MÉDITATION SUR LA CROIX DU VENDREDI SAINT
La croix du vendredi saint c’est la concrétisation de la haine, de la violence et de la méchanceté humaine. La croix est tout ce qui limite la vie, qui fait souffrir, qui rend difficile l’existence à cause de la mauvaise volonté des hommes. Jésus n’a jamais cherché la croix; il a, par contre, continuellement cherché à réaliser et à vivre les attitudes, les dispositions intérieures, les sentiments afin qu’il n’y ait ni des croix ni des souffrances pour soi et pour les autres. Il a proclamé et vécu l’amour et les conditions pour qu’il puisse y avoir toujours plus d’amour en ce monde. Ceux et celles qui aiment et qui vivent pour les autres dans une attitude de disponibilité et de service, ne seront jamais des croix pour leur prochain à cause de leur égoïsme et de la piètre qualité de leur vie.
Pour Jésus la croix fut la conséquence d’un comportement libérateur et innovateur qui s’est dépensé pour lutter contre toute formes d’inégalités, d’injustice; qui s’est compromis pour défendre la dignité et la valeur des personnes; qui s’est attiré la hargne et l’hostilité des autorités à cause de son courage et de sa détermination à critiquer, à fustiger l’hypocrisie, la vanité, la cupidité des individus et des institutions autant civiles que religieuses qui, sous le couvert de Dieu et de la religion, opprimaient et exploitaient les plus faibles et les plus démunis de la société. Il a continué à aimer malgré la haine. Il a accepté la Croix parce qu’il a voulu rester fidèle à la mission qu’il pensait avoir reçue de Dieu; pour être cohérent avec lui-même, ses convictions, et le message qu’il avait annoncé. Il est donc vrai de dire que Jésus a été crucifié pour Dieu et pour les hommes.
Tous ceux et celles qui, à la suite de Jésus de Nazareth et sur son exemple, voudront s’engager sur le même chemin de libération et de contestation des structures injustes et aliénantes pour que soit possible un monde avec un peu plus d’amour, de partage, de paix et de fraternité, feront eux aussi, inévitablement, l’expérience de la croix .
Lorsque nous luttons contre la rigidité des institutions, la fossilisation des traditions, l’intransigeance des dogmes et des lois, l’attachement au statu quo et le refus de toute ouverture et de tout changement, nous rencontrons nécessairement la croix
Porter la croix comme Jésus l’a portée signifie se faire solidaires avec tous ceux qui sont en croix dans le monde entier: c’est-à-dire, avec ceux et celles qui souffrent à cause de la violence, qui sont pauvres, qui vivent dans des conditions inhumaines; qui sont bafoués dans leur dignité et leurs droits… les défendre, porter leur cause, lutter pour leur libération, nous oblige à porter la croix La croix de Jésus et sa mort ont été la conséquence de sa passion pour les petits, les démunis et les abandonnés de ce monde .
La croix constitue le lot obligatoire de tous ceux et celles qui cherchent à être des authentiques disciples du prophète de Nazareth. Suivre Jésus et porter la croix c’est la même chose. Les deux attitudes sont inséparables, au point que celui qui refuse de la porter, c'est-à-dire, de se compromettre en faveur des plus démunis de ses frères ne peut pas être considéré son disciple.
Jésus a été éliminé comme un criminel dérangeant parcequ’il a été rebelle, révolté, critique, contestataire; parce qu’il ne s’est pas conformé; parce qu’il n’a pas accepté les injustices, les inégalités, la logique du pouvoir, l’exploitation et l’oppression des plus faibles de la part des plus forts; parce qu’il a proposé une nouvelle vision du monde; une nouvelle façon d’être; un nouveau style de vie; une nouvelle conception de Dieu et de l’homme. Il a été supprimé parce qu’il a prêché des rapports basés non pas sur la stratégie de la confrontation et la politique du pouvoir, mais sur la disponibilité au service et au don de soi; sur l’attitude de l’amour, de l’accueil, de l’écoute, de la compréhension, du pardon; sur la recherche de la fraternité, de la tolérance, du respect, étant donné que nous sommes tous, pour différents que nous soyons, enfants chéris du même Dieu.
Jésus n’est pas mort pour plaire à Dieu, mais pour plaire aux hommes: parce qu’il a voulu relever le niveau d’humanité du monde, créer un monde plus juste et plus humain, afin que les hommes puissent s’y plaire davantage.
La croix est donc, d’un coté, le symbole du refus de la violation des droits sacrés de Dieu et de l’homme; un produit de la méchanceté et de la haine; et, de l’autre, quelque chose que les personnes qui luttent pour supprimer l’injustice, la souffrance et le mal , doivent porter comme une condition indispensable pour que la croix disparaisse définitivement de la face de la terre. De sorte que nous sommes tous attachés à cette croix, soit pour la porter soit pour la vaincre.
Le Vendredi Saint nous rappelle alors notre destin d’êtres humains et de chrétiens. Humains, dans la mesure où nous évitons de bâtir et d’imposer des croix; chrétiens, dans la mesure où nous luttons pour que toute forme de croix et d’aliénation disparaissent à tout jamais de ce monde sur les pas du Prophète de Nazareth..
Jésus qui a passé par tout cela, a transfiguré la souffrance et sa mort en un acte de liberté et d’amour qui se donne et, par là même, en un mouvement de confiance et d’abandon à Dieu; ce Dieu qu’il avait toujours considéré comme la source et le secret de tout amour.
C’est pour cela que cette vie donnée s’est transformée aussitôt en vie reçue en plénitude; et que cette descente dans l’enfer de la déchéance s’est transformée en un triomphe de résurrection. Autant le vendredi saint que Pâques nous apprennent que souffrir et mourir par amour c’est vivre; et que, finalement, pour vivre définitivement et pleinement, il faut être disposé à perdre sa vie.
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