c’est-à-dire qu’il n’est reçu que par les gens simples et humbles, par les petits, les pauvres, les faibles , ceux qui vivent en marge de la société, ceux qui n’ont ni valeur ni importance… mais qui on plein d’amour dans leur cœur et plein de lumière dans leurs yeux.

L'annonce que Dieu s’est fait proche de nous et qu’il est devenu un des nôtres pour nous aider à être de meilleures personnes, constitue le contenu de fond, le noyau précieux, transmis par cette fable de Noël. Il constitue le contenu de la "bonne nouvelle» annoncée par le chant des anges. L’annonce de cette « bonne nouvelle » sera répercutée avec force, explicitée et réalisée par la vie et la prédication de Jésus, qui invitera tous ceux qui voudront bien l’entendre à y croire, à l’accueillir et à se laisser convertir et transformer par elle.

Jésus sera le premier homme qui, dans sa vie, fera l’expérience bouleversante de la vérité et de l’efficacité de cette « bonne nouvelle » du Dieu proche, proclamée par la légende de Noël. Jésus enseignera que ce Dieu s’est fait tellement proche qu’il est devenu ami, père, mère, amour, avec nous, pour nous, à l’intérieur de nous, esprit divin qui s’incarne dans l’épaisseur et la profondeur de notre humanité.

La bonne nouvelle de Noël consiste alors à proclamer que c’est grâce à la naissance de Jésus comme un membre à part entière de notre race; grâce au témoignage de sa vie adulte, à sa prédication, à l’Esprit qu’il nous a laissé, que maintenant nous savons que Dieu est non seulement le Mystère et l’Énergie amoureuse ultime qui crée, soutient, dirige et imprègne de ses virtualités et de sa présence l’Univers entier; mais que cette divine présence se manifeste et agit surtout et d’une façon spéciale dans chaque être humain, se déployant au service de toutes les créatures, mais surtout des créatures qui ont le plus besoin de notre amour.

La bonne nouvelle proclamée par le conte de Noël  annonce que désormais Dieu aime à travers un cœur d’homme et que l’homme n’est capable d’aimer que parce qu’il possède un cœur rempli d’un amour qui lui vient de Dieu. La Bonne Nouvelle de Noël  annonce que désormais l’amour de Dieu pour les humains ne passe qu’à travers l‘amour que nous sommes capables de nous donner les uns les autres.

En en mot, Noël  nous dit que dans l’amour que nous donnons et répandons autour de nous, nous réalisons l’incarnation de Dieu dans notre monde .

N’est-ce pas là une nouvelle extraordinaire pour nous tous qui avons dans notre cœur tant d’amour à partager ? 

 Tout ceci veut dire qu’après la naissance de Jésus, la religion ne doit plus pousser les fidèles à se préoccuper principalement de leur relation avec de Dieu, mais à cultiver et se préoccuper principalement de la qualité de leurs relations avec les autres frères humains. Cela signifie que la religion ne doit plus inciter à aimer d’abord Dieu, mais à aimer d’abord l’homme, surtout si celui-ci est en besoin d’attentions et d’amour parce qu’il est misérable, délaissé et malheureux. Cela signifie aussi que la religion ne doit plus chercher à rendre les gens plus saints, mais plus humains ; car, désormais, c’est la qualité de notre humanité qui détermine la qualité de notre « sainteté » et de notre perfectionnement spirituel.

Il s’avère, malheureusement, que ce n’est pas tout le monde qui est capable d’écouter et d’accueillir la bonne nouvelle de Noël. Pour beaucoup d’entre nous, elle peut être même une mauvaise nouvelle, indigeste et difficile à avaler. Car, si elle nous dit que Dieu s’est rapproché de nous et est entré dans notre monde, elle proclame aussi qu’il est cependant allé habiter non pas chez les forts et les puissants, mais chez les faibles; non pas chez les riches, mais chez les pauvres ; non pas chez les grands, mais chez les petits; non pas chez les importants, mais chez les insignifiants; non pas chez ceux qui aiment être honorés, reconnu s, idolâtrés, vénérés et encensés comme des dieux , mais avec ceux qui sont dépréciés, méprisés, persécutés, exclus, sans importance sans statut …

Ces choix et ces préférences du Dieu « chrétien », manifestés par Jésus et qu’il a incarné dans sa vie, ne plaisent pas à tout le monde. Elles déçoivent un grand nombre d’humains ; elles laissent beaucoup d’entre nous avec un goût amer dans la bouche. Car avouons-le, nous aimons ce qui est grand, important, solennel, ce qui attire l’attention ; nous aimons tous être spéciaux, différents, exceptionnels, célèbres, reconnus, admirés, applaudis, avoir de l’influence, du prestige et du pouvoir…

Mais qu’en est-il de ce qui est tout simplement humain, de ce qui est commun au petit peuple de la rue; aux gens du métro, du bingo, du stade, du chantier, du supermarché, du BS? Car c’est précisément dans ce qui est commun à tout ce petit monde de gens simples et ordinaires, que nous trouvons souvent les valeurs humaines dont nous avons le plus besoin parce qu’elles sont celles qui nous humanisent davantage (simplicité, sensibilité, empathie compassion, pauvreté, détachement, entraide, partage, disponibilité…).

            Dans notre société moderne, nous sommes éduqués, formés, diplômés, certifiés, brevetés, programmés pour être importants et réussis, et non pas pour être tout simplement humains. Or, c’est la bonne qualité de notre humanité qui constitue le mètre sur lequel est mesuré l’authenticité de notre condition chrétienne, ainsi que la réussite réelle de notre existence.

Dans les évangiles de l’enfance, l’image de l’enfant divin de crèche n’a pas seulement la valeur d’un souvenir historique de ce que le petit Jésus a été les premiers jours de sa vie, mais elle a aussi et principalement une éminente valeur emblématique. Elle est la parabole, le symbole et la représentation de l’enfant que chaque être humain est appelé à devenir, pour être le lieu de la présence, de la manifestation, de l’action et de l’incarnation de Dieu dans notre monde. Dieu est là, Dieu est présent, Dieu agit, Dieu se manifeste là où des êtres humains assument les attitudes, la posture morale et la configuration spirituelle de l’enfant. Dieu est là où des personnes sont capables, comme le souhaitait Jésus, de naître à nouveau avec un esprit, une âme et un cœur d’enfant; « À moins de naître à nouveau, personne ne peut rentrer dans le monde de Dieu … » (Jn. 3, 3-4) .

Cela vaut la peine de faire un effort ces temps-ci et de consacrer du temps à ce qui devrait vraiment nous intéresser : être un peu plus humain aujourd'hui qu'hier, mais moins que demain.

Bruno Mori - 12 décembre 2018

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