Avec ce premier dimanche de décembre nous entrons dans
une nouvelle année liturgique et dans cette période précédant Noel qui, dans le
langage ecclésiastique, est appelée «le temps
de l’Avent». Ce mot vient du mot latin «adventus» qui signifie «la venue». Car, au cours de ces quatre semaines avant
Noel, les chrétiens se préparent spirituellement
à célébrer la «venue» sur terre, de leur maitre et Seigneur qui, selon le conte (ou mythe)
chrétien, est descendu du ciel pour prendre chair dans le sein d’une jeune
fille vierge, fécondée par une intervention miraculeuse de Dieu et cela il y a plus deux mille ans. Toujours
selon cette légende chrétienne,
l’intention de Dieu, en faisant naître parmi nous cet enfant divin était de le sacrifier un jour, à
travers une mort atroce, comme une victime expiatoire, afin de calmer la colère
et le désir de vengeance qu’il ressentait envers les humains à cause de leur méchanceté
et de leurs péchés. Le mythe chrétien qui nous vient de ce lointain passé est
utilisé aujourd’hui encore par l’église catholique. La théologie officielle de
l’Église, en plein XXI siècle, continue d’enseigner que ce «Fils de Dieu» est
mort à cause de nous et de nos fautes; qu’il a accepté la mort pour nous
réconcilier avec Dieu; pour obtenir de Lui la grâce et le pardon qui nous
rétablissent dans son amitié et qui nous permettent de nous sauver,
c’est-à-dire, d’échapper à la damnation éternelle. Cet enfant divin, destiné dès sa naissance à une mort violente par un père «divin» exacerbé, cruel et irascible,
deviendra un jour le Sauveur du
monde.
Il n’est pas difficile de se rendre compte que la formulation du mystère chrétien véhiculée par le langage traditionnel de cette
ancienne formulation du salut chrétien est
totalement dépassée et inacceptable pour
les chrétiens du XXIe siècle. Notre sensibilité moderne se refuse à accepter une
telle représentation de Dieu qu’elle trouve non seulement de mauvais goût, mais
aussi ignoble et blasphématoire. Les chrétiens de la modernité ne peuvent pas s’empêcher
de se demander comment de telles absurdités ont pu surgir au sein de l’Église et pour quelles
obscures raisons elles ont pu être acceptées, systématisées et propagées parmi
les croyants au point de contaminer presque toutes les expressions et les énoncés
du culte et de la liturgie chrétienne. En effet, partout dans les rites et les
prières officielles de l’Église on persiste, aujourd’hui encore, à parler d’expiation,
de rédemption, de sacrifice de la croix, de sacrifice de la messe, de Jésus
victime immolée sur l’autel de la croix, de l’Agneau qui nous sauve par son sang versé ; de l’Agneau de Dieu qui
porte sur lui le péché du monde ou qui enlève le péché du monde; de Jésus qui
s’offre à Dieu en victime expiatoire pour notre salut; de l’Innocent qui subit
le châtiment à la place des coupables ; qui souffre pour réparer et expier nos
péchés et qui nous libère de la punition et de la condamnation éternelles :
«Par le sang que ton Fils a versé… tu as ramené vers toi, Dieu, les enfants que
le péché avait éloigné... par sa passion et sa croix il nous a délivré de la
mort éternelle… car sa mort nous
affranchit de la mort… car il est l’agneau véritable qui a enlevé le péché du
monde: en mourant il a détruit notre mort ; en ressuscitant, il nous a
rendu la vie ……( préfaces des messes).
Sans parler de tous les efforts que l’enseignement catholique
déploie (à travers le discours officiel et à travers les affirmations et les
formules du culte) pour culpabiliser les croyants ; pour enfoncer
dans l’esprit des baptisés la conviction qu’ils sont des «pauvres pécheurs», des misérables transgresseurs, coupables et donc responsables de la mort du Fils de Dieu; qu’ils sont venus
au monde dans le péché ; qu’ils naissent contaminés par une faute
originelle, continuellement soumis à la
menace du mal qui est partout présent dans leurs vies et dans le monde dans lequel ils vivent et que, par conséquent,
ils doivent s’en remette à la divine miséricorde pour obtenir la justification de leur existence, ainsi que
l’espoir d’un possible salut. Un salut rendu possible grâce au pouvoir d’intercession
auprès de Dieu que Jésus a acquis pour nous, en payant Dieu de ses souffrances et de sa mort.
Il est clair que nous devons comprendre autrement et reformuler
d’une nouvelle manière le contenu du mystère de notre salut qui s’exprime et se rend
présent dans la personne du fils de Marie de Nazareth, si nous voulons qu’il
puisse continuer à avoir du sens et de
l’intérêt pour les gens d‘aujourd’hui. Il
faut
aussi qu’ il soit clair qu’il n’est pas question ici de vouloir nier
ou refuser le fond (la substance) de l’annonce chrétienne qui nous vient du passé et qui garde toute sa
vérité, sa valeur et sa pertinence,
mais qu’il s’agit ici de la nécessité de la traduire dans un langage
moderne qui soit accessible et surtout compréhensible aux hommes et aux femmes de notre temps.
C’est ce que nous essayons de faire tant bien que mal ici, au cours de nos rencontres
du dimanche. Nous cherchons ensemble à déchiffrer, interpréter, reformuler, traduire,
redire dans le langage d’aujourd’hui et adapter à la sensibilité moderne qui
est la nôtre, une foi, un message, un enseignement, une révélation, des expériences
religieuses qui nous viennent d’une tradition très ancienne et que nous ne
pouvons cependant pas écarter du revers de la main. Car ce qui nous vient de ce
passé a une portée universelle; fait partie, pour ainsi dire, du patrimoine
culturel et religieux de l’humanité; appartient à la quête humaine des valeurs,
de la vérité, de ce qui est véritablement
humain et divin en nous, mais qui est arrivé à nous enveloppé dans des mots, des
expressions, des mythes, des images, des idées, des élaborations théologiques d’une
culture et d’un monde révolus. Et puisque l’emballage ne nous plait plus, nous
nommes souvent tentés, de jeter tout le paquet avec son contenu.
Aujourd’hui nous n’attendons plus la venue d’un Dieu qui descend
du ciel partager notre condition humaine. Nous ne recourrons plus au
langage du conte religieux pour exprimer le désir de renouvellement et de
transformation que nous portons au plus profond de notre être. Il reste cependant
que l’attente de quelque chose de merveilleux, d’un événement extraordinaire
qui «vienne» changer la banalité de notre vie est toujours et encore au cœur de
nos aspirations et de nos espoirs les plus chers. Comme les humains
d’autrefois, nous voulons aussi que
notre vie réussisse. Nous voulons expérimenter, tout au long de notre existence, la
satisfaction de rencontres enrichissantes avec des «anges»; l’annonce d’un
havre de paix où nous pouvons un jour accoster
en toute sécurité le bateau de notre existence esquinté par le tempêtes de la vie; la
surprise de découvertes qui nous lancent sur des chemins inexplorés. Nous soupirons
toujours après les frissons de la passion et les extases de l’amour. Nous
voulons nous confier à des puissances divines, bénévoles et accueillantes qui nous protègent
et qui nous aident à dépasser nos peurs, qui, contre l’angoisse suscitée en
nous par notre finitude et la certitude
de notre mort, nous rassurent avec la promesse d’une vie éternelle. Nous
attendons donc tous la venue de quelqu’un ou de quelque chose qui vienne nous
rallumer et nous faire revivre. Il n’y a
pas de vie sans attente. De sorte que, lorsque plus rien ne vient à nous et que plus rien ne nous arrive,
c’est alors que l’on meurt définitivement.
Si l’attente est au cœur de notre vie; si notre la vie
est ce jaillissement merveilleux qui a pris son origine à la Source originelle de tout
ce qui existe et à laquelle les
chrétiens, à la suite de Jésus, ont donné le nom de Dieu, alors il est sensé de
penser que cette attente n’est pas sans
objet, mais qu’elle est comme la vibration causée en nous par une musique divine qui retentit quelque
part dans les profondeurs mystérieuses de cette immense univers. Ce temps de l’Avent
est donc là pour nous dire et nous rassurer que notre attente sera exaucée, et que, pour ceux qui
savent espérer et regarder, le moment viendra où ils se rendront
compte que Dieu a vraiment pris corps
dans ce merveilleux et fantastique univers.
MB
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