L’AMOUR
QUI NOUS HABITE
(Première lettre de saint Paul Apôtre aux Corinthiens, 12, 31-13,13)
Paul écrivait cette première
lettre aux chrétiens de Corinthe en l’année 56, lorsqu’il se trouvait à Éphèse
dans l’actuelle Turquie.
À travers l’envolée lyrique de
cette hymne à l’amour, qui est sans aucun doute une des plus belles pages du NT
et même de la littérature mondiale, Paul
cherche à décrire comment la façon divine d’aimer doit se manifester dans notre
vie et dans la vie du monde.
Cette hymne à l’amour
constitue la conclusion d’une longue réflexion sur les qualités, les dispositions, les capacités de chacun à
l’intérieur de ce corps que les baptisés forment en tant que membres d’une même
communauté de foi. Or, pour la construction de la communauté chrétienne,
explique Paul, l’Esprit de Dieu gratifie chacun de dons et de charismes
spécifiques: du don des langues à celui de prophétie; des dons de science et de la
connaissance, et jusqu’à une foi à transporter les montagnes. Mais il y a un
don qui dépasse tous les autres et sans lequel tous les autres talents et toutes les autres aptitudes ne sont absolument rien: c’est
l’amour. S’il me manque l’amour, je ne suis qu’un cuivre qui résonne, un bruit
fatigant, du vent, je suis creux,
je suis vide, je ne suis rien. Même ce qui paraît être le signe le plus
manifeste de l’amour, comme distribuer toute ma fortune, me faire brûler vif, s’il me manque l’amour, ce n’est que besoin de me faire valoir, superbe mépris
ou haute performance; alors cela ne me sert à rien.
Dans
une autre lettre, Paul affirmait: «L'amour
de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l'Esprit Saint
qui nous a été donné » (Rom. 5, 5). Cela veut dire que l'amour même de Dieu est
en nous. Voilà ce qui est toute une bonne nouvelle, si nous voulons bien
l'entendre! Ici, pour l’édification et le ravissement de sa communauté de
Corinthe, Paul chante les caractéristiques de cet amour de Dieu versé en nous grâce
à l’Esprit de Jésus qui nous habite.
Pour qualifier cet amour de Dieu en nous
et pour le distinguer des autres formes humaines d’amour, Paul utilise le mot grecque «agapé» (traduit traditionnellement par «charité»). Le
grec, qui est une langue plus précise que le français, a des mots différents
pour exprimer les différentes nuances de l’amour. Ainsi «éros» c’est l’amour charnel-passion,
l’amour de la sexualité, du plaisir et de reproduction; «philé» c’est l’amour de l’amitié, l’amour
d’attraction, l’amour d’élection, l’amour émotif, l’amour que l’on ressent
comme un sentiment fort et agréable, sans avoir nécessairement une
connotation sexuelle; «storgé» c’est l’affection naturelle qui
unit les membres d’une même famille, d’un même clan, d’un même milieu social,
il indique plus spécifiquement l’amour de la mère-poule pour ses poussins. L’agapé,
par contre, c’est l’amour de Dieu en nous qui transfigure à son image notre
capacité d’amour et qui révèle au monde une nouvelle façon d’aimer et
qui est la façon divine d’aimer.
Voilà ce que cet amour-agapè
vous rend capables de faire, dit Paul au Corinthiens! Les quinze comportements
que Paul énumère dans son inventaire, loin d'être des utopies, constituent des attitudes
humaines étonnantes que la présence de l’amour de Dieu
nous rend capables de réaliser dans notre existence. Cet amour-agapé soulève notre existence à un niveau supérieur;
lui donne, pour ainsi dire, une qualité divine, car il nous permet d’aimer et
donc d’agir et de réagir à la façon de Dieu et selon le style de Dieu. Cet amour
permet à ceux qui aiment d’acquérir, pour ainsi dire, l’art de vivre de Dieu
et d'atteindre des sommets de don, de
pardon, d'oubli de soi, de gratuité, de détachement, d’indulgence, de
miséricorde, de douceur, de joie… que leur vie devient un lieu privilégié de la
présence de Dieu en ce monde.
Paul
insiste que c'est l'amour et lui seul qui fera de nous des adultes et des
personnes pleinement accomplies: « Quand viendra l'achèvement, ce qui est
partiel disparaîtra. Quand j'étais un enfant, je parlais comme un enfant, je
pensais comme un enfant, je raisonnais comme un enfant. Maintenant que je suis
un homme, j'ai fait disparaître ce qui faisait de moi un enfant.». Lorsque j’étais enfant je ne faisais que recevoir de l’amour,
mais maintenant que je suis adulte dans le Seigneur et que je possède son cœur
et son Esprit, je ne puis qu’en donner, comme Dieu.». On peut en déduire que toutes les autres
qualités, le courage, la générosité, même la foi et l’espérance, la science les
pratiques religieuses, le don de faire des miracles et des guérisons, le don
des langues ou de prophétie, ne sont que des enfantillages, destinés à disparaître au regard de la seule valeur
qui compte, l'amour.
Cet
amour de Dieu qui transfigure notre vie est finalement la seule réalité et la seule valeur qui compte
et qui dure. C’est dans cette amour et par cet amour que notre vie s’accomplit et
qu’elle acquiert sens, profondeur, solidité et la permanence et la pérennité qui lui permettront de vaincre
sa caducité et sa précarité foncières et de continuer même au delà de la mort.
Cet amour est en effet plus fort que la
mort, car ayant été semé en nous par Dieu, il ne peut qu’éclore, s’épanouir et
porter tous ses fruits lorsque nous serons exposés pour toujours au soleil
de sa présence. «Cet amour ne passera
jamais».
MB
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