(Luc 16,1-13)
Nous vivons dans une société qui a été forgée par le libéralisme
économique et qui vit et opère selon le principe d’un système capitaliste des
plus sauvages. Dans ce système le capital, le profit, l’argent, l’accumulation
privée des richesses, la croissance économique sont devenues les valeurs de
base, pour ne pas dire les seules valeurs, qui dirigent les politiques de nos
gouvernants et l’action des citoyens en général. La hantise du profit et de
l’argent est désormais la frontière qui divise le monde en deux parties: ceux
qui en ont trop et ce qui n'en ont pas assez, riches et pauvres, exploiteurs et
exploités. L’obsession et l'angoisse de l’argent est la maladie ou plutôt le
cancer qui ronge de l’intérieur la santé de notre planète, qui met en danger la
survie de notre humanité et qui, certainement, empêche que notre monde soit une
seule et grande famille où tous peuvent s’asseoir à la table d’une vie décente
et honorable.
Voilà alors un texte plutôt déroutant
que cette parabole de Jésus où un patron d’entreprise fait l’éloge de la
malhonnêteté de son gérant. Ce n’est pas la mauvaise gestion de cet intendant
qui est en cause dans la parabole. Ce qui est mis en lumière c’est l’habileté
du gérant à assurer son futur et à «se faire des amis» avec l'argent qu'il
administre. Et Jésus de remarquer que les gens du monde semblent plus ingénieux
pour assurer leur sécurité et leur bien être matériel que les disciples pour
assurer la qualité humaine et spirituelle de leur existence. Les «fils du monde
» sont souvent plus habiles que « les fils de la lumière».
De nos jours les exemples de cette
habilité à faire de l’argent par tous les moyens ne manquent pas. Ce sont les
énergies et les politiques mises en œuvre pour se procurer pouvoir et richesse
en exploitant d’une façon insensée et irresponsable les ressources naturelles
de la planète, en détruisant les écosystèmes nécessaires au développement et à
la conservation de la vie; en polluant les éléments indispensables à notre
existence (air, eau, sol, forêts, etc.). Ce sont les milliards engloutis dans
la drogue, la vente d’armes et dont l’argent sale est blanchi dans les banques
des pays riches et des abris fiscaux. Ce sont les millions de dollars de l'aide
internationale aux pays pauvres d'Afrique détournés au profit de dirigeants et
de présidents véreux. Même ici au Québec, il suffit de penser aux cas de
discrimination, d'intimidation, de collusion, de corruption et aux liens avec
le crime organisé au sein de l'industrie de la construction qui, dans première décennie
du XXIe siècle, ont abouti à la commission d’enquête dite «Charbonneau» ...
Et au niveau individuel que d’énergies
et de sommes dépensées dans les jeux de hasard : loto, cartes diverses à
gratter, sans parler des jeux stupides à la télé ou autres ! Que
d’énergies et d’astuces mises en œuvre pour éviter de payer ses impôts !
La fraude fiscale annuelle, au Canada, atteint des centaines de millions de
dollars qui sont soustraits à l'administration publique qui en a besoin pour
construire et financer écoles, hôpitaux, et autres infrastructures nécessaire
au bien-être des citoyens etc. Que d’énergies, de temps et d’argent employés à
se procurer toutes sortes de gadgets et d'articles de luxe inutiles, dans le
seul but d'être à la mode, de flatter sa vanité, de paraître, d'épater et de se
sentir supérieurs!
Pour Jésus les «amis» que
l'argent doit acheter sont les petits, les pauvres qui ont faim et soif,
les exclus, les laissés pour compte, les exploités, les persécutés… ce sont eux
qui sont «bienheureux » et donc les vrais riches, car ils possèdent toutes les
conditions (de liberté, d’ouverture et de disponibilité) pour entrer dans son
Royaume. Ce sont eux qui seront les premiers dans le Royaume et «qui nous
recevront dans les demeures éternelles». Jésus enseigne que les riches se
sauveront seulement s’ils deviennent les amis des pauvres, c'est-à-dire, si une
solidarité profonde et un juste partage est établi et mis en œuvre. Mais si les
riches se renferment aveuglement dans leur richesse et ne voient pas les
pauvres et ne se préoccupent pas des ceux qui frappent à la porte de leur
opulence, ils seront perdus à tout jamais. Sur ce point Jésus est
drastique : « Jamais un riche (qui reste tel) entrera dans le Royaume
de Dieu. Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d'une aiguille
qu'à un riche d'entrer dans le Royaume de Dieu », avertit Jésus.
Jésus n’a rien contre l’argent. Mais il
en veut à l’argent «injuste». Et pour lui l’argent est «injuste» pour deux raisons.
Premièrement, parce que les grandes richesses personnelles sont rarement le
résultat d'actions «justes» et honnêtes, mais presque toujours le produit d’insensibilité
humaine, de calculs ignobles et de procédés féroces d’exploitation,
d’oppression, de déprédation et de violence inférés autant à la Planète qu'aux
plus vulnérables et aux plus démunis de ce monde.
Deuxièmement, pour Jésus l'argent est
«injuste» lorsqu'il est accumulé uniquement pour satisfaire la cupidité et la
soif de prestige et de pouvoir de celui qui le détient, ainsi que son angoisse
de sécurité. L’argent est «injuste» lorsqu'il n’est pas utilisé pour se faire
des «amis», c’est-a-dire, lorsqu'il n’est pas dépensé pour redresser des
situations aberrantes de pauvreté, d’injustice et d’inégalité, dans un souci de
partage, de fraternité et donc d’amour envers les frères humains. Jésus veut
nous dire ici que nous devons imiter l’esprit d’initiative et la débrouillardise
de l’intendant malhonnête de la parabole, mais non pas pour accumuler toujours
plus d’argent pour ceux qui sont déjà repus, mais dans le but de le ramasser
pour ceux et celles qui n’ont rien, qui sont dans le besoin et qui en ont
besoin pour vivre et souvent pour survivre.
Le Maître de Nazareth invite donc ses
disciples à être des «fils de lumière» aussi habiles que les «fils de ce
monde». Nous pouvons nous réjouir en pensant que, malgré tout, dans notre monde
malade, sont heureusement nombreux ces «fils de lumière» qui luttent contre les
ténèbres de l'ignorance, de l'inégalité, de la pauvreté et de la souffrance
humaine pour qu’advienne un monde plus lumineux, plus transparent, plus juste
et plus humain. Et nous pensons à ces philanthropes comme Melinda Gates,
Angelina Jolie et Brad Pitt... et à tous ces organismes et associations
humanitaires ou caritatives comme Développement et Paix, Médecins sans
Frontière, Oxfam, la Croix Rouge, Amnesty International, Green Peace, la Société
de St Vincent de Paul... dont les membres se donnent corps et âme pour qu'advienne
un monde meilleur.
Mais
nous aussi, qui sommes et qui nous sentons disciples de Jésus, nous voulons
être ces fils de lumière engagés dans la construction d'un monde nouveau.
Cependant, dans notre petit quotidien que pouvons-nous faire ? En tant qu'individus,
obligés à vivre notre petite vie dans notre petit milieu, nous nous sentons
d'une impuissance totale face aux grands problèmes qui affligent l'humanité.
Alors on est tenté d'adopter une attitude fataliste et de croiser les bras.
Mais en tant que disciples du Nazaréen, nous sentons que nous ne pouvons pas
faire cela. Jésus nous dit, en effet, qu' « à celui qui a,
il sera donné; mais qu'à celui qui n’a pas, il lui sera retiré même ce qu’il
croit avoir» (Lc. 8,17). Ce qui signifie que
c'est par le peu que l'on produit de l'abondance; que c'est la multiplication
incessante des petites gouttes d'eau qui remplissent l'océan, que c'est par
l'accumulation et la multiplication des petits gestes de solidarité et d'amour
semés dans le terreau de notre quotidien, que l'on fait germer un monde plus
beau.
Si de grandes choses ou de grandes actions
ne sont pas à notre portée, les petits gestes donc le sont; et cela peut faire
toute la différence entre un monde humain ou un monde inhumain; entre un monde
qui est un enfer de violence et d’égoïsme et un monde qui est un paradis de
paix, de fraternité et d'amour. Les petits gestes d'amour que nous pouvons
poser à travers le frêle tissu de notre quotidien sont infinis. Quelques
suggestions: s’entraider entre voisins d’un déménagement; garder le petit
enfant de la voisine qui doit s’absenter; voir si une personne âgée proche de
chez nous a besoin d’une visite, d’un peu de compagnie, d’un service; ouverture
au bénévolat dans les organismes et les activités communautaires du quartier;
une plus grande disponibilité à participer aux initiatives et aux activités de
la communauté chrétienne d’appartenance; une plus grande générosité à soutenir
économiquement les infrastructures de la paroisse; la prise en charge des familles
pauvres ou des immigrés qui ont souvent besoin autant de chaleur humaine,
d’amitié, de conseils, d’information, que d’aide matérielle; distribuer plus de
gentillesse, de sourires autour de nous; faire attention au bien commun comme
s'il nous appartenait; respecter et prendre soin de la nature et du milieu
naturel qui nous entoure; nous considérer partie intégrante de ce merveilleux Univers
qui nous a façonnés et donc nous sentir responsables de la bonne santé de cette
planète de laquelle dépend notre existence...
Le chrétien, disciple de Jésus, grâce à l’influence de son Maître, est quelqu’un
qui a su guérir du cancer causé par l’obsession de l’argent. Travaillé et
transformé par l’esprit de Jésus, il est devenu un individu qui place ailleurs
ses richesses et ses valeurs et qui a accepté de devenir «pauvre», c’est à dire
une personne disposée à renoncer à cette forme d’accumulation d’argent qui est source
d’injustice et qui rend impossible le partage et la fraternité dans le monde.
A la fin de la parabole, l’argent est qualifié non
seulement d’«injuste», c’est-à- dire comme quelque chose qui produit de
l’injustice, mais il est aussi décrit comme quelque chose d’«insignifiant», de
presque rien, d’«étranger» au disciple, qui est intéressé et absorbé par la
conquête d’autres valeurs et d’autres richesses, dont la plus précieuse est la
possession de l’Esprit de Jésus qui fait de lui un individu libéré, renouvelé
et accompli, car ne vivant pas seulement pour produire égoïstement son propre
bonheur, mais pour réaliser le bonheur des autres.
BM
Me encantó todo lo que he leído. Muy central, evangélico, actual. Como la traducción de Google no es fiel al autor ni al español, voy traduciendo un artículo por semana. Si a Bruno le interesa, ya me dirá como enviárselo.
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