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dimanche 9 septembre 2012

LA SOURCE D'EAU VIVE CACHÉE EN NOUS


LA SAMARITAINE

(Jean 4)

L’Évangile de Jean est une méditation théologique, spirituelle et mystique sur la personne de Jésus et sur le sens de sa mission. La vision  que Jean a de Jésus est déjà celle de la foi. Son Jésus a déjà beaucoup perdu de sa consistance humaine et il est présenté comme un être divin : Parole ou Verbe de Dieu, lumière, porte, chemin, vérité, vie, résurrection, bon pasteur, un seul être avec  Dieu le Père…
Tous les récits de l’évangile de Jean dans lesquels Jésus intervient, ne doivent donc jamais être pris au pied de la lettre, mais être toujours lus et interprétés en clef symbolique. Les situations, les personnages, les actions  qui s‘y déroulent sont presque toujours des constructions de l’évangéliste qui utilise tout ce matériel comme des images, des  figures, des symboles, des signes dont  le but est d’introduire le lecteur dans le mystère de cette divine personne... De sorte que, lorsque nous lisons les évangiles en général, et l’évangile de Jean en particulier, nous devons toujours nous poser la question suivante : qu’est-ce que l’évangéliste veut me transmettre, veut me révéler de la personne du Maitre qui me concerne, moi, aujourd’hui, dans mon contexte de vie du XXIe siècle?
Et le récit de la rencontre de Jésus avec la femme de Samarie au puits de Jacob ne fait pas exception. Que ce récit soit historique ou pas, qu’il soit une composition littéraire de Jean ou pas, cela n’a pas vraiment d’importance. Ce qui importe c’est la pertinence du message qu’il contient pour nous. Et le message est d’une richesse inouïe.

Ce récit nous présente un Jésus en fugue (en Judée, d’où il vient, il s’est fait plein d‘ennemis, il est incompris, contesté, refusé, menacé), déraciné, dans un pays étranger et hostile, seul, épuisé, fatigué, écrasé par la chaleur, assoiffé au bord d’un puits  plein d’eau  et incapable cependant d’étancher sa soif. Le seuil moyen qu’il possède pour se désaltérer c’est de briser des tabous, enfreindre des règles, passer par-dessus des interdits, forcer les barrières imposées par la culture, la religion, les préjugés sociaux, mettre de coté son orgueil de mâle et se faire mendiant, se faire dépendant, demander la charité à quelqu’un qui vit au plus bas de l’échelle humaine: une femme et même pas de bonne réputation; une femme qui a honte de soi et qui va au puits à midi, l’heure la plus chaude, pour être sûre de ne pas se faire voir et de ne rencontrer personne.

Voilà donc deux personnes qui, sans le savoir, ont besoin l’une de l’autre pour sortir de l’impasse dans laquelle ils se retrouvent  et donner, peut être, une orientation nouvelle, un nouveau souffle à leur vie. Jésus a besoin d’être découvert comme l’homme qui vient de la part de Dieu (le messie) et la femme de Samarie a besoin d’être reconnue dans sa dignité d’être humain et de personne. L’un et l’autre n‘ont besoin que d’une seule chose: être reconnus pour ce qu’ils sont dans la profondeur de  leur être.

N’est-il pas vrai que bien souvent et presque toujours les gens ne connaissent que le masque que nous portons, que les apparences extérieures de notre personne? Ce que nous sommes vraiment tout au fond de notre cœur, nous le cachons avec un soin méticuleux. Nous dévoilons difficilement notre âme. Et pourtant c’est cette partie secrète qui contient le meilleur de nous même, notre identité véritable, mais que nous n’osons pas manifester  parce qu’elle nous éloignerait trop des modèles standardisés du monde qui nous entoure. Nous aimons mieux nous confondre avec la masse, émousser les différences, effacer les traits ou les caractéristiques qui feraient de nous des personnes uniques et originales. Pour nous adapter, pour ne pas être différents, nous nous adaptons, nous nous mimétisons, nous nous confondons avec le paysage, nous cachons notre singularité : nous avons la pudeur de notre moi véritable.

Pour révéler notre âme nous avons besoin de sentir sur nous le regard d’une personne qui nous accepte sans préjugés et nous aime dans notre singularité. Quel miracle, quelle transformation dans notre vie, lorsque la rencontre d’une personne fait naître en nous la confiance qui nous permet d’être véritablement nous-mêmes! Quelle grâce et quelle révélation dans notre vie, lorsque, dans la rencontre avec une autre personne, nous réalisons que nous sommes remarqués, acceptés, appréciés, reçus, aimés, non pas à cause de notre  apparence extérieure, mais à  cause  des trésors  secrets que nous possédons, à cause de la source secrète qui coule en nous et que nous avons protégée des regards d’autrui par modestie, par pudeur ou par peur que son eau pure soit contaminée.

Chacun de nous possède une source d’eau vive cachée  dans les profondeurs de son être. C’est dans cette source que nous trouvons les caractéristiques véritables de notre humanité. C’est en elle que se réfléchit l’image de Dieu que nous sommes; c’est là que se trouve l’enfant  innocent et pur que nous sommes, avec ses rêves d’accomplissements, ses désirs de bonté; ses aspirations de don de soi; ses élans de justice, de partage; ses besoins  d’amour à donner et à recevoir.
Chacun de nous a besoin  de rencontrer un jour la personne qui suscite en nous assez de confiance pour que nous lui ouvrions le chemin à la découverte des trésors de notre âme et pour que puisse jaillir au grand jour la source cachée.

C’est l’événement extraordinaire qui s’est produit au puits de Jacob. Jésus ose le dialogue, ose se faire mendiant, ose l’attitude de celui qui est faible, qui a besoin; il se fait faible, indigent, petit devant cette femme pour faire naître la confiance, afin qu’elle lui ouvre spontanément les portes de son cœur pour faire jaillir la source qui s‘y cache. Cette femme n’avait jamais connu un homme avec une telle finesse de perceptions et une telle délicatesse de sentiments. Elle n‘avait fréquenté que des machos violents, agressifs, autoritaires, coléreux qui l’avaient toujours exploitée, maltraitée, rabaissée, traitée comme un objet, une esclave, une prostituée, un objet de luxure et de plaisir. Jamais personne n'avait su voir en elle la personne, la femme, l’être humain avec des pensées, des valeurs, des richesses, des sentiments, des aspirations, des projets. Jésus a su la regarder avec ce regard qui va au delà des apparences et qui voit la vérité fondamentale de sa personne.

Pour la première fois, cette femme, au contact de Jésus, s’est trouvée reconnue et acceptée en tant que personne. Jésus lui dit en effet : «Si tu savais le don de Dieu que tu portes en toi, tu m’aurais demandé de t’aider à le connaître et alors tu aurais fait l’expérience d’une source en toi qui peut changer complètement ta vie et ta perception de la réalité». Jésus parle, interroge, écoute, s’implique, s’intéresse à elle, dans un dialogue franc, amical, sincère, plein de sympathie; un dialogue qui ne juge pas, qui ne fait pas de reproches, qui ne condamne pas et qui accepte la vie tumultueuse de cette femme avec une tolérance et un accueil total. Pour la première fois de sa vie, grâce à ce regard de Jésus posé sur elle, cette femme s’est senti reconnue et valorisée, non pas pour ce qu’elle possédait, mais pour ce qu’elle était, au plus profond d’elle-même. Et subitement,  grâce à ce regard de Jésus posé sur elle, elle a eu la sensation d’être sauvée. Subitement, elle a pu voir en Jésus son sauveur et reconnaître la véritable identité de cet homme qui avait mis a nu les secrets de sa vie et de son cœur.

Finalement cet évangile veut nous annoncer que ceux et celles qui réussissent à réaliser dans leur vie une rencontre sincère, personnelle et aimante avec le Prophète de Nazareth ont plus de chance de découvrir la source d’eau vive qui coule dans leurs profondeurs et donc de comprendre la véritable grandeur dont ils sont porteurs en tant que personnes faites à l’image de Dieu. 

MB

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