Le Jésus des « béatitudes
» ou une étonnante « singularité »
(6e dimanche ord. C – 2022)
Le passage sur les « béatitudes » (surtout celui de
l’évangile de Matthieu (5,1-12) se place à mon avis, parmi les textes les plus
surprenants, les plus explosifs et, finalement, les plus beaux et émouvants de
la littérature universelle à cause de l’énorme charge humaine de ses contenus. La désorientation psychologique que l’approche
de ce texte suscite dans notre esprit, avec d’autres textes semblables des
évangiles sur le pardon, sur l’amour des
ennemis, le père prodigue, l’obole de la veuve, le bon samaritain, la prostitué
aux pieds de Jésus, la femme adultère, la condamnation du pouvoir et le rejet
de la richesse etc., pousse aujourd’hui
beaucoup de penseurs (chrétiens et autres) à s’interroger sur l’origine du
message que ce genre de littérature
cherche à transmettre et sur la
nature de la personne de Jésus de Nazareth à qui ce message est attribué.
Ces penseurs (anthropologues, scientifiques, philosophes et
théologiens) cherchent à comprendre pourquoi, comment, par quel phénomène, à un
moment précis de l’histoire humaine, a pu
apparaître cette façon totalement nouvelle, impensable, «insensée», presque « sur-humaine », de concevoir les relations entre les humains. Il
s’agit, en effet, de relations exclusivement enracinées dans la proposition
inouïe d’un amour gratuit, inconditionnel et total qui se situe aux antipodes des relations humaines « normales » dictées par la lutte pour la
survie, la peur, la violence, la recherche du pouvoir, l’oppression et
l’exploitation des plus faibles par les plus forts.
De sorte que ces penseurs sont d’avis que nous nous trouvons ici
face à ce qu’ils appellent un virement
évolutif dans la qualité des rapports humains ou, mieux, face à une émergence cosmique [1] qui marque le début de nouvelles
possibilités et qui est à l’origine d’une nouvelle manière humaine d’exister sur notre
Planète et qui aurait pris corps et se serait manifestée avec une
intensité unique dans la personne de Jésus de Nazareth.
Jésus de Nazareth incarnerait alors un genre de « singularité » où les énergies «
amoureuses » et attractives à l’œuvre dans l’Univers se seraient concentrées et sublimées pour se manifester et s'exprimer sous la forme de sentiments et d’attitudes
humaines d'un amour gracieux, désintéressé et inconditionnel libéré de toutes
les scories de l’égoïsme, de la haine, des hostilités et des autres bassesses
humaines.
En
tant que chrétiens, nous sommes aujourd’hui enclins à penser que cette nouvelle
qualité d’amour apparue en Jésus et de laquelle Jésus a pleinement et
totalement vécu, Jésus l’a aussi annoncée comme le seul
sentiment digne d’un être humain et comme la seule force capable de conduire
l’humanité sur les chemins d’une authentique sagesse, d’une meilleure justice,
d’une plus grande bonté et d’une globale fraternité.
De sorte que, à la suite de Jésus et en connexion de cœur et
d’esprit avec lui, les humains sont maintenant capables de construire leurs
relations sur une nouvelle qualité d’amour. Un amour que Jésus a rendu visible et concret dans sa personne et dans ses actions, certes, mais qu’il a également annoncé comme une énergie qui a toujours été présente dans les profondeurs les plus
secrète de chaque humain comme source colmatée et que sa présence est venue dégager et activer.
C’est pour cette raison que la figure de Jésus possède une
valeur universelle. Beaucoup de penseurs aujourd’hui sont d'avis que, dans l’histoire de l’humanité, Jésus de Nazareth a expliqué la fonction d’un
puissant « stimulateur » appliqué à notre exsangue humanité, qui a fait battre
à nouveau notre cœur et qui a ravivé en nous les immenses capacités amoureuses
que nous possédons, restées longtemps inactives, car ensevelies sous les
débris d’une qualité humaine de vie à peine ébauchée.
Depuis Jésus et grâce à lui alors une nouvelle porte
s’ouvre et une nouvelle espérance surgit pour les humains quant à la
possibilité de retrouver à nouveau sur cette terre la communion amoureuse, la
paix et le bonheur du paradis perdu.
En effet, i l’amour circule abondamment et
continuellement entre nous, voilà que ceux qui ont faim se sentirons bien
heureux, car ils seront rassasiés. Voilà que ceux qui pleurent se sentirons
bien heureux, car ils retrouveront leur sourire et leur joie. Voilà que ceux
qui sont injustement persécutés, bannis, détestés, outragés et exploités, se
sentirons bien heureux car, dans l’amour de leurs frères, ils trouveront enfin accueil,
aide, compassion et valeur.
Le mouvement chrétien issu de Jésus de Nazareth ne propose donc pas
des croyances, des dogmes, des doctrines, mais exclusivement un grand amour et
un grand rêve pour le progrès évolutif de l’humanité entière.
C’est
à cause de cette qualité d’amour réveillé dans le cœur des humains que Jésus de Nazareth est et restera une saisissante « singularité », un point de
référence et un maître exceptionnel de spiritualité et d’authentique humanité pour
tous ceux et celles qui ont eu la chance
et la « grâce » de rentrer dans le champ de sa gravite et de subir l’attraction
de son Esprit.
C’est à cause de l’impact unique de la vie et de l’action de de Jésus totalement imprégnées et sublimées par l’amour , que le «Prophète» de Nazareth sera
perçu par ses contemporains comme un individu extraordinaire, comme un don du
ciel et, par beaucoup, comme un être « divin » dans lequel une qualité « divine » d’amour a
pris chair et nous a été révélée.
Mori
Bruno
Montréal 3 février 2022
[1]
Dans le langage de l’astrophysique le terme « émergence » sert à indiquer
l’apparition (ou le surgissement) de nouvelles entités ou des nouvelles formes
d’être et d’exister de
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