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lundi 11 mars 2013

Père et fils prodigues


Tout ce chapitre 15 de Luc est une réponse de Jésus aux pharisiens et aux scribes qui lui reprochent d'être constamment entouré de pécheurs et de collecteurs d'impôts qui viennent l'écouter et, pire encore, de leur faire bon accueil et même de manger avec eux. Alors Jésus raconte plusieurs paraboles pour tenter de leur faire comprendre la raison de son attitude : tout d'abord la parabole de la brebis égarée et retrouvée, puis la pièce de monnaie retrouvée et enfin celle qui nous intéresse aujourd'hui du fils retrouvé. Toutes ont pour même thème la joie de retrouver ce qui était perdu, plus particulièrement elles expriment la joie provoquée par la conversion d'un pécheur, la morale catholique parlerait d'un pécheur qui est rentré dans le droit chemin.

Quand nous lisons ces paraboles avec notre logique humaine, il faut avouer que nous sommes interpellés par le comportement du berger ou du père, cela nous dérange un peu, nous heurte quelque part, cette idée du berger qui est prêt à laisser ses 99 brebis pour aller chercher celle qui s'est égarée, et ce père qui fait une grande fête pour ce fils ingrat qui a tout dilapidé. Au fond nous comprenons un peu la réaction du fils aîné, celui qui est resté bien sagement avec son père, qui se met en colère, qui est jaloux de l'accueil chaleureux que son père fait au retour du fils cadet qui s'est pourtant mal conduit. Est-ce que ce n'est pas un peu injuste quand même ?, se demande la personne bien pensante.
Mais l'Amour de Dieu ne suit pas la même logique que la nôtre, car l'Amour de Dieu dépasse tout ce que nous pouvons imaginer, il est bien au-delà de nos mesquineries, de nos jalousies, de nos étroitesses de cœur et d'esprit... C'est un Amour infini qui se répand, qui se donne, sans aucune limite, contrainte ou condition, qui n'attend rien en retour.... c'est un Amour provenant d'un cœur dilaté à l'infini... C'est un Amour qui est diffusé, qui est donné à chacun et à chacune d'entre nous, peu importe ce que nous sommes ou avons fait.

Autant le fils est prodigue car il dépense son argent follement, sans compter, autant le père est prodigue lui aussi, mais dans sa manière de donner son amour, sans mesure.

Cette parabole peut donner l'impression que le père préfère le fils perdu et retrouvé à l'autre qui est resté avec lui, qu'il lui manifeste plus d'amour, de même on pourrait avoir le sentiment que le berger préfère la brebis perdue vu qu'il est prêt à abandonner les 99 autres pour aller la chercher. Mais ce n'est pas une question de préférence, puisque l'amour de Dieu est donné sans limite, de manière égale à tous, c'est seulement l'expression de sa joie folle de retrouver un enfant perdu.

La brebis égarée aurait pu rester dans la sécurité du troupeau comme les autre et le fils prodigue aurait pu, comme son frère, ne jamais quitter la chaleur et le confort du foyer parental, bien à l'abri de tout, de la souffrance et des tentations. Mais ils ont décidé de partir à l'inconnu, de vivre leur propre destin, de prendre des risques, de découvrir de nouvelles choses, ils ont suivi leurs désirs, ils se sont trompés, ils sont tombés, ils se sont relevés, ils se sont perdus, ils ont eu peur, ils ont été désespérés, ils ont pleuré, mais ils ont aussi vécu, fait des rencontres, des découvertes, ils ont appris de leurs erreurs, ils ont ri, ils ont fait la fête, ils ont aimé.... N'est-ce pas là simplement une représentation de la vie, la vraie ? Personne ne peut vivre vraiment, vivre pleinement s'il reste toute sa vie fondu dans la masse ou s'il ne parvient pas à se détacher et à se démarquer de ses géniteurs. Peut-on réellement passer une vie sans prendre de risques, sans faire d'erreurs ? Chacun doit faire des choix, trouver sa voie, son identité, son propre chemin pour chercher à s'accomplir et peut-être trouver le bonheur, mais ceci n'est possible qu'au prix de risques, d'essais et d'erreurs et de souffrances aussi.

Notre fils prodigue quant à lui a fini par tout perdre dans sa quête de liberté, il s'est pas mal fourvoyé. Mais c'est justement lui, plutôt qu'un autre pour lequel le chemin vers le bonheur aurait été sans trop d'embûches, qui a besoin d'aide. 

La brebis perdue seule dans le désert, loin de son troupeau qui a faim et soif, qui est perdue, qui ne sait plus où aller, qui erre dans le néant... Le fils prodigue qui loin de chez lui se rend compte qu'il a fait des erreurs, qu'il a tout perdu, qu'il n'a plus rien à manger... Ils commencent à ressentir le mal du pays, c'est a dire qu'ils ressentent le désir de retrouver leur chez soi, leur berger, leur bon Père, leur sécurité, leur source, mais ils ne savent pas comment...

Ce sont eux, dans ces moments là, qui ont le plus besoin d'être rassurés, plus que ceux qui sont restés bien au chaud dans le confort de leur troupeau ou de la maison familiale qui, déjà bien avec eux-mêmes, contents d'eux-mêmes, ne manquent de rien et se savent aimés de Dieu... 
Ce sont eux qui ont besoin de réconfort, qui ont besoin d'un signe, de quelqu'un ou de quelque chose qui leur montre que Dieu les aime quand même, malgré tout ce qu'ils ont à se reprocher... Ce sont eux qui ont le plus besoin de sentir la présence de l'Amour de Dieu, car seuls ils ne sont plus capables de la voir, de la sentir...
Ce sont eux qui ont besoin de croiser sur leur chemin une personne comme Jésus qui va leur affirmer que chacun est un trésor pour Dieu, qu'ils sont tous enfants de Dieu, qu'ils sont foncièrement et fondamentalement acceptés par un Dieu père qui les aime, même s'ils ont commis des erreurs et peu importe leurs égarements. Ils ont grand besoin de trouver sur leur route quelqu'un qui les rassure quant a leur valeur et à leur dignité perdue.

C'est cela le message que Jésus a travers ces paraboles tente de faire comprendre aux pharisiens et la raison pour laquelle il se tient tout le temps avec des ''pécheurs''.

Qui sait peut-être que le fils prodigue, dans son moment de découragement, a eu la chance de rencontrer un Jésus, une personne capable de l'aider à se relever, et a reprendre courage pour reprendre sa route. Quoi qu'il en soit, ce fils a en effet, après une prise de conscience de ses erreurs (''rentrant alors en lui même ''), été capable de se relever, de dépasser son sentiment de culpabilité ou sa honte, et de prendre la décision de revenir chez son père  ('' je vais aller chez mon père et je lui dirai j'ai péché envers toi et le ciel''). Au lieu de rester là anéanti par la honte de son échec, il a trouvé la force de se redresser, d'accepter et de laisser derrière lui ses erreurs passées, et de reprendre sa route pour aller se jeter dans les bras de son père. Il a eu suffisamment de confiance en l'amour et le pardon de son père et suffisamment d'humilité pour revenir à son père pour tout lui avouer et lui demander sincèrement pardon ("père j'ai péché contre toi et le ciel").

Et c' est pour cette raison que le père est fou de joie de retrouver son fils. Car en bon père il connait le cœur de son fils, il sait sa souffrance et ses égarements, il sait que la culpabilité paralyse, qu'elle est comme une mort, mais son fils a appris de ses erreurs et il a changé, il s'est relevé et il a été pardonné, c'est à dire qu'il est à nouveau bien avec lui-même et avec Dieu. Le voici revenu au sein de l'amour de son père, le flux d'amour entre lui et son père a été restauré et le père en est tellement heureux  ("il fallait festoyer et se réjouir car ton frère que voici était mort et il est vivant, il était perdu et il est retrouvé'').

En fin de compte, ce qui compte vraiment c'est que nous apprenions de nos erreurs et qu'elles nous aident à grandir, à nous améliorer, plutôt qu'à nous rabaisser, et que notre cheminement, au travers de nos égarement plus ou moins importants, finisse toujours par nous ramener au sein de l'amour de Dieu.

Dans nos égarements, nous nous éloignons de Dieu, nous nous coupons de notre Source, de notre vrai moi, notre âme est meurtrie et nous en souffrons, nous sommes en quelque sorte les premières victimes de nos propres fautes, mais n'oublions jamais que Dieu Lui durant tout ce temps est toujours là, son Amour pour nous est toujours là, comme le berger et le bon père, il nous cherche et il ne fait qu'attendre notre retour. Tout ce que nous avons à faire c'est d'avoir suffisamment confiance en Lui pour aller nous jeter dans ses bras.

Susanne Emery

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