EN FINIR AVEC LE MONDE QUI
NOUS HABITE
(1er dim.
Avent, C – Lc 21,25-28.34-36 – 2021)
En tant que chrétiens, nous
sommes aujourd’hui invités à assumer l’attitude de celui qui attend et qui
espère que quelque chose de surprenant, de diffèrent et de nouveau, de meilleur
se produise en nous et dans notre monde. C’est un fait que nous vivons constamment
dans l’attente et l’espoir de « temps meilleurs », d’une meilleure
situation, d’une meilleure vie …. et cela depuis la nuit des temps .
En effet, depuis qu’homo
sapiens a fait son apparition sur cette terre, il ne se contente jamais de
son état. Il est essentiellement un être
insatisfait et donc un être de désir et avec des attentes immenses. Et c’est à cause
de cela qu’il a fait l’histoire ; qu’il a transformé la Nature et qu’il a fini
par altérer, saccager, détruire empoisonner son milieu de vie et par créer
toutes les conditions pour déclencher la fin du monde qu’il habite.
C’est pour cette raison
que l’humain est passé à l’histoire non seulement comme la créature la plus intelligente,
la plus imaginative et la plus inventive, mais aussi comme la plus avide, la
plus rapace, la plus insensée et la plus stupide. C’est
également pour cette raison que chez presque toutes les grandes religions du
monde l’homme a acquis la renommée d’un être fondamentalement mauvais, méchant,
égoïste, destructeur, en un mot, « pécheur » .
C’est cette caractéristique
de l’homme à être toujours insatisfait et à désirer toujours davantage qui est
à l’origine autant des promesses et des attentes messianiques anciennes, que
des mythes modernes de progrès continuel, de production, de consommation, de
croissance et de développement sans limites, mythes qui, malheureusement,
portent tous l’empreinte et la souillure du « péché » de l’homme.
Ainsi, par exemple,
dans l’histoire ancienne, les juifs ont attendu un Messie libérateur pendant
dix-huit siècles. Et lorsque beaucoup d’entre crurent qu’il était arrivé dans
la personne de Jésus de Nazareth, leurs chefs furent incapables de le
reconnaitre et de l’accepter. Au contraire, ils l’éliminèrent parce qu’il ne
leur apportait pas le gendre de libération et de salut qu’ils espéraient. Si la
venue du Messie fut insuffisante pour
les juifs, elle le fut également pour les premiers chrétiens, qui continuèrent à
attendre sa « deuxième venue » .
Nous aussi aujourd’hui,
en ce XXI siècle, nous continuos encore et toujours à attendre et à espérer la
fin d’un monde malade, misérable et mauvais et la venue d’un autre monde plus
sain, plus juste et plus beau, qui offrira à chacun la possibilité de se
réaliser selon ses aspirations et de trouver enfin son bonheur. Cependant, aveuglés
et hébétés par l’angoisse du pouvoir et de l’avoir, voilà que les humains font tout
pour l’empirer et l’abimer encore davantage.
Le texte de l’évangile
de ce dimanche, à travers son langage apocalyptique, cherche à nous faire comprendre
que ce ne n’est tellement la fin d’une société injuste et souvent inhumaine et d’une
terre malade, abimée et ravagée par la convoitise humaine que nous devons
attendre, mais plutôt la fin du monde minable et égoïste que nous avons bâti à l’intérieur de
nous par nos attitudes prédatrices et parasitaires.
L’évangile veut alors nous atteler à un travail autant de déconstruction
intérieure de nos priorités, de nos convictions, de nos appétits, que de conversion
et de changement de notre esprit et de notre cœur, en mettant un terme en nous à
tout ce monde de fausses valeurs, de névroses, de frénésies et d’attachements
néfastes dont nous l’avons encombré.
Je pense que l’évangile ( qui est et qui reste toujours un messager d’ espérance et une bonne
nouvelle de salut et jamais une
annonce de catastrophes porteuses de mort et de fin de mondes), par ce texte, cherche à nous dire que c’est
une erreur et une illusion que de croire
ou que d’attendre la venue d’un nouveau monde et d’une nouvelle humanité à tout
jamais transformés et sauvés par une intervention fulgurante de Dieu
et de son Messie, tant et aussi longtemps que l’homme continuera à habiter son vieux monde intérieur corrompu
par le mal et le « péché ».
L’évangéliste Luc, par ce
texte, nous dit alors que c’est à l’intérieur de l’homme, dans son esprit et
dans les profondeurs de son cœur que doit se produire la fin d’un monde et le
début d’un monde nouveau. Il nous rappelle que c’est surtout en intériorisant
et en pratiquant les valeurs que Jésus a laissées en héritage à l’humanité, que
de celle-ci pourra en surgir une autre, capable de bâtir une nouvelle terre et des
nouveaux cieux.
Je suis alors d’avis que parler aujourd'hui d’apocalypses et
de fins de monde n'a pas trop de sens. Comme n’a pas de sens de croire à une future
« venue du Christ dans les nuées ». L'important n'est pas qu'il soit venu, ni
qu'il viendra, mais qu'il vienne maintenant dans la vie et dans le cœur de
chaque personne. L'Avent ne nous invite pas à regarder au loin (passé et avenir),
mais à regarder proche, à regarder maintenant à l'intérieur de nous, afin
de prendre conscience des valeurs qui nous habitent et de nous faire une idée de
quel genre de nouvelle société et de nouveau monde nous voulons être capables
de construire demain.
BM
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