(Mario De Oliveira)
Ce texte est un extrait
du livre du même titre qui a été publié au Portugal en avril 1999 par Editora
Campo das Letras (campo.letras@mail.telepac.pt) et a obtenu 8 éditions en 12
mois. Ses argumentations sont mieux comprises à partir de la lecture complète
de son travail. Le livre peut être demandé à: Jornal Fraternizar
(fraternizar@mail.telepac.pt)
Dieux contre Dieu
À
Fatima, comme dans n’importe quel autre sanctuaire ou lieu de pèlerinage, il ne
suffit pas d'invoquer Dieu, pour conclure que nous assistons à une
manifestation de foi, ou, au moins, de foi chrétienne. Tout au plus, il s’agit d’une
manifestation religieuse, ce qui n'est pas la même chose. En fait, le
christianisme, à ses débuts, n'a même pas voulu apparaître comme une religion.
Les textes fondateurs du Nouveau Testament ne parlent pas d'une nouvelle
religion, mais d'une « voie » ou d’un « chemin ». Voie ou chemin qui doivent
nous conduire non pas tellement à Dieu, mais plutôt à la rencontre de l'autre,
des autres, de ceux et celles qui ne sont pas de notre propre "chair et
sang", et même à la rencontre de ceux que nous considérons comme nos
ennemis, afin qu’entre nous et eux, entre nous tous, s’établisse
progressivement une relation de fraternité. En effet, c’est uniquement quand
cette relation de fraternité devient une réalité, que Dieu est vraiment adoré
et honoré et que la foi chrétienne se transforme en un véritable événement. «Ce
ne sont pas ceux qui disent "Seigneur, Seigneur" qui entreront dans
le Royaume des Cieux, mais ceux qui font la volonté de mon Père qui est aux cieux»
(Mt 7.21). L'évangile est à cette condition. Il n'admet pas de fuites qui
peuvent apparaître comme très religieuses, mais qui sont aussi très aliénantes,
très déshumanisantes et très peu fraternelles.
Dans le cas de Fatima,
comme dans tout autre sanctuaire ou temple, il faut s’interroger avec humilité,
mais aussi avec lucidité et détermination, si, dans ce lieu, c'est bien Dieu
que l’on prie et que l’on adore et quel genre de Dieu est celui qui attire et
convoque ici les foules. Parce que, contrairement à ce que souvent on pense, il
n’y a pas qu’un seul Dieu. Il y a toujours eu ou cours des âges beaucoup de
dieux. Et il a toujours été très difficile de discerner, parmi tant de dieux,
celui qui est le vrai ; celui qui progressivement nous humanise et nous fraternise
; celui qui est vraiment «bonne nouvelle» pour les humains. Aujourd’hui il
semble que cette difficulté soit encore plus grande que par le passé ; car les
dieux sont encore plus nombreux et chaque fois ils semblent plus attrayants et plus
séduisants.
Nous savons que Caïn,
par exemple, à l'aube de l'humanité et selon le mythe biblique de la Genèse (4,
1-16) - et la première lettre de Jean le rappelle à l'aube du christianisme –
invoquait aussi Dieu, accomplissait tous les rites religieux, pratiquait
régulièrement la liturgie de son temps. Mais tout cela ne l'a pas empêché, avec
le plus grand calme et en toute tranquillité de conscience, de tuer son frère
Abel. Le Dieu qu’il invoquait et adorait et à qui il offrait généreusement les
prémices de ses récoltes, n'était pas incompatible avec l'acte fratricide. Au contraire,
il semblerait que ce Dieu l’ aurait lui-même suggéré et inspiré à un moment
donné du culte.
Ce récit biblique n'a
pas été écrit pour nous entretenir, mais pour nous construire ; pour que nous
puissions nous maintenir en état d’alerte et pour nous aider à discerner. Ce
conte veut nous révéler qu'il ne suffit pas d'admettre l'existence de Dieu,
d'être déiste, d'être religieux, d'assister à des actes de culte et dans des
lieux considérés comme sacrés, pour être automatiquement des hommes et des
femmes de bonne qualité, humanisés, fraternels, en un mot, chrétiens. Nous
pouvons faire tout cela et plus encore, comme contribuer avec des généreuses
offrandes à la construction de temples et de sanctuaires ; faire des vœux et
des promesses difficiles et pénibles et les accomplir scrupuleusement ; avoir
même une bonne relation avec les prêtres et les représentants des nombreuses
religions qui existent dans nos sociétés et, en même temps, nourrir des
sentiments de haine et de vengeance, de jalousie et de mort contre l'autre et
contre les autres. Et ce qui est encore pire, nous pouvons même passer des
sentiments à l’action et tuer l'autre, les « ennemis », ceux qui ne pensent pas
comme nous, ceux qui ne sont pas de notre religion, qui n'acceptent pas de « jouer
notre jeu "... Et tout cela, sans aucun remord de conscience ; au
contraire, avec le sentiment du devoir accompli, avec la sereine conviction de
celui qui pense que c'est comme ça qu’il est vraiment une personne religieuse
et qu’il plait à Dieu (voir croisades, guerres de religions, Inquisition
chrétienne, terrorisme djihadiste ,
etc.).
Écrire et dire ces
choses peut, sans doute, choquer beaucoup de gens, croyants en Dieu ou athées.
Mais cela ne devrait pas déranger les chrétiens et leurs églises respectives.
Le christianisme, depuis ses débuts, n'a jamais voulu être une religion de plus
parmi les nombreuses religions déjà existantes dans l'empire romain, mais une
voie, un chemin conduisant, comme on l’a dit plus haut, à la rencontre de
l’autre, des autres, même de ceux qu'une certaine éducation civique et religieuse
définissaient comme ennemis. Le Christianisme est né non pas comme une
religion, mais comme un mouvement spirituel de fraternité et de communion
universelle entre tous les humains. Le christianisme est né comme révélation et
annonce radical d’humanisation, de liberté et de fraternité pour tous les
hommes et les femmes de la terre.
Jésus de Nazareth,
suite à la foi des disciples en sa résurrection, fut reconnu et proclamé par
les premiers adhérents à son mouvement spirituel, comme le Messie et l’Envoyé
(le Christ) de Dieu. Toutefois, jusqu'à sa résurrection, il avait été le plus
détesté des hommes; condamné à mort comme blasphémateur et subversif, il fut
exécuté sur une croix. Or, il est symptomatique de remarquer que ceux qui furent
derrière ce grand crime ; ceux qui ont voulu, planifié, orchestré et perpétré
l’élimination de Jésus, ont été des hommes religieux, profondément croyants en
Dieu, placés à la tête d’une des institutions religieuses les plus prestigieuses
et les plus sacrées de cette époque.
Et lorsque les princes des prêtres et le Sanhédrin,
avec les théologiens du Temple, prirent la décision d’éliminer définitivement
le Prophète de Nazareth, ils firent cela avec la ferme conviction de rendre
gloire à Dieu, ce Dieu qu’ils adoraient et vénéraient par des liturgies
somptueuses dans le Temple grandiose de Jérusalem. C’est donc avec une pleine
assurance dans leur totale justice devant Dieu et avec la plus grande
tranquillité de conscience, qu’après un crime si horrible, ils purent
continuer, comme si de rien n’était, à fréquenter le Temple et à promouvoir le
culte en l'honneur de leur Dieu.
Mais qu'est-il arrivé à
Jésus de Nazareth, appelé le Christ ? Lui et sa cause se sont transformés, au
moins pour les chrétiens et les chrétiennes qui l’ont suivi et pour leurs
églises, en l'événement le plus révélateur de l'histoire, en une lumière qui
illumine tous les humains de ce monde. Jésus est devenu, pour ces croyants, le
nouveau et définitif big-bang de la création de l'humanité et d’un monde
nouveau. En Lui a commencé ce qui est nouveau et définitif. En Lui et avec Lui
l'humanité est née à nouveau, définitivement fraternelle et solidaire.
Nous savons, de ce que
Jésus nous a appris et, d’une manière définitive, depuis que son Dieu et Père
l’a ressuscité d’entre les morts, qu'en fait Dieu n'a jamais été une réalité
univoque. Il y a beaucoup de dieux. Il y a Dieu et il y a les dieux. Et il y a
une lutte des dieux contre Dieu. Il y a des dieux qui sont extrêmement
dangereux, tueurs, despotes et oppresseurs, genre de monstres sanguinaires qui,
pour se sentir en forme, ont besoin de boire et de répandre le sang de victimes
innocentes. Des dieux sadiques donc, qui dévorent leurs adorateurs, en les
asservissant et en les dégradant. En un mot, il y a des dieux qui déshumanisent
et qui arrivent même à tuer, parfois physiquement, très souvent
psychologiquement et spirituellement, leurs adorateurs. On dirait que ces dieux
cherchent à transformer à leur image ceux et celles qui les invoquent, lesquels
sont habituellement des gens très religieux, comme Caïn, mais qui, souvent,
deviennent aussi meurtriers que lui.
Et il y a ensuite le
Dieu des victimes, lui-même victime de tous les dieux puissants et meurtriers ;
le Dieu qui a ressuscité Jésus d’entre les morts. C'est le Dieu de Jésus et le
Dieu des hommes et des femmes qui continuent sa cause (chrétiens, chrétiens et
tous les gens de bonne volonté). C’est le Dieu vivant, qui vit et qui fait
vivre. C’est le Dieu qui ne veut pas d’autre culte que celui de la promotion de
la vie et de la vie en abondance pour tous. C’est le Dieu qui non seulement ne
veut pas de victimes et ne produit pas des victimes, mais qui est toujours à
l’œuvre pour leur épargner la souffrance et les descendre de la croix. C’est le
Dieu qui se manifeste dans le regard égaré et le corps souffrant des victimes
de l’histoire, par lesquelles il interpelle les violents et les puissants de ce
monde, en leur posant la question la plus inquiétante et la plus défiante qui
soit, la même qu’il avait autrefois posés à Caïn :« Où est ton frère,
qu'est-ce que tu as fait de ton frère ?». Ou cette mise à jour de la même
question : « Pourquoi me persécutes-tu? » (Actes 9: 4).
Du
dieu de Fatima, libère-nous, Seigneur !
A Fatima nous avons
trois enfants : Jacinta et Francisco, fauchées pas la fièvre espagnole
avant l’âge de onze ans et Lucia, une fillette qui survit, mais qui est enlevée
à sa famille et à son village et que l’on a empêché de vivre la vie normale des jeunes filles de son âge. Après avoir été ballotée d’un
couvent à un autre pendant plusieurs années, en 1945 Lucia aboutira au monastère
des Carmélites de Coimbra, où elle restera comme religieuse cloitrée jusqu’à sa
mort survenue en 2005, à l’âge de 97 ans. Voilà le principal et triste bilan
des protagonistes des événements appelés les «apparitions de Fatima». Probablement,
personne dans l'Église catholique n'a jamais osé regarder ces apparitions sous
cet angle de vue.
Que personne ne pense
que nous écrivons ceci pour rejoindre les rangs des soi-disant
"ennemis" de Fatima. Ce qui nous pousse à écrire, c’est la fidélité
au message de l'Évangile et au Dieu de Jésus de Nazareth, que sa mère Marie,
mieux que quiconque, chantait comme le libérateur et le sauveur de l'humanité
et, en particulier, des pauvres et des exclus de ce monde.
Notre lecture du livre le plus important sur
les apparitions de Fatima, les Mémoires de Sœur Lucie, nous oblige
à le faire. Car le Dieu qui est proclamé et présenté dans cet ouvrage[1]
n’a absolument rien à voir avec le Dieu révélé par Jésus de Nazareth. Dans ce
livre on a plutôt à faire avec une divinité cruelle, insensible, sanguinaire,
un Moloch, sorti de l’imagination maladive d’enfants terrorisés et abimés par
une fausse éducation chrétienne, qui n’aime pas les humains; qui prend plaisir
à la souffrance des innocents; qui a inventé l’enfer pour châtier et torturer éternellement
ceux qui ne vont pas à la messe le dimanche, ou qui disent des gros mots, un
Dieu qui est donc pire que les pires psychopathes qu’il a pu créer.
J’inviterais ici les
pieux lecteurs catholiques qui seraient portés à être choqués par les propos
exprimés dans cet article ,à prendre la peine et le temps de lire les Mémoires de Sœur Lucie, disponibles aussi sur internet[2]. Parce
que, s'ils le font, et qu’ils lisent ce livre à la lumière de l'Évangile de
Jésus de Nazareth, ils finiront probablement par prier ensemble avec moi : «Du dieu de Fatima, libère-nous, Seigneur !»
Élevés
dans la terreur
Le livre de Lucia nous
fait reculer dans le temps et nous plonge dans l’atmosphère religieuse et
ecclésiastique dans lequel ont vécu les enfants de Fatima, aux alentours de
1917. C’était le temps de la première guerre mondiale. Cependant, la peur que
l’on respirait, surtout dans les milieux populaires et ruraux, ne venait pas de
la guerre, mais de la religion. La catéchèse familiale et paroissiale, ainsi
que la prédication du dimanche et celle qui se pratiquait au cours d’autre
événements religieux alors très récurrents, constituaient une sorte d’endoctrinement
systématique basé sur la production, le stockage et la distribution de la peur
de Dieu et de l’enfer dans l’esprit et l’âme des fidèles. Ce qui n’en faisait
un acte pas moins néfaste et criminel que la guerre qui sévissait. Acte
d’autant plus néfaste et criminel, que cette prédication pénétrait profondément
dans l’esprit des gens simples et ignorants de ce village, en particulier des
enfants, petites créatures très sensibles et sans défense, prêtes à croire tout
ce que les adultes leur racontaient, en particulier les parents, les évêques et
les curés, dont la parole était écoutée et suivie comme si elle était un oracle
divin et comme si elle exprimait la volonté de Dieu présent au milieu du peuple[3].
Les trois enfants de Fatima ont respiré une telle
atmosphère. Les Mémoires de sœur Lucie
ne laissent aucun doute sur cela, pour
ceux qui savent lire entre les lignes et de manière critique, sans se faire
contaminer par le mysticisme religieux presque pathologique dans lequel ce
livre a été écrit.
La lecture des Mémoires montre, avec une évidence
presque tangible, comment la terreur a été une sorte de calamité naturelle constamment
présente dans la vie de ces trois enfants. Ils vivaient troublés et angoissés par
le péché, par l'enfer et par les pécheurs qui vont en enfer. Tout était péché
pour eux, même un baiser donné à un autre copain ou copine dans le jeu de
« las prendas ». Pour Jacinta, par exemple, on ne pouvait donner un
baiser qu’à Notre Seigneur, en embrassant l'image du Crucifié. Comme si un
autre garçon, fille ou compagnon de jeux, n'étaient pas une bien meilleure
image de Dieu, mais seulement une occasion de péché. Qui a inoculé une telle
vision moraliste dans l’esprit de la petite et angélique Jacinta ? Quelle
catéchèse satanique a déformé son regard ? Qui l’a privée si tôt de son innocence
naturelle ?
Dans ce contexte, tout
pouvait conduire à l'enfer. Dieu, aux yeux de ces enfants, était tellement rendu
au bout de sa patience par les péchés des créatures humaines, que sa colère
était toujours sur le point de dépasser les limites de son endurance, et menaçait
toujours d’éclater au grand jour, si les trois petits enfants n’acceptaient pas
de souffrir, souffrir, souffrir, faire toutes sortes de sacrifices (pour lui
faire plaisir, pour le calmer, pour lui montrer leur amour, pour la conversion
des pécheurs) et, en même temps, réciter beaucoup de chapelets.
Il est normal que des
enfants qui reçoivent toute cette information, sensibles et sans défense comme
ils sont, souffrent, pleurent, sentent de la peine pour ce Dieu attristé,
offensé et fâché. Et puisque ce Dieu aime tant la souffrance, voilà que ces
enfants désirent s'offrir à lui en tant que victimes ; ils se disent prêts à
souffrir, même jusqu’à la mort, pour soulager sa peine , calmer sa rancune,
l’apprivoiser en quelque sorte, pour l’induire à pardonner aux pécheurs.
Ces enfants sont complètement possédés par une
mystique de mort, une mystique sacrificielle, qui parle de préférence d'un Dieu
de mort qui dévore ses créatures, plutôt que d'une mystique de vie, la seule
que le Dieu de Jésus peut inspirer à ses fils et à ses filles, puisqu'il est
lui-même un Dieu qui travaille continuellement pour que chacun de nous puisse
avoir la vie et la vie en abondance.
Ces enfants ont été les
victimes d’une véritable torture psychologique et spirituelle. Dans un tel
climat de religiosité, l’existence de ces petits êtres qui prennent tout au
sérieux, s’est transformée en un véritable cauchemar. Ils ont expérimenté et donc
vécu leur vie comme étant soumise à une danger continuel, torturant et épouvantable :
celui de pouvoir être condamnés aux supplices de l'enfer. Il suffisait de faire
quelques péchés. Pour ces enfants, le péché était partout et très à facile à
commettre. Pour eux, par exemple, c’était un péché que de dire des mots offensants
ou se permettre des petites espiègleries. De tel péchés étaient suffisants pour
être condamné à l’enfer ; un enfer qu’eux-mêmes décrivent avec des images effrayantes.
L'enfer était la grande menace pour tous et le sort qui était le plus susceptible
d'arriver à n'importe qui. Et, pour les pécheurs, plus qu'une menace, l’enfer
était déjà une certitude.
Dans ce climat
religieux façonné par une spiritualité non seulement totalement étrangère à
l'Évangile, mais, pire encore, complètement en contradiction avec le Dieu
annoncé par Jésus, il n'est pas surprenant d’apprendre que le plus grand désir
de ces enfants était de mourir le plus tôt possible, afin d'aller le plus vite
possible au paradis, parce que cela constituait le seul moyen d’échapper plus facilement
aux embuches et aux dangers d’une vie
qui pouvaient les précipiter dans les tourments de l’enfer, dans lequel quiconque
y tombe, y tombe pour toujours, brûlant dans cet immense four, à feu lent, en
compagnie des animaux les plus dégoûtants et hideux.
Dans son livre, Lucie raconte à maintes reprises
comment Jacinta et Francisco étaient affectés par la peur de l'enfer. D’après
Lucie, cette peur était le résultat normal et naturel d’une catéchèse familiale
abondamment administrée par leur mère, qui exagérait volontairement les couleurs de l’anxiété. Et les prédicateurs
des missions paroissiales qui suivaient fidèlement les consignes du livre
« Mision Abreviada » (Abrégé pour la prédication des missions)
n’étaient pas bien loin derrière elle.
Ce qui aujourd'hui choque
et scandalise ceux qui cherchent à être disciples de Jésus et à se laisser
conduire par les valeurs de son annonce libératrice, c’est de constater que
cette Dame, que les enfants déclaraient avoir vu et entendu le 13 mai 1917, et qu’ils
affirmaient venir du ciel, c'est-à-dire
de Dieu, ne semble pas leur être apparue pour les libérer de la peur et les
inviter à vivre pleinement leur existence dans la joie, l’abandon et la
confiance en l’amour inconditionnel et inconditionné du Dieu-Papa, annoncé par
son Fils. Au contraire, elle commence par annoncer aux deux enfants les plus
jeunes et aussi les plus terrifiés, qu’ils mourront sous peu ; et qu’ainsi elle leur fera la grâce
de les libérer du mal et des dangers de cette vallée de larmes, en les amenant
avec elle au paradis. Voilà le beau cadeau que la Dame venue du ciel offre à
ces enfants qui viennent juste de commencer à vivre !
Catéchèse
terroriste
Au lieu de la bonne
nouvelle libératrice de l’évangile, selon laquelle Dieu veut que les hommes
vivent et qu’ils vivent pleinement et abondamment, elle leur annonce qu'ils
vont bientôt mourir. Fondamentalement, la Dame venue du ciel se limite à
reproduire et à légitimer la catéchèse terroriste et négatrice du message ecclésiastique
que les enfants entendaient constamment à la maison et à la paroisse.
Mais le plus choquant
était à venir : il s’agit de l'apparition du 13 juillet 1917. À en croire au
récit de Sœur Lucie, au cours de cette apparition, la Dame venu du ciel a eu la
belle idée de montrer l’enfer aux trois enfants. L’impression que surtout les
petits Jacinta et Francisco en reçoivent est à tel point dévastatrice, qu’ils
en resteront marqués pour le reste de leur vie et que jamais plus ils seront
des enfants normaux. Déjà hypersensibles et de santé manifestement déjà
affaiblie, cette épouvantable vision les brisera dans l’âme et dans le corps,
au point qu’ils ne s’en remettront plus jamais.
À partir de ce jour,
Jacinta et Francisco ne parviendront plus à être des enfants comme tous les
autres. Ils ne seront plus capables de jouer, de s’amuser, de s’alimenter normalement
et de faire face à la vie avec la nonchalance et le naturel d’enfants en bonne
santé. D’une certaine façon, la Dame venue ciel avait trouvé le moyen de tuer en
eux le désir et la joie de vivre et de les faire ainsi mourir de leur vivant. Francisco,
par exemple, arrêtera d'aller à l'école, et préférera se cacher plutôt dans
l'église afin de réciter le rosaire pour le salut des pécheurs dans l’espoir de
leur éviter les souffrances de l’enfer.
La vision de l'enfer a
tellement marqué les deux enfants que, dorénavant, ils se sentiront obligés de
prier pour les pécheurs et de faire des sacrifices pour leur conversion. Le
livre des Mémoires de Lucie témoigne que Jacinta et
Francisco pouvaient passer des journées entières sans manger. Ils donnaient leur
casse-croûte aux moutons ou aux pauvres. Ils s’imposaient de ne pas boire une
seule goutte d’eau en plein mois d'août. Ils marchaient toute la journée, et
même pendant la nuit, avec une corde attachée en permanence autour de taille,
jusqu'en saigner.
Masochisme
religieux
Avec ces attitudes
chargées de masochisme religieux et sacrificiel dont ils n'étaient
personnellement pas responsables, mais seulement victimes, les enfants de
Fatima ont prétendu - avec une ingénuité et une innocence touchantes, -
consoler notre Seigneur et le Pape[4].
C’est ainsi que, dans
cette histoire des apparitions de Fatima, le catholicisme est arrivé à
l’inversion complète et au reniement total des valeurs les plus fondamentales contenues dans la « Bonne
Nouvelle » annoncée par Jésus de Nazareth, qui fut la meilleure révélation
de Dieu dans l’histoire de l’humanité. La bonne nouvelle proclamée par Jésus
(qui présentait un Dieu-Père pleine de miséricorde et de tendresse, aimant d’un
immense amour tous ses enfants, autant les bons que les méchants et ne désirant
pour eux sur terre qu’abondance de vie et plénitude de bonheur) constituait le
message le plus libérateur et le plus consolateur jamais offert à tous ceux et
celles qui étaient officiellement considérés comme des exclus, des
transgresseurs, des coupables et des pécheurs.
Rien de tel dans les
messages de Fatima. À Fatima les croyants sont confrontés à un contre-évangile
et à l’annonce d’une « Mauvaise Nouvelle » : au lieu de l’annonce
joyeuse et exaltante d’un Dieu qui vient en tant que compagnon, ami et père,
avec le cœur d'une mère, consoler ses enfants et les libérer de la peur, du mal
et de la souffrance , la Dame de Fatima leur annonce la nouvelle d’un Dieu en colère,
sadique, qui ne peut être contrôlé et apaisé que par le sang, les souffrances et
les supplications de ces jeunes victimes innocentes, à travers un vie passée à
l’enseigne de la peur, de continuelles privations et sacrifices. Et cela dans
le seul but que ce Dieu fâché, puisse freiner sa rage et renoncer à châtier les
pécheurs.
Mais à Fatima il y a
encore pire. Ici la Dame venue du ciel a présenté aux trois enfants la
caricature la plus horrible et la plus monstrueuse que l’on puisse imaginer de
Dieu : un être dont la méchanceté, le cynisme et la cruauté dépassent
infiniment celles de tous les pires pécheurs et les pires délinquants de la
terre. En effet, le Dieu de la Dame est un Dieu qui a volontairement créé l’enfer pour se venger et faire
souffrir éternellement les pauvres pécheurs. Et cette Dame venue du ciel est de
mèche avec une telle divinité ; elle paraît en parfaite connivence avec un tel
Dieu et avec son abominable invention, au point qu’elle se plaît à la montrer
aux enfants, comme si l’enfer était un titre de gloire et un chef-d’œuvre de l’Artiste divin.
Il faut penser que, la
Dame de Fatima ne soupçonnait certainement pas que l’invention de l’enfer de la
part de son Dieu serait devenue, plus tard, une des causes principales autant
de la croissance de l’athéisme, que du refus de la religion catholique. Si la
Dame de Fatima avait été moindrement théologienne, elle aurait immédiatement
su, qu’en saine théologie, la foi en Dieu est inconciliable avec la croyance en
l’enfer, étant donné que les deux concepts s’excluent mutuellement. Et si la
Dame avait été moindrement chrétienne, elle se serait aussi rendue compte que
son Dieu était en total contradiction avec le Dieu prêché par son fils Jésus. Elle
aurait donc compris qu’il était impossible de croire en son Dieu et de faire
partie de l’Église chrétienne.
Cela équivaut à dire
que Fatima et le christianisme sont deux phénomènes religieux opposés et
inconciliables. En d’autres mots, ceux et celles qui acceptent de croire aux
communications de Fatima, doivent renoncer à se considérer chrétiens. Ils
pourraient, à la rigueur, se qualifier comme « catholiques », en
l’honneur des nombreux Papes qui ont succombé aux charmes maléfiques de la Dame
de Fatima et ont, malencontreusement, ratifié ses funestes délires ; mais ils
ne peuvent certainement pas se considérer disciples de Jésus de Nazareth.
Il est
urgent d'évangéliser Fatima
On doit donc affirmer
que le livre des Mémoires de Sœur Lucie,
où elle a écrit les souvenirs de son enfance à Fatima, contient et transmet une
théologie (réflexion sur Dieu) qui se situe aux antipodes de la pensée
chrétienne. Lucie a écrit son livre forcée par certains ecclésiastiques qui
s’étaient arrogés le droit de lui imposer leur volonté et leur autorité.
Il s’agit d’une théologie
qui parle d’un Dieu, qui est sans doute celui qui habitait l’imaginaire de
beaucoup de gens de ce temps ; mais qui possédait toutes les caractéristiques
d’une idole abominable qui dévore les pauvres gens. Une théologie qui présente
un Dieu conçu comme un justicier impitoyable, qui ne peut calmer et satisfaire
sa colère punitive et destructrice qu’avec le sang, beaucoup de sang, des
victimes innocentes. Il s’agit d’un Dieu bourreau ; d’un Dieu contre l'homme et
la femme ; d’un Dieu sans entrailles de miséricorde, tyran et despote. Un Dieu
pire que les plus mauvaises de ses créatures. Un Dieu intrinsèquement pervers,
qu’il est nécessaire d'apaiser et dont le bras justicier est toujours prêt à
tomber sur l'humanité pécheresse[5].
Et si, jusqu’à maintenant, il a retenu ses frappes mortelles, cela est dû au
fait qu’il a, heureusement pour les humains, à ses côtés la créature la plus
sainte qui puisse exister et, apparemment, qui est bien plus miséricordieuse
que lui, la Dame du Rosaire, qui seule réussit à le retenir et à le calmer.
Mais cette Dame est
elle-même sur le point de n’être plus capable d’endurer pour longtemps la
colère et la haine de Dieu contre l'humanité. Elle a donc décidé de descendre
du ciel vers la terre, plus concrètement vers le Portugal, où quelques années
auparavant, a été instaurée (coïncidence !) une République maçonnique et athée,
pour demander à trois enfants innocents de l'aider dans cette énorme tâche.
« Est-ce que vous
voulez -leur a-t-elle demandé dans sa
première apparition- vous offrir à Dieu pour supporter toutes les souffrances
qu'Il voudra vous envoyer, en réparation pour les péchés par lesquels il est
offensé et pour lui adresser des supplications pour la conversion des
pécheurs?» Les enfants, éduqués dans une catéchèse sacrificielle et terroriste,
ont dit oui. Et, comme eux, beaucoup de gens aujourd'hui continuent encore à
dire la même chose à ce Dieu.
Seulement ceux qui ne
veulent pas voir, peuvent ignorer qu’à Fatima, le Dieu le plus recherché par
les personnes qui souffrent maladies et afflictions de toutes sortes, est une
affreuse caricature de Dieu. C’est un Dieu qui nous angoisse, qui inspire la
peur, qui nous punit, qui donne et prend nos vies comme bon lui semble et selon
son humeur du moment. C’est un Dieu qui exige des sacrifices humains, qui se
complaît à la vue de l'auto-flagellation des pauvres, dans une immolation qui
peut atteindre les limites de leurs forces et de leur vie. C’est un Dieu en
rébellion contre l'Évangile, et qui a donc plus du démon que du Dieu.
C’est le Dieu qui,
depuis l'aube de l'humanité, a vécu dans notre inconscient collectif, où,
manifestement, n'est pas encore arrivée la bonne nouvelle libératrice de toute
peur, qui est au cœur de l'Évangile de Jésus.
L'Église catholique qui,
dès les débuts, a réglementé le phénomène « Fatima », n’a pas encore
été capable de l’évangéliser. Et Dieu sait si cette tâche est urgente et
nécessaire ! Malheureusement, elle a été plus intéressée à profiter à son
avantage, et d’une façon sacrilège, de ce phénomène. Sans doute parce que,
comme le dit l'annonce de la loterie, cela était plus facile, pas cher et
rapportait des millions. En plus, Fatima garantissait des statistiques élevées
à l’heure de faire le recensement des catholiques portugais. Ce qui donne à la
hiérarchie ecclésiastique du Portugal beaucoup plus de pouvoir lorsqu’il sagit
de revendiquer ou de négocier des avantages législatifs auprès des autorités
politiques en place.
Il est temps de changer
Fatima de fond en comble. Est-ce risqué ? Sans doute ! Mais c'est une nécessité
incontournable. L'enjeu est le Nom de Dieu, le Dieu révélé en Jésus de
Nazareth. C’est l’authenticité de la foi chrétienne. Et surtout est en jeu le
sort de l'humanité, surtout de la majorité appauvrie et opprimée, que l’annonce
de Fatima encourage à maintenir dans la peur, la soumission, la privation, la
souffrance et le sacrifice.
Les théologiens
chrétiens ont donc leur mot à dire sur la question de Fatima. Avec lucidité,
courage et discernement. Pour lutter contre les faux dieux qui dirigent les
sorts de l’humanité, la parole des théologiens est irremplaçable. Et il arrive
parfois que leur parole en fasse des martyrs, comme cela a été le cas pour
certains confrères théologiens d’Amérique Latine. Mais les théologiens ne peuvent
pas cesser de parler. Comme ne peuvent pas se taire, non plus, les communautés
chrétiennes qu’ils animent de leurs enseignements.
C‘est grâce à ces
théologiens et théologiennes qui se battent pour garder vivante dans l’Église
la pureté et l’originalité de la doctrine du Maître de Nazareth, que nous
savons aujourd’hui que son Dieu, devenu aussi notre Dieu, n’est pas un Dieu qui
a créé l’enfer pour y précipiter et y torturer les pécheurs (et qui n’en est
pas un ?); mais un Dieu qui les accueille et qui mange avec eux. Et cela par
choix, par grâce, par pur amour, pour son plaisir. Ces théologiens rappellent
sans cesse aux chrétiens que le Dieu de Jésus est un Dieu qui, au lieu de faire
des victimes, cherche à les baisser de la croix. C’est un Dieu engagé, en tant
que Créateur, à faire de cette terre, qui a déjà beaucoup de l’enfer, une terre
nouvelle, où Il habite avec nous et parmi nous comme l’Emmanuel, à tout jamais.
Et Marie, la mère de Jésus, au lieu de se
promener à droite et à gauche pour demander aux gens simples, pauvres et
ignorants de faire des sacrifices et de réciter des nombreux chapelets pour la conversion
des pécheurs, apparaît, au contraire, dans les évangiles comme la plus grande
poétesse et chanteuse de ce Dieu totalement engagé dans la libération et le
salut de l'humanité et pleinement occupé à porter à terme la création du monde.
Une création dont l’évolution et le perfectionnement ont été retardés, parce
qu'il ne voulait pas les accomplir sans nous, mais avec nous. Et aussi parce
qu'il respecte notre liberté, sans jamais perdre sa patience, malgré les
innombrables bêtises que nous commettons contre nous-mêmes, contre les autres
et contre la nature qui nous sert de berceau.
Dieu agit ainsi parce
qu'il nous aime infiniment. Et il ne peut pas faire autrement !
(Traduction libre de l’espagnol par Bruno Mori: Fátima nunca más! )
(Texte original en portugais et espagnol dans la
revue Relat223, voir : http://www.servicioskoinonia.org/relat/)
[1]
Ouvrage de base pour comprendre l’esprit, la spiritualité et la théologie
subjacente au phénomène des apparitions de Fatima.
[3] Le
livre Lucie montre, avec une redondance presque fatigante, comment elle-même a
toujours été victime de ce sinistre endoctrinement et comment, même des nombreuses années plus
tard, elle restera marquée par cette vision mythique et angoissante de la
réalité, totalement étrangère au message libérateur de l'Évangile.
[4] Le souci pour le pape était
survenu après qu’un prêtre leur avait parlé de l’existence du Pape et les avait
informés que celui-ci était persécuté par les «ennemis» de l'Église.
[5] Sr Lucie écrit au Père Aparicio
le 20 juin 1939 : « Notre-Dame a promis de remettre à plus tard le fléau
de la guerre si cette dévotion était propagée et pratiquée. Nous la voyons
repousser ce châtiment dans la mesure où l’on fait des efforts pour la
propager. Mais je crains que nous ne puissions faire davantage que ce que nous
faisons, et que Dieu, mécontent, lève le bras de sa miséricorde et laisse le
monde être ravagé par ce châtiment, qui sera comme il n’y en a jamais eu, horrible,
horrible. » (op. cit., p. 244)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire