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mardi 30 octobre 2018

L'aveugle de Jéricho

 (30e dim ord. B –Mc. 10, 46-52 )


Cette anecdote dans la vie de Jésus a une évidente valeur symbolique. L’évangéliste Marc la raconte pour les chrétiens de son temps, dans un but éminemment catéchétique.

            Dans l’évangile, l’aveugle est indiqué comme « Bar-Timée », le fis de Timée. Or, en grec, le verbe « timao » a le sens autant d’ « honorer » que d’« avoir peur ».

            Cet homme serait alors le fils des honneurs c’est-à-dire celui qui veut être honoré, reconnu, qui cherche notoriété, gloire, succès. Dans ce même évangile de Marc, quelques paragraphes plus hauts, les disciples avaient demandé à Jésus de leur réserver une place d’honneur à sa droite et à sa gauche lorsqu’il aurait inauguré son royaume. Le texte que nous venons de lire semble donc vouloir enseigner aux disciple que de vouloir vivre en fonction des honneurs, de la première place, de la célébrité, de l’acceptation, de l‘approbation des autres, risque de nous aveugler; risque de nous faire vivre sans savoir qui l’on est vraiment. L’évangile nous dit ici que notre valeur nous la portons en nous; qu’elle est constituée par ce que nous sommes et qu’elle n’est pas donnée par ce que les autres pensent de nous ou par les honneurs ou l’adulation qu’ils nous réservent.

            Bar-Timée signifie aussi « fils de la peur ». Si tu te laisses dominer par la peur, alors tu ne vis plus; c’est la fin de tout. Si tu as peur d’être rejeté du groupe, alors tu t’isoles, tu te coupes, tu te renfermes. Si tu as peur de regretter une décision, de te tromper, de ne pas réussir, tu n’entreprendras rien. Si tu as peur de ne pas plaire, alors tu chercheras à plaire à tout le monde ; mais en faisant cela, tu ne feras jamais ce que tu aimes; tu ne seras jamais toi-même ; tu ne suivras jamais ton chemin ; tu né réaliseras jamais tes aspirations véritables. Tu ne vivras pas selon la vérité de ton être. Tu apparaîtras toujours comme la personne que tu n’es pas. Si tu as peur de changer, d‘essayer, de te lancer, de risquer, d’aller à contre-courant, d’être critiqué… tu ne bougeras jamais, tu resteras toujours assis et bloqué au bord de la route, toujours le même, toujours insatisfait, mécontent, frustré, grognon, parce que tu ne réussis pas à réaliser tes rêves, tes projets, les aspirations de ton cœur.

Il faudra que cet aveugle fasse la rencontre de Jésus pour que celui-ci lui révèle le secret de sa totale liberté. Jésus apprend à cet homme aveuglé la seule attitude intérieure qui pourra lui permettre de voir clair dans le fatras de ses dépendances et de découvrir sa valeur fondamentale et la vérité de son être: la confiance. Confiance en Dieu et confiance en lui-même. « Confiance, lève-toi !... » - lui dit Jésus - « la confiance te mettra debout, te rendra indépendant, te redonnera ton identité. »

Cet homme ne trouvera la vue et la véritable intelligence de sa valeur que lorsqu’il abandonnera sa préoccupation maladive de « bien paraître » et de donner une bonne image de soi-même, symbolisée ici par son manteau, et qu’il commencera à croire en ses possibilités et à avoir confiance en lui-même et dans les trésors de possibilités que Dieu a placé en lui. Alors, ce moquant de l’opinion et des reproches des autres (pour qu’il rentre dans les rangs et retrouve sa place de soumis qu’il a toujours occupé au bord du chemin), se débarrassant de son manteau, il se dressera d’un bond et il se lancera, enfin libre et indépendant, vers Jésus qui l’avait appelé et invité à se mettre débout.

On pourrait creuser ces paroles de Jésus et expliciter davantage leur sens profond de la sorte : « Avant tout, aie confiance en Dieu qui t’aime le premier, sans conditions ; qui te veux et t’accepte parce que tu es, comme tu es, tel que tu es, sans manteau, sans apparences, sans besoin de t’angoisser pour bien paraître. Sois donc toi-même; tu es unique, tu es différent, tu es très bien ainsi. Ne laisse personne te dire quoi penser, quoi faire; ne laisse personne dicter ton chemin, t’imposer ses idées, ses vérités, ses options, ses goûts. Tu as le droit de contester, de critiquer, de t’opposer. Tu as le droit d’être différent. Tu as le droit de mener ta vie comme tu l’entends, car, en t’introduisant dans ce monde, Dieu t’a assigné un destin unique ; il t’a confié une tâche exclusive et il n’y a que toi qui puisses la réaliser. »

« Alors, lève la tête, marche droit, sois fier de toi, de ce que tu es, de ton existence, de ta condition. Accepte-toi avec tes ombres et tes lumières, avec tes qualités et tes défauts, avec ta misère et ta grandeur. Dieu sait que tu es un être humain et que donc tu es faible, fragile, limité, défectueux ; il sait que tu peux te tromper, faire le mal, souffrir et faire souffrir… qu’importe ! C’est comme cela que tu es. C’est comme cela que Dieu t’a voulu. C’est comme ça que Dieu t’accepte. C’est comme cela que Dieu t’aime! Alors, plus de ventre à terre ; ne rampe jamais devant les autres; n’accepte jamais que les autres te rabaissent ou t’écrasent. Tu as de la grandeur ; tu as de la dignité ; tu es aimé de Dieu; tu es son enfant! Fais confiance aux trésors de ressources que l’amour de Dieu a déposé dans les profondeurs de ton être…»

Ce récit évangélique veut nous faire comprendre qu’il y un espoir pour tous les mendiants, les aveuglés, les découragés, les éprouvés de la vie, dans la mesure où ils ne se résignent pas à leur malheur et où ils sont disposés à assumer les coûts reliés à l’exercice de leur liberté. Ce récit veut dire à chacun de nous que tant que nous ne serons pas capables d’abandonner notre vie entre les mains de Dieu dans un acte de totale confiance, nous ne pourrons jamais nous croire assez bons, assez valables pour envisager une vie vécue dans la liberté, la sérénité et la paix qui nous permettra de marcher dans la confiance et la joie vers l’accomplissement de notre destin.


Bruno Mori

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