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mardi 11 septembre 2012

IL FAIT ENTENDRE LES SOURDS ET IL FAIT PARLER LES MUETS…



( 23 dim. ord. B 2012 - Marc 7, 31-37)

Le cœur du message de Jésus de Nazareth consiste dans l’amour de l’autre. Jésus disait: «C’est à cela que le gens reconnaîtrons que vous êtes mes disciples, à l’amour que vous aurez les uns pour les autres». Pour le Nazaréen, l’ouverture, l’empathie, l’affection que l’on porte à notre semblable sont plus importants que  l’adoration et le culte rendus à Dieu ou que la soumission à sa «volonté» et à sa Loi. Et cela est vrai à un tel point que, pour Jésus, l’amour du prochain est le seul moyen que nous avons à notre disposition pour manifester notre amour envers Dieu et que toute proclamation ou affirmation religieuse de piété vis-à-vis de Dieu, qui ne se traduit pas en charité fraternelle et qui ne s’accompagne pas d’intérêt, d’ouverture et  d’amour envers l’être humain, n’est que mensonge et hypocrisie.

Si donc l’amour pour les autres constitue le cœur du message du Maître de Nazareth, nous comprenons le souci, la préoccupation de Jésus à vouloir que ses disciples soient des gens ouverts, accueillants et l’effort qu’il a mis à les guérir de leurs surdités, de leurs insensibilités, de leurs enfermements et de leurs égoïsmes. C’est le sens et le message de l’anecdote de la guérison du sourd-muet  relaté par l’extrait évangélique de ce dimanche. En règle générale, on constate que, dans les évangiles, l’attitude fondamentale qui est requise de la part de ceux et celles qui veulent entrer  dans la dynamique spirituelle du Maître est celle de l’écoute. «Qui a des oreilles pour écouter, qu’il écoute!», devient la consigne et le mot d’ordre pour être un authentique disciple et pour accueillir le salut de Dieu apporté par Jésus: écouter la parole, écouter la voix du frère dans le besoin, écouter le Fils bien-aimé... Écoute qui est synonyme d‘accueil, de confiance, d’intérêt et, finalement, d’amour. Si dans les évangiles l’accent est mis avec tellement d’emphase sur la nécessité de l’écoute pour se réaliser en tant qu’humains et pour se sauver, cela est dû au fait que, généralement, cette capacité fait défaut chez beaucoup de gens et que, à cause de cela, leur vie risque de « tomber en ruine». Dans les évangiles  Jésus est présenté comme celui qui, stimulant notre capacité d’aimer, nous convie à une attention et à une sensibilité plus grandes envers nos semblables, et donc comme celui qui active, d’une façon inégalée et toute nouvelle, notre capacité d’écoute des autres et d’ouverture aux autres.

L’écoute est en effet la seule façon que nous avons d’entrer en relation avec une personne. L’écoute est la seule porte par laquelle l’autre peut entrer en nous et dans notre vie. C’est par l’écoute de ce qu’il me révèle de lui, que je peux le connaître, découvrir et sentir son âme et lui permettre d’affecter la mienne. C’est par l’écoute de l’autre que je l’accueille, que je reconnais sa valeur et son importance, que je m’enrichis de tout ce qu’il m’apporte et que je lui permets de s’affirmer en tant qu’individu unique, en lui faisant découvrir sa grandeur et son immense dignité. Car c’est par mon écoute que l’autre se sentira accueilli, remarqué, accepté et donc reconnu et donc compris et donc valorisé et donc apprécié. C’est grâce à mon accueil et à mon écoute qu’il se sentira aimé et qu’il  prendra alors confiance en lui-même et trouvera satisfaction, gratification et joie dans son vivre.

Si je l’écoute, jamais un individu dira de lui-même: je suis une nullité, je ne suis bon à rien, je ne vaux pas grand-chose, je suis inutile, personne ne s’intéresse à moi, personne ne m’aime, je vis dans un monde hostile, insensible, égoïste, méchant, à quoi bon vivre… Notre capacité d’écoute peut faire toute la différence entre un monde hospitalier et un monde féroce; entre une société humaine et une société  déshumanisée; entre le bonheur ou le malheur d’une personne,  entre le choix de vivre ou le choix de mourir.

C‘est à cette capacité d’écoute que sont finalement mesurés la beauté de notre âme, l’emprise de Dieu dans notre existence et le miracle de guérison que son Esprit a opéré dans les profondeurs blessées et désagrégées de notre être. C’est pour cela que l’écoute devient la caractéristique du disciple de Jésus, de l’homme et de la femme transformés et renouvelés par son esprit  et l’attitude de base de ceux et celles qui ont été guéris de leur endurcissement et de leur surdité au contact du Maître et qui sont appelés à bâtir le «Royaume de l’amour de Dieu» sur terre.

 Si la fonction de Jésus, en tant que Maître, est celle de parler et d’enseigner, la fonction du disciple que nous sommes, est celle d’être attentif et d’écouter. Il ne peut être maître que si nous sommes disciples. C’est alors notre capacité d’écoute qui lui assure son charisme, son efficacité, la réussite de sa vie et de sa mission dans le monde. Si nous écoutons, Jésus est Jésus et il sauve. Si nous faisons la sourde-oreille, il aura parlé au vent et son passage parmi nous aura été inutile et sa mort une horrible défaite.

Jésus nous veut personnes de dialogue, de communication, car il est venu bâtir un monde animé par l’amour et donc basé sur la relation qui doit créer unité, fraternité et communion entre les humains.
Le chrétien est donc essentiellement celui qui écoute. Mais écoutons-nous vraiment ? Avons-nous créé, développé en nous les conditions et les attitudes nécessaires et indispensables pour une bonne écoute ? Quelles sont ces conditions? Essayons ensemble d’en pointer quelques-unes.

Dans l’évangile de ce dimanche il est dit que Jésus rencontre un sourd-muet  et qu’il l’amène loin de la foule. C’est pour nous faire comprendre que pour écouter il faut être capable de faire taire, au moins pendant quelques instants, le tumulte et le tapage qui s’est établi à l’intérieur de nous; quitter la foule de nos distractions pour atteindre un lieu de silence. Il faut ensuite s’arrêter, porter attention, être curieux  s’abstenir de tout jugement, jeter sur l’autre un regard bienveillant ; penser que l’autre est comme un coffre bien garni et qu’il peut nous surprendre, nous émerveiller et nous enrichir  lorsqu’il l’ouvre et qu’il partage avec nous  la variété et la valeur de son contenu. L’écoute est alors ouverture à l’autre, liée à une capacité à l’accueillir sans jugement, sans a priori…et avec amour.

Mais si tu es devenu sourd, car fermé, replié sur toi-même, uniquement centré sur ton petit moi et ton petit bonheur, indifférent et insensible à la présence des autres, si tu te bouches systématiquement les oreilles avec des auriculaires pour n’entendre que du bruit, du rap, du rock, du métal, pour t’étourdir, te couper du monde, des autres, parce que les autres te fatiguent, sont minables, ne t’intéressent  pas, te tapent sur les nerfs … tu seras aussi un être coupé, sans substance, vide, pauvre, car tu te seras privé de l’apport des richesses que ton ouverture aux autres aurait apporté à ta vie... et tu n’aura rien a dire, rien a communiquer. Tu seras là, mais comme un poteau contre lequel on trébuche ou comme un arbre sans fruits.

Nous, les disciples du Maître de Nazareth, nous devrions être les champions de l’écoute. Comment va notre entraînement ?
  
Pour terminer je vais vous raconter une petite anecdote. Lorsque je vais chez mon dentiste, situé sur la rue Drummond à Montréal, une fois débarqué du métro, je dois marcher dix minutes sur la rue Ste Catherine. Presque toujours, au cours de ce bref trajet, je rencontre deux ou trois mendiants assis par terre ou accotés à un mur. J’ai toujours quelques pièces de monnaie dans me poche. Je pourrais donc facilement  me donner  bonne conscience, en leur faisant tomber dans le gobelet des 25 sous. Mais je me dis toujours que je ne peux pas encourager la mendicité, que je ne peux pas donner à tous ceux qui quêtent sur la rue ....  Que, d’ailleurs, ça ne sert à rien, puisque, avec l’argent ramassé, ils iront  probablement s’acheter de la bière et que ça ne résoudra pas leurs problèmes…. Donc, généralement, je ne donne rien…  je file, en faisant semblant de ne pas les voir. Mais chaque fois ce semblant d’indifférence et d’insensibilité me donne du remord.
Le mois dernier,  autre rendez-vous chez  le dentiste. Même trajet, même scénario. Je me suis dit : je n'ai pas le droit d’être indifférent. Cette fois-ci je vais m’arrêter et je vais jaser quelques minutes avec celui à la barbe frisée qui quête devant la libraire Chapters. Et c’est ainsi, qu’avec un sourire et une certaine gêne, je l’ai abordé, en lui disant que je n’avais pas d’argent à lui donner, mais que j’aurais aimé connaître quelque chose de sa vie. Après un moment de surprise et d’étonnement de sa part, en un français parfait qui laissait  deviner un homme instruit et cultivé, en cinq  minutes et demi, il m’a fait le résumé de sa vie. Et pendant ces cinq minutes je l’ai écouté. Je l’ai écouté avec toute mon attention, toute  ma concentration, mais surtout avec tout mon cœur et ma sympathie. Il m’a touché l’âme, il m’a enrichi de lui. Quand nous nous sommes laissés, il avait les yeux pétillants, un grand sourire sur le visage et tous les deux nous avions les larmes aux yeux. Avant de partir, en me serrant fort la main, il m’a dit «Monsieur, vous m’avez fait un très beau cadeau!». Je ne lui avais rien donné! C’est lui qui m’avait tout donné!


BM

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