(Luc 17,5-10)
Nous
vivons dans un monde sécularisé, laïc, technologique, scientifique, athée.
L’hypothèse « Dieu » n’est plus nécessaire pour expliquer l’existence
de la réalité, car les sciences ont trouvé presque toutes les réponses à nos
questionnements sur les phénomènes qui nous entourent. Autrefois la religion
était nécessaire à l’explication de la réalité … plus maintenant! Dieu était le
« Deus ex machina » auquel on avait recours et que l’on faisait intervenir
pour expliquer les innombrables « mystères » qui nous entouraient. La
religion (avec ses théories et ses doctrines) et donc la foi en Dieu permettait
à l’intelligence humaine de trouver une certaine satisfaction, un certain
apaisement, parce qu’en elle l’homme trouvait une explication aux phénomènes
naturels et une réponse autant à sa quête existentielle qu’à sa quête
intellectuelle.
Dans
notre monde moderne, par contre, la foi en Dieu n’est plus nécessaire pour
expliquer la réalité. Si autrefois il était difficile de vivre sans une foi,
aujourd’hui il est difficile de vivre avec une foi qui apparemment ne sert plus
à grand-chose. D’où la crise de la foi qu’expérimente notre société
occidentale. La foi est devenue superflue. La foi semble le vestige d’un monde
passé. Ceux et celles qui ont encore la foi sont regardés comme des individus
« bizarres », dépassés, du Moyen-âge, d’un autre monde, qui ne sont
plus « dans le coup ». Les contenus de la foi religieuse en général
et de la foi chrétienne en particulier, sont considérés comme dérisoires et
insignifiants. Les athées éclairés de nos temps modernes les assimilent
volontiers, avec une ironie moqueuse, à
des contes, à des mythes, à des révélations venant d’un au-delà inexistant, à
des histoires farfelues et rocambolesque inventées à une époque où l’humanité
vivait à l’enfance de son évolution, dans une totale obscurité intellectuelle,
sous l’emprise de l’ignorance, de la peur et de la superstition.
Nos
incroyants modernes, eux, sont, les fils des Lumières; ils appartiennent à la
génération du Big-Bang, de l‘Internet, de l’informatique, des satellites
artificiels, de la Station spatiale, des voyages interplanétaires, des quarks,
du boson de Higgs, de la particule de Dieu, de l’équation magique qui fournira sous
peu, en une seule formule mathématique, l’explication du tout… Eux, sont les
gens qui savent où ils s’en vont et ils pensent n’avoir plus besoin de la
béquille de la foi…
Mais
en est-il vraiment ainsi? Pouvons-nous vraiment vivre sans une foi? Croire en
quelque chose qui nous vient d’ailleurs, à une réalité qui nous dépasse, est-ce
vraiment signe d’obscurantisme et de stupidité? Mettre notre confiance et notre
bonheur en un Être que nous croyons plus grand que nous et dans lequel nous
pensons trouver l’accomplissement de nos aspirations et de nos désirs les plus
profonds, est-ce vraiment signe de naïveté ? Ceux qui se proclament athées,
ceux qui disent ne pas avoir besoin de croire en Dieu, sont-ils vraiment sans
foi? Pas vraiment! Parce que nous, les humains, nous sommes ainsi faits que
nous ne pouvons vivre sans une foi, sans croire en quelque chose. Si nous ne
croyons pas au Dieu d’une religion, nous nous fabriquons nos propres dieux, nos
propres rites et nos propres religions.
Nous
croyons en la capacité de l‘argent de nous rendre heureux. C’est une foi! Nous
avons foi en l’honnêteté fondamentale de nos institutions démocratiques et de
notre système de gouvernement. Nous avons foi et nous faisons confiance aux
compétences de nos médecins et de notre système de santé…Nous avons foi en les
personnes que nous aimons, nous faisons confiance aux gens qui nous entourent,
car sans cette foi et cette confiance, la vie nous serait impossible.
Et
ceux qui ont écarté comme révolue et anachronique la foi au Dieu de la religion
et de la révélation, sont-ils vraiment capable de vivre sans un dieu dans le
concret de leur existence? Ils disent ne pas croire en Dieu, mais par contre
ils se fabriquent leurs propres idoles, ils se décorent d’amulettes auxquelles
ils rendre un culte fervent, passionné et fidèle. Ils ne peuvent pas vivre sans
leur télévision, sans leur I Phone, leur Blackberry, leur ordinateur, leur
console de jeux vidéo, leur bière; ils rendent un culte inconditionnel à leur
ligue de football, de soccer, de hockey; ils deviennent hystériques dans un match
de hockeys; au cours d’un spectacle d’un chanteur pop; ils sont obsédés par le
culte du corps, de la minceur, de la beauté, de la séduction…. Ils sont
superstitieux; ils croient à l’influence des astres, à la bonne ou à la
mauvaise étoile, au destin; ils consultent leur horoscope; ils vont voir les
cartomanciennes et les voyantes; ils tirent aux Tarots; ils sont fascinés par
les médiums qui communiquent avec les morts; ils croient dur comme fer au pouvoir
bénéfique et salutaire des pierres ou des parfums; il croient au pouvoir
libérateur et pacifiant de la méditation transcendantale, dans le yoga et le
bouddhisme; ils trouvent stupide de prier Dieu, mais ils s’adonnent à la
récitation de mantras pour obtenir l’éveil de l’âme consciente; ils se fient au
future dévoilé par les lignes de la main…
Ils
considèrent ridicules les rites et les gestes des religions, mais par contre,
dans leur vie ordinaire, ces soi-disant incroyants éclairés s’entourent de toutes
sortes de manies et de comportements. Tout cela ne constitue-t-il pas une forme
de religion, avec son culte, ses rites et ses dieux?
La
demande que, dans l’évangile d’aujourd’hui, les disciples adressent à Jésus est
donc, pour nous d’une pertinence et d’une actualité extraordinaire. «Aide nous
à augmenter notre foi! » signifie : «Aide-nous à ne pas nous limiter
et à ne pas nous renfermer dans les croyances et les idoles que nous nous
formons et nous construisons continuellement dans nos vies….. Aide-nous à
dépasser cela! Amplifie, rehausse la tendance que nous avons à croire à
n’importe qui et en n’importe quoi, afin que nous devenions capables de donner
de la valeur et de faire confiance, nous aussi, aux forces de salut dans
lesquelles tu crois et auxquelles, nous aussi, tes disciples, nous voulons
abandonner notre vie.
La
foi chrétienne sera et restera toujours en acte de confiance et d’abandon,
outre le résultat d’une grâce et d’une rencontre personnelle avec Jésus de
Nazareth. Elle est toujours la conséquence d’une amitié, d’un émerveillement,
d’un attachement, d’un Amour que nous avons délibérément et volontairement
choisi comme notre modèle, notre guide, notre maître, et, pourquoi pas, comme
notre seigneur et dans les mains duquel nous avons abandonné, en toute
confiance, l’orientation et la réussite finale de notre existence.
MB
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