POUR VOUS QUI SUIS-JE ?
(Mt 16,13-20)
Ce texte de l’évangile est habituellement interprété
comme fondement biblique ou la preuve (divine)du pouvoir du Pape dans l’Église.
« Voyez- nous disent les apologistes et les défenseurs de la primauté papale –
ici Jésus lui-même choisi l’apôtre Simon pour en faire la pierre qui assurera
stabilité et durabilité éternelle à la future église construite sur ce roc. Voyez,
Jésus ici donne à Pierre seules les clefs de son royaume, c'est-à-dire le
pouvoir et l’autorité d’ouvrir et de fermer les portes de son église;
d’emprisonner ou de libérer; de lier et de délier ; d’obliger et de permettre;
de condamner et d’absoudre. Voyez, c’est Jésus lui-même qui a voulu et établi
le pouvoir absolu du pape sur les chrétiens catholiques, sur leurs consciences et
sur leur sort éternel. Il est donc clair que la papauté est une institution d’origine
divine. Donc, ne sont pas de bons des catholiques et vont contre la volonté de
Jésus tous ceux et celles qui osent critiquer le pape ou mettre en doute ou désobéir
à ses directives. D’autant plus que le pape, qui jouit d’une assistance spéciale
de l’Esprit Saint, a été proclamé infaillible en matière de foi et de morale.
Donc la contestation du pape est inadmissible dans l’église catholique.
De mon coté, ce matin, ce n’est pas de ce point de vue
que je vais approcher ce passage d’évangile. Je vais plutôt essayer de me
mettre dans la peau de Jésus et de comprendre pourquoi, un moment donné de sa
vie, il a senti le besoin de poser cette question: « Qu’est-ce que les
gens pensent de moi ? Comment suis-je perçu par ceux qui m’entourent et qui me
connaissent ? » C’est une question légitime, importante, humaine. Une question
que tous devraient se poser à un jour ou l’autre. Car cette question nous aide à
mieux nous comprendre, à mieux nous connaitre, à voir plus clair dans notre vie
et à mesurer l’impacte que notre existence exerce sur notre milieu; elle sert à
déterminer notre empreinte écologique, pour
ainsi dire. Parce que c’est de la réponse que l’on adonne à cette question que nous
pouvons savoir si nous sommes pour notre milieu un atout ou une calamité, une
ressource ou un désastre, une source de bonheur ou de malheur; si nous sommes
sur le bon chemin ou pas; si notre vie a de la valeur ou pas; si le bilan de
notre existence est dans le vert ou dans le rouge; si nous sommes en actif ou
en passif ; si notre vie est succès ou un échec, une réussite ou gâchis.
Si nous étions tous seuls vivant dans le désert, une
telle question n’aurait évidemment pas de sens. Mais puisque notre vie se construit
par les relations que nous tissons et dépend en grande partie des relations que
nous tissons et par l’influence que nous avons sur les autres, c’est la perception
que les autres ont de nous qui nous révèle finalement à nous-mêmes et qui nous
indique avec le plus de clarté et de vérité ce que nous sommes en en réalité et
quelle est la valeur de notre existence et les répercussions de notre
comportement et de nos convictions.
On dirait que
cette question dans la bouche de Jésus est le symptôme d’un malaise ou plutôt
d’un doute de sa part. On dirait qu’il veut vérifier si son intuition et son sentiment
d’être quelqu’un qui parle au nom de Dieu a une portée réelle ou si c’est simplement
l’illusion d’un exalté et d’un visionnaire. Il veut s’assurer qu’il ne décroche
pas de la réalité et que la mission qu’il s’attribue sert vraiment à améliorer
et à transformer le monde autour de lui. En cela il nous donne un exemple de
réalisme et d’humilité. L’illusion et l’erreur sont toujours possibles dans la
vie d’une personne. Il faut savoir prendre le temps de douter, de s’interroger,
de se remettre en question, de vérifier, pour ne pas courir le risque de s’agiter
en vain. Et c’est seulement les autres qui peuvent nous ouvrir les yeux, nous signifier
ce que nous valons et nous donner l’heure authentique sur l’horloge de notre
vie.
Que de mariages, que des liaisons seraient sauvées, si
les couples étaient capables de se poser, chacun à son tout, cette question de
Jésus, afin de se voir et de s’examiner et de se régler sur le regard de
l’autre et à partir de la perception de l’autre. Ne parlons pas des
politiciens, des responsables d’entreprises et des finances, des autorités
autant civiles que religieuses (pape, évêques, curés …). Quels bienfaits ils en
retireraient, pour eux et pour la tâche qu’ils accomplissent s’ils étaient
capables de se mettre à l’écoute de l’autre et surtout à l’écoute de ce que les
autres pensent de leurs idées et de leurs agissements et de s’y ajuster.
Et si Jésus a l’humilité et le courage de nous poser
cette question (« qui suis-je pour toi »), quelle est notre réponse, en toute
sincérité? Pierre, emporté par sa fougue, son ardeur et son cœur a tout de
suite trouvé sa réponse: « Pour moi tu es mon Messie, mon libérateur,
mon champion et mon Dieu ! » Toute une réponse !!!! Pourrions-nous en dire
autant? Je suis sûr que oui, au moins nous qui sommes ici, ce matin, en cette
église. Car, si nous sommes ici, c’est parce que nous avons découvert et trouvé
en lui un idéal de vie, une source d’inspiration, un modèle de liberté, un maitre
qui nous a ouvert les yeux du cœur et de l’esprit sur ce que nous sommes au fond
de nous-mêmes et sur ce que nous valons ; qui nous a révélé notre grandeur et
qui nous a introduit dans la connaissance et la constatation de cet amour divin
qui nous a englobe de fond en comble, qui transforme toute notre vie et qui
colore d’une nouvelle lumière les relations que nous entretenons avec le monde,
la nature et nos frères humains. Nous ne serions pas ici si nous ne sentions pas
de l’attachement et de l’admiration pour cet homme qui représente désormais
pour nous la présence des l’esprit et de la vie de Dieu en notre monde. Nous ne
serions pas ici si nous n’étions pas convaincus que sa parole, se convictions,
les valeurs qu’il transmet possèdent le secret de la transformation et du salut
du monde. Pour nous aussi, comme pour Pierre, il est le Messie et le Fils du
Dieu vivant.
MB
(21 dim .ord. A – Mt 16,13-20)
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