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mardi 11 septembre 2012

VAS DE L’AVANT… TES FAUTES ONT ÉTÉ PARDONNÉES


 (Marc 2, 1-12)

Ce texte de l’évangile, au-delà de l’anecdote amusante et curieuse, veut nous transmettre des informations importantes sur notre monde intérieur et susciter une réflexion sur la nature et la qualité de notre existence. Il faut évidemment savoir lire entre les lignes et interpréter les gestes et les faits dont l’évangéliste se sert pour nous communiquer son message...
L’évangéliste nous présente  un  homme paralysé. Cet homme est une loque. Il n’a pas de nom. Il n’agit pas. Il ne réagit pas. Il ne dit rien; il ne demande rien; il n’intervient jamais. Ce sont les autres qui font tout pour lui. Il est évident que pour Marc l’infirmité de cet homme n’est que le symptôme extérieur d’un mal intérieur. Et c’est d’ailleurs de cette façon que Jésus l’interprète aussitôt que le malade est déposé devant lui. Il y a plusieurs aspects dans ce récit sur lesquels je  voudrais attirer votre attention.

Il ya d’abord cet homme paralysé qui est évidemment ici la personnification de toutes nos paralysies, de nos blocages, de tout ce qui en nous nous attache, nous emprisonne et nous empêche d’être des personnes indépendantes, autonomes, capables de marcher toutes seules, de se tenir debout, droit, sans besoin d’être transportées, d’être à la remorque des autres, d’obtenir l’approbation des autres.

Je me souviens quand j’étais plus jeune, j’avais tellement peu de confiance en moi-même, j’avais tellement peur de me tromper, de prendre de mauvaises décisions, que j’avais toujours besoin de me sentir appuyé par les autres, mes supérieurs, les responsables, et de chercher toujours leur approbation. Je n’étais pas  capable de marcher. J’avais toujours besoin de m’agripper, de m’appuyer sur quelqu’un. Je manquais de confiance. J’étais vraiment un paralysé.

Nous sommes tous plus au moins bloqués, paralysés ou par notre vécu antérieur, ou par des problèmes irrésolus qui remontent de notre enfance (nos inhibitions, nos refoulements) ou par nos peurs ou par le manque de confiance en nous-mêmes. Souvent ce blocage arrive parce que nous pensons que nous ne sommes pas des personnes «bien», que nous sommes poqués, tarés, mal construits quelque part ou parce que nous portons en nous le souvenir d’échecs antérieurs; les blessures de gaffes, de fautes, d’erreurs anciennes (ou récentes) qui nous établissent dans un état de crise intérieure permanente, de remords, de perception négative de notre personne;  qui nous poussent à penser et, souvent, à nous comporter comme si nous étions des ratés sans espoir et sans futur. 
Souvent nous acceptons d’être les victimes de nos remords, de nos regrets, de nos erreurs ou de nos fautes et nous n’osons plus vivre pleinement. 

J’ai connu une fille qui lorsqu’elle était petite a été écrasée par son père, un homme autoritaire, sévère et violent. A la maison elle n’avait pas le droit de parler, de s’exprimer sans être reprise, grondée, calée, ridiculisée: elle était sotte, stupide, sans cervelle. Pour mériter l’affection de son père elle se mettait en quatre pour lui plaire, lui rendre service; elle ne pensait jamais à elle-même, elle endurait tout; pour satisfaire son père à l’école elle était la meilleure de la classe, mais lorsqu’elle lui apportait son excellent bulletin, il la traitait de médiocre, elle aurait pu faire mieux, obtenir de meilleures notes… Ce père a tellement tué en elle la spontanéité et l’estime de soi, que cette femme aujourd’hui encore n’est pas capable de vivre pour elle même; elle est une perfectionniste qui, pour mériter de vivre, pour acquérir l’approbation, la bienveillance et l’amour des autres, brûle les deux bouts de sa chandelle. Elle pense que c'est le prix à payer pour justifier son existence. Elle a peur de sortir, de se présenter en publique, elle cherche toujours à s’effacer, à passer inaperçue, à disparaître, parce qu’elle est convaincue que, de toute façon, jamais elle ne pourra susciter l’attention,  l’intérêt ou l’affection  de qui que ce soit. Voilà une autre personne paralysée!

J’ai connu une femme qui s’était mariée très jeune et contre l’avis de ses parents qui n’aimaient  pas le type avec lequel  elle s’était liée. Elle leur avait répondu que ce n’était pas eux qui devaient l’aimer. Bon! C’était le coup de foudre, la grande passion, l’amour de sa vie, le bonheur garanti  pour le reste de ses jours et elle ne voulait pas le  rater…. Au bout de six mois elle dû se refugier  dans la maison de ses parents … son mari s’était révélé être un voyou, un profiteur, un fainéant et  un coureur de jupes …Bref ! Séparation, divorce et tout l’éventail des sentiments qui peuvent surgir après une tel échec dans le cœur d’une femme: déception, peine, regret, désenchantement, culpabilité...  Aujourd’hui encore, après dix ans, cette femme est toujours célibataire...  Elle n‘ose plus se lancer dans une nouvelle expérience amoureuse de peur d’être déçue et de souffrir à nouveau.  Elle est paralysée par la peur d’une nouvelle relation et marquée pour toujours par les séquelles d’une erreur.

J’ai remplacé pendant un mois l’aumônier d’un centre de détention à Rivière des Prairies. Une expérience inoubliable! Je suis entré en contact avec des voleurs, des violeurs  et des meurtriers. Savez-vous ce qui était commun à tous ces détenus, ce qui reliait ensemble tous ces «pécheurs» ? La constatation que leur faute avait  ruiné leur vie et qu’ils ne pourraient  plus jamais vivre une vie normale dans le futur. Leur «péché» avait, pour ainsi dire, comme bloqué, arrêté, paralysé leur vie. Leur faute, leur péché, constituait pour ainsi dire le brancard sur lequel ils se sentaient, dans leur esprit, à tout jamais cloués .

En général, nous sommes tous plus au moins bloqués par nos peurs. Et il y a autant de paralysies qu’il y a des peurs. La peur de la pauvreté et du manque nous immobilise dans l’égoïsme, l’avidité et la convoitise. La peur de l’infériorité nous arrête au soin de notre ego, de notre ambition et de notre réussite ; la peur du refus bloque notre spontanéité, nous fige dans le servilisme et une dépendance aliénante. La peur de perdre la santé ou la sécurité bloque notre plaisir de vivre: nos sorties, nos voyages, nos contacts, nos expériences, notre goût pour l’aventure. Lorsqu’on a peur, on se dit : «laisse faire, laisse tomber, ce n’est pas la peine, ne  risque pas,  reste tranquille, ne bouge pas, c’est trop dangereux …» et ainsi on vit au relenti, ont vit couché, étendu sur le brancard de nos peurs, de nos erreurs et de nos refoulements.

Vous comprenez alors quelle transformation est capable d’opérer dans la vie de ces personnes engourdies par la faute ou paralysées par la peur la rencontre avec Quelqu’un qui soit capable de faire naître en eux la confiance et l’espérance; qui  soit capable de les conduire à apprivoiser et à accepter leurs erreurs  et de les convaincre que leurs «péchés» ne sont pas une calamité permanente, un désastre irréparable qui doit inévitablement ruiner leur existence pour toujours et les empêcher d’envisager ou d’entreprendre un nouveau commencement. Quelle grâce si nous pouvons rencontrer Quelqu’un qui réussit à nous convaincre que nos fautes sont en arrière de nous et qu’elles n’existent plus, car elles ont été effacées, pardonnées depuis longtemps au prix de nos larmes, de nos remords, de nos souffrances et surtout et certainement grâce à la miséricorde et à l’amour d’un Dieu-Père qui déteste voir souffrir ses enfants.

C’est la grâce qui est arrivée au paralysé de l’évangile d’aujourd’hui. Jésus lui dit: «Les fautes qui te bloquent, les erreurs qui te paralysent et qui font de toi un fossile, un passif, un prostré, une personne sans nom, sans voix, incapable de se tenir débout, de marcher, de foncer dans la vie, sont pardonnées. Tu n’as plus le droit de te laisser anéantir par ton passé…Arrête de te considérer une victime... arrête de te morfondre dans ta culpabilité… lève-toi donc… mets-toi debout,... la tête haute…, va de l’avant… marche…!!!  Je ne te dis pas d’oublier les fautes, les erreurs de ton passé, mais tu ne dois pas permettre qu’elles deviennent le brancard sur lequel tu continues de t’écraser, de t’aplatir, parce que tu penses que tu ne mérites plus une autre chance dans la vie. Prends donc ton brancard  avec toi et marche avec lui, c'est-à-dire, vis avec le souvenir de tes erreurs, de tes fautes et de tes péchés qui ont bâti en toi une humilité, une sensibilité et une sagesse qui te permettront dorénavant d’avoir sans doute une vie meilleure.

Je voudrais dire un mot sur ces porteurs anonymes qui ont fait l’impossible pour que le malade rencontre le Seigneur. Ils sont là pour nous dire que dans la vie nous avons besoin des autres et que souvent nous ne réussissons pas à nous en sortir sans la présence de ces anges qui nous aiment, qui croient en nous et qui prennent soin de nous. Ces anges nous regardent avec les yeux de la tendresse et de l’amour; ils voient en nous ce que nous ne voyons pas et ils nous perçoivent bien plus beaux que nous pouvons nous voir nous-mêmes. C’est en nous regardant dans leurs yeux que nous pouvons découvrir la beauté qui est en nous et nous réconcilier avec nous-mêmes. C’est grâce à eux que nous pouvons aller notre chemin sans trop trébucher; c’est à eux qui nous devons une grande partie de notre bonheur. La croyance religieuse  populaire  affirme que chacun de nous est accompagné et gardé par des anges. J’en suis  profondément convaincu, car dans ma vie je les ai rencontrés maintes et maintes fois. Chacun de nous en a plus qu’un à ses cotés de ces anges toujours présents quand les autres sont absents; qui s’approchent quant les autres s’éloignent; qui nous accueillent quand les autres nous  abandonnent; qui nous excusent quand les autres nous accusent; qui nous soutiennent et nous portent de leur dévouement, de leur amour et de leur tendresse chaque fois que nous nous plions sous le poids de l’existence. Ces anges sont des véritables messagers de Dieu. Ils sont là pour nous rappeler la valeur de notre personne, malgré tous les revers  que nous pouvons subir et pour nous faire toucher de la main cet amour inconditionnel avec lequel Dieu enrobe toute notre existence. Finalement les anges sont là pour nous faire marcher à la rencontre de l’Amour. 

BM

(7e dim. Ord. B)

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