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mardi 24 février 2015

CE JÉSUS QUI A ÉTÉ TENTÉ …


(Marc 1,12-14)


Pour signifier l’importance que la prédication de Jésus a eue pour les chrétiens de leur temps, les auteurs des évangiles entourent les débuts de la vie et du ministère public de Jésus de toutes sortes de faits extraordinaires.

Dans ce texte de Marc Jésus vient d’être baptisé par Jean et voilà que les cieux, le lieu de la résidence de la divinité, se déchirent et, par cette ouverture, l’Esprit de Dieu s’échappe pour venir se poser sur Jésus et le remplir de toutes les énergies et les virtualités de sa présence. Pendant que cela se produit, Jésus entend une voix qui vient du ciel et qui lui dit qu’il est le fils bien-aimé en qui Dieu a mis toute sa confiance. L’évangéliste Marc nous raconte qu’aussitôt que l’esprit a pris possession de Jésus, il "le pousse dehors, au désert".
Il y a comme une espèce de violence qui est exercée ici par l’Esprit à l’égard de Jésus. Comme dans les évangiles d’autres individus sont décrits possédés, brusqués, secoués par le démon, ici Jésus est possédé, secoué, brusqué par l’Esprit de Dieu. Dès le début de sa mission, il est présenté comme l’homme qui agit sous l’emprise de l’Esprit de Dieu. Et le premier cadeau de l’Esprit, c’est de déposséder l’homme Jésus de lui-même et de créer autour de lui les conditions qui lui permettront de devenir, pour ainsi dire, le «contenant» parfait de l’Esprit de Dieu. Sous sa pression, Jésus doit se vider de tout ce qui, dans sa vie d’homme, pourrait être contraire aux mouvements de l’Esprit ou un obstacle à l’emprise totale de l’Esprit dans son existence. Il faut que dans sa vie l’homme Jésus accepte de se débarrasser pour toujours de l’esprit de l’homme, pour le remplacer désormais par l’Esprit de Dieu.

En effet, comme tout homme, Jésus aussi porte en lui les faiblesses, les limites, les instincts, les pulsions, les ambitions et convoitises qui sont le lot de notre humanité. Le temps du désert est le temps que l’Esprit de Dieu donne à Jésus pour se convertir en «le fils bien-aimé» et en l’homme totalement imprégné et transparent à son action. Au désert Jésus a donc des choix à faire. Il doit décider de l’orientation qu’il veut donner à sa vie. Va-t-il la vivre tournée vers Dieu ou va-t-il la vivre tournée vers soi-même? Va-t-il travailler pour que Dieu et son Esprit règnent dans le monde ou va-t-il laisser que le monde soit dirigé par les convoitises et l’esprit corrompu de l’homme? Va-il s’impliquer dans le salut de l’humanité ou va-t-il endosser fatalement sa perte?

Jésus a d'énormes possibilités. Il est l’homme aux qualités et aux dons extraordinaires. Choisira-t-il de s’en servir pour construire son piédestal? Pour en retirer pouvoir, gloire, prestige, honneurs? Pour s’ériger sur les autres, les utiliser et les exploiter à son avantage, comme font les grands personnages de ce monde qui cherchent uniquement leur succès? Ou, renonçant à tout, oubliant ce qu’il peut ressentir ou désirer, faisant confiance uniquement à Dieu, docile et sensible à sa présence, choisira-t-il de se laisser guider et inspirer uniquement par les suggestions et les appels qui surgissent des profondeurs de son être, là où réside l’Esprit de Dieu qui veut l’habiter totalement et qui veut être le souffle qui inspire et oriente toute son activité et toute sa vie ? C’est cette lutte que semble nous faire entrevoir l’évangéliste Marc quand il dit que Jésus, dans ce long moment de désert, est tiraillé entre le monde de Satan, représenté par les bêtes sauvages au milieu desquelles il vit et le monde de Dieu, représenté par les anges qui viennent le servir.

N’imaginons pas que le récit de ces tentations de Jésus soit un artifice littéraire de l’évangéliste. C’est tout au long de sa vie que Jésus a été tenté par la séduction de la supériorité et du prestige qui lui auraient permis d’accéder à ce pouvoir qui se confond avec celui de Dieu. Et s’il refuse avec énergie d’y succomber, c’est parce qu’il a dû préalablement se convertir. C’est pour cela qu’il adopte l’attitude contraire : celle de l’effacement, de la simplicité, de la pauvreté, de la disponibilité, du don de soi et du service. Il demande à ceux qu’il guérit de rester discrets et de se taire sur son compte, pour ne pas créer de mouvements populaires d’enthousiasme facile. Et quand Pierre voudra l’écarter du chemin de Jérusalem qui sera celui de l’affrontement aux autorités et finalement celui de la mort, il repousse son disciple avec force: "Retire-toi, Satan! Tes vues ne sont pas celles de Dieu". Au jardin de Gethsémani Jésus ressent "frayeur et angoisse" à l’approche de son arrestation. Et la suprême tentation, celle de désespérer de Dieu sur la croix : "Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné?".

Oui, tout au long de sa vie et jusque dans la mort, Jésus a dû lutter contre lui-même, contre sa nature humaine qui le tirait vers la facilité. Être le Fils bien aimé, vivre en Fils bien aimé n’a pas été de tout repos.

Cette lutte incessante pour vivre en fils de Dieu, c’est aussi la vôtre, dit Jésus. Il s’agit de s’y mettre avec urgence: "Convertissez-vous et croyez à la bonne nouvelle", proclame-t-il. Se convertir, changer notre façon de penser, notre façon de concevoir et d’orienter l’existence; changer notre façon d’entendre le bonheur; changer le caractère souvent égocentrique de nos relations; revoir la pertinence de nos dépendances et de nos attachements; reconsidérer les priorités de nos valeurs, afin de réaliser une meilleure qualité d’être, devient le programme constant d’une vie de disciples et, certainement, le souci de nos efforts et de nos combats en ce temps de carême.

MB

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