(18e dim. ord. – Jn 6,24-35)
Nous savons aujourd’hui que le processus évolutif du
cosmos et des espèces vivantes sur la terre se réalise à travers une suite
ininterrompue d’échecs et de réussites, de bouleversements apocalyptiques et de
fabuleux accomplissements. Ainsi, assistons-nous, au cours de l’histoire de
l’humanité, à l’apparition continuelle et régulière autant de déchets que de
chefs d’œuvre d’humanité; à des individus qui font honte et déshonneur à la
race humaine et à d’autres qui en sont la gloire et l’orgueil. Nous voyons
apparaître des personnages lugubres que l’on souhaiterait n’avoir jamais
existés parce qu’ils ont obscurci et barbarisé l’histoire humaine par l’horreurs
de leurs crimes et de leurs méfaits. Mais, nous assistons
aussi à l’apparition de figures d’hommes et de femmes qui sont comme des étoiles
qui surgissent au hasard des énergies attractives qui modulent la conformation
de l’Univers et qui pendant des millions d’années éclairent de leur lumière
l’immensité des espaces galactiques.
Ainsi, parmi les ratés de l’évolution humaine et pour
rester seulement dans un passé récent, pensons, par exemple, aux tristes
personnages de Hitler, Staline, Mao Zedong, Pol-Pot; ou, plus proche de nous,
aux membres des mouvements intégristes islamiques du Moyen Orient (talibans, état
islamique), à certains tyrans de pays africains, à certains présidents des
grandes puissances modernes…
Parmi les réussites de l’évolution humaine, nous
pouvons nommer des figures comme Bouddha, Lao, Platon, Jésus, Teresa d’Avila, Dante
Alighieri, Michelangelo, Shakespeare, Mozart, Beethoven, Martin Luther King, Kierkegaard, Gandhi, Einstein, Nelson
Mandela, Drewermann, Leonardo Boff, etc.
….. Ces personnes sont des modèles et
des sources d’inspiration pour tous les humains. Ils sont des phares qui
éclairent et indiquent le chemin à parcourir. Ils sont des faiseurs d’espérance
et de beauté ; des prophètes qui annoncent la possibilité d’un monde nouveau,
différent et meilleur. Ils sont les détenteurs d’une réelle sagesse. Ils nous
communiquent des intuitions et des visions singulières sur la Réalité. Ils nous
dévoilent de rêves et de projets inédits, souvent déstabilisants, certes, mais
ayant le pouvoir d’interpeller, de faire réfléchir, de poser et de proposer des
défis et d’inviter la race humaine sur des chemins jamais parcourus, afin de la
faire progresser vers des horizons plus vastes et vers des réalisations et des
formes plus accomplies d’humanité.
Jésus de Nazareth fait partie de cette catégorie
d’humains particulièrement inspirante et réussie. C’est comme cela qu’il a été
perçu par ses admirateurs et qu’il a été présenté dans la littérature
chrétienne du premier siècle. Ainsi, les auteurs chrétiens des évangiles le décrivent-ils
comme l’homme qui a su réaliser dans sa personne la synthèse la plus complète
et la plus parfaite des qualités humaines, au point de le considérer comme une
merveille et un miracle d’humanité; comme un homme venu de Dieu; comme un don
du Ciel aux hommes ; comme le mètre et la forme sur lesquels chacun de nous devrait désormais se mesurer et se
modeler pour réussir la construction de sa propre humanité. Ainsi, pour ces
auteurs anciens, Jésus est l’«Homme» et le «Maître» par excellence, sur la
parole, l’enseignement et l’esprit duquel tout humain pourrait conformer et
modeler sa vie.
Voilà pourquoi, dans le texte d’évangile que nous
venons de lire, l’évangéliste Jean, friand d’images et de symboles comme tous
les auteurs anciens, présente Jésus comme pain, nourriture, source d’eau vive, lumière
que chacun doit chercher, s’il tient à satisfaire sa faim et sa soif d’absolu,
de vérité, de gratification, de sens, de bonheur : faim et soif que chaque être
humain, normalement constitué, un jour ou l’autre, ressent dans les profondeurs
de son cœur.
Jean, avec les autres auteurs chrétiens du premier
siècle, a vu en Jésus un exemplaire d’homme tellement accompli, que son exemple, la réflexion sur les principes,
les convictions, les attitudes, les forces et les virtualités qui ont régit sa
vie, peuvent grandement aider et inspirer ceux et celles qui, dans une attitude
de confiance amoureuse et admirative, acceptent de l’adopter comme référence
ultime et source d’inspiration, dans le
but de bâtir leur existence sur le modèle et la forme de son humanité.
L’évangile (d’aujourd’hui) nous assure que les
chrétiens qui acceptent de suivre ce Maître et de se modeler sur son esprit,
deviendront des nouvelles créatures, des personnes d’une qualité «supérieure». Non
plus des individus renfermés sur eux-mêmes, exclusivement occupés et préoccupés
à mettre sur pied leur petit bien-être et leur petit bonheur personnel;
individus qui accumulent et consomment des «choses», et dont les intérêts
restent limités à la satisfaction de leurs besoins primaires et biologiques…
L’évangéliste Jean nous assure que les humains qui
cherchent Jésus pour le pain qu’il peut leur offrir, pourraient avoir la
possibilité de devenir des individus différents : ouverts, capables d’avoir
faim et soif de valeurs moins terre à terre, plus élevées et plus
spirituelles. Ce qui signifie que l’imitation du Maître de Nazareth peut
faire de nous des individus capables de spiritualité; c’est-à-dire,
capables de s’intéresser à des réalités et à des contenus autres que ceux
concernant uniquement le manger, le gagner, le posséder, l’accumuler, le
consommer, l’avoir du bon temps et du plaisir.
La fréquentation du Nazaréen peut nous conduire à prendre
conscience que, en tant qu’humains, nous avons un destin particulier en ce monde
; que nous sommes appelés à y vivre à un
niveau de conscience supérieure; qu’il y
a en nous quelque chose qui nous fait différents des animaux, puisque nous
sommes capables de réflexion, d’émerveillement, de don de nous-mêmes,
d’altruisme, de bonté, de tendresse et d’amour. Puisque nous rions, nous
pleurons, nous espérons, nous désirons, nous nous languissons, nous sommes
toujours insatisfaits. Puisque nous sommes porteurs d’une profondeur et d’un
mystère qui nous dépasse et que, à cause de cela, nous pouvons nous interroger sur
les raisons de la présence de la souffrance, du bien et du mal; sur le sens et
le but de notre vie et de notre mort;
être assez sensibles spirituellement pour vibrer en consonance avec la
Réalité ou le Mystère Ultime que nous appelons «Dieu».
La fréquentation de ce Maître peut nous aider à mieux
nous orienter dans la vie, à découvrir les comportements, les projets, les quêtes
et les conquêtes qui donnent vraiment consistance, qualité et profondeur
à notre existence et qui nous bâtissent en tant que personnes riches d’une
authentique sagesse et d’une attachante forme d’humanité : une humanité
qui se manifeste et se déploie comme bienveillance, bonté, compassion, partage, tolérance, attention
et soin, autant en faveur de nos frères humains, qu’en faveur et pour le
bien-être et la santé de notre Planète.
C’est pour cela que Jean fait dire à Jésus qu’il peut
nous donner un pain capable de nous maintenir en vie pour toujours, maintenant
et pour l’éternité. Ce texte veut finalement nous faire comprendre que le pain
qui donne vie n'est pas le pain qu'on reçoit et qui se mange, mais le pain qui
se donne. Si tu es épris de sa personnalité ; si tu es animé par son esprit, si
tu deviens le bon pain qu’il a été, tu sauras ce que signifie vivre pleinement.
Si tu te donnes, tu t’accompliras et tu seras heureux Si tu retiens tout pour
toi et ne donnes rien de toi, tu te perdras; ta vie sera vide, tu t’appauvriras
en humanité et tu seras un individu mesquin, triste et seul.
Cet évangile nous place donc aujourd'hui face à un
défi radical : quelle est ma lumière, ma nourriture, mon eau ? Autrement dit:
qui est le Seigneur de ma vie? Où puis-je trouver la source véritable de mon
humanité ?
(
Bruno Mori – 2 aout 2018)
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