Un espoir plus fort que la mort
(33e dim. ord. B – Marc 13,24-32- 2021)
La seconda
moitié du premier siècle, lorsque l’évangéliste Marc écrivait son évangile, fut
en Occident une période historique particulièrement difficile et éprouvée. En l’année 70, la
nation juive avait été anéantie par la destruction de la ville emblème et
sainte de Jérusalem. En l’année 79, le Sud de l’Italie avait été bouleversé par
l’apocalyptique éruption volcanique du Vésuve, qui avait littéralement enseveli,
sous une pluie de feu et de cendres, les villes de Pompéi et Herculanum avec la
presque totalité de leurs habitants. Au Nord de l’Europe, l’Empire Romain devait
faire face aux attaques et aux invasions constantes des peuples « barbares »,
attirés par les terres fertiles et les climats tempérés des régions de la Méditerranée.
De leur côté, les chrétiens subissaient
les féroces persécutions de Néron et de Domitien et vivaient exposés à
l’insécurité, à la menace, à la haine des païens
au péril de leur vie. Ils avaient donc
l’impression d’assister déjà aux préludes de la fin imminente du monde annoncée
par Jésus.
La foi et la confiance des
chrétiens de cette époque étaient donc mises à dure épreuve. Ceux-ci se demandaient, en effet, pourquoi ils étaient
aussi détestés, aussi persécutés, aussi abandonnés par Dieu, alors que Jésus
leur avait dit qu’ils étaient le sel de la terre, la lumière du monde; qu’ils
leur avait promis qu’il ne les laisserait
pas orphelins et qu’il serait avec eux jusqu’à la fin des temps; que
providence, la tendresse et l’amour de Dieu, son père et leur père les aurait
toujours suivis, protégés et sauvés et que même pas un cheveux de leur tête ne serait tombé sans que Dieu le
veuille.
Ce discours confus, décousu et nébuleux
sur la fin du monde que Marc attribue à Jésus voudrait être une réponse à ces
questions. Il voudrait exhorter les chrétiens de son temps à ne pas avoir peur.
Il souhaiterait les encourager à ne pas perdre confiance et à garder la foi et
l’espérance. En même temps cependant, par ces images apocalyptiques et ces
descriptions d’un univers qui s’écroule et qui finit, Marc veut les rendre
conscients que dans la vie, ils seront toujours confrontés à des fins et à des
recommencements ; à des cataclysmes réels ou apparents ; à la lutte du mal
contre le bien et du bien contre le mal. Cette lutte et ces contradictions, ils
les verront à l’œuvre partout : dans leur chair, au sein de leurs familles,
dans la société où ils sont insérés, dans les événements et les situations de
leur époque. Ainsi auront-ils souvent l’impression que le mal est plus répandu
que le bien, que la méchanceté l’emporte sur la bonté, la haine sur l’amour,
les ténèbres sur la lumière et que l’on vit dans un monde déserté par Dieu et
en proie au pouvoir du Mal.
Ce texte de Marc cependant nous
rassure qu’il n’en est pas ainsi ! Malgré ce que l’on peut penser ou croire,
c’est Dieu qui est le plus fort. Malgré toutes les apparences contraires, les
forces de l’amour, de la bonté dépassent grandement celles de la haine, de
l’égoïsme et de la méchanceté. Ce sont ces énergies bénéfiques et créatrices
qui soutiennent notre Univers et qui, si elles sont cultivées, continueront à
faire vivre et faire progresser notre humanité.
L’Évangile veut aussi nous faire
comprendre que dans notre existence les fins et les commencements s’alternent
régulièrement. Rien dans notre vie n’est stable, fixe, définitif. Au contraire, nous ne vivons que parce que
nous devenons, que parce que nous changeons. Nous nous réalisons que parce que
nous nous transformons. C’est le changement qui permet à nous et à la réalité
de notre Univers de continuer à exister dans un mouvement d’évolution continuelle.
C’est toujours la fin de quelque chose qui devient le début d’une chose
nouvelle.
L’Évangile, qui est avant tout
une école de vie, nous enseigne donc que pour devenir des hommes et des femmes
de valeur, nous devons accepter de mourir continuellement à quelque chose. Que
de pertes nous devons subir et endurer au cours de notre existence ! Nous
perdons inévitablement la jeunesse, la beauté, la souplesse, la force, la
santé, la vivacité de l’esprit, la mémoire, souvent nous perdons l’innocence,
la paix intérieure, nos promesses, nos affections, nos amours, la présence des
êtres chers…et, finalement et inexorablement, nous perdons notre vie .
Faudra-t-il angoisser,
désespérer, broyer du noir à cause de cela ? Jamais de la vie, nous dit l’évangile d'aujourd’hui ! Tout cela, au contraire,
fait partie du mystère de l’être en ce monde, ainsi que du plan et du Mystère de
Dieu.
Mystère de Dieu, que nous croyons,
malgré tout, être un mystère d’amour qui cherche toujours à nous accomplir. Et cela
à travers notre fragilité foncière, à travers les vicissitudes d’une existence
inexorablement emportée par le courant du temps vers des ports inconnus mais
que nous espérons être pour nous des
havres de paix et de bonheur.
Tel, au moins, est l’espoir que ce discours de
Jesus semble vouloir semer dans notre esprit et dans notre cœur.
Bruno Mori - Montréal le 11 novembre 20210
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire