L'EXISTENCE DU COSMOS, UNE QUESTION D'AMOUR
(Mt. 18, 15-20 - 23e dim. ord., A)
Cet évangile
rejoint une des découvertes les plus fondamentales de l’astrophysique moderne:
nous vivons dans un Univers où tout est
connecté avec Tout, où le Tout est plus grand que la somme de ses parties; où le
Tout est présent dans chaque partie et où chaque partie n’a d’existence que grâce
à son intime connexion avec le Tout. Le Tout qui existe forme une «unité»
globale, un «uni-vers» relié ensemble dans une immense structure cosmique dans
laquelle rien ni personne ne peut exister sans être dans un état de relation, d’attraction,
de dépendance, de connexion, d’interaction continuelle avec le tout de ce qui existe.
Nous dépendons de la Terre ,
la terre dépend du soleil; le soleil dépend de notre galaxie dans laquelle des
nuages de gaz et de poussières lui ont donné naissance.Notre galaxie est le
produit des fluctuations quantiques du Big Bang, cet instant et ce point initial
extrêmement chaud et infiniment minuscule où le Tout de l’univers ne faisait
vraiment qu’un.
Nous sommes là
parce que la matière s’est unie pour former les galaxies, les étoiles et les planètes.
Nous sommes nés dans le cœur des étoiles qui ont forgé dans leurs fourneaux
atomiques tous les éléments chimiques qui composent notre corps. Nous sommes tous
de la substance des étoiles; nous sommes tous «poussière d’étoiles» et, comme
les étoiles, nous sommes tous faits pour briller et éclairer.Nous sommes également
les enfants de notre mère la Terre ,
organisme vivant qui nous a mis au monde après une très longue et pénible gestation.
C’est cette mère qui nous fournit l’air que nous respirons, l’eau que non
buvons, les aliments que nous mangeons. Nous ne serions pas là sans elle. Nous dépendons
d’elle comme des nourrissons dépendent du lait maternel, au point que nous
devons toujours rester attachés à ses seins pour vivre. Toutes les espèces
vivantes sont reliées ensemble dans une connexion vitale tellement profonde et
essentielle que l’on ne peut pas endommager l’écosystème dans lequel une espèce
vit sans affecter la survie des toutes les autres.
L’étude du génome
humain révèle jusqu’à quel point nous sommes semblables et unis les uns aux autres.
L’étude de notre ADN nous enseigne en effet que nous portons en nous les mêmes gènes
ou plutôt les mêmes séquences génétiques (nucléotidiques) que les plantes, les
abeilles, les poissons, les reptiles, les oiseaux et les mammifères qui courent
sur la surface de la terre. Nous faisons partie de la même biosphère, nous appartenons
à la même famille des vivants; nous ne sommes qu’une déclinaison et une combinaison
particulière des mêmes bases azotées et des mêmes acides aminés qui déterminent
la structure et l’activité cellulaire de tous les autres organismes vivants.
Nous représentons, certes, une fonction particulièrement complexe et développée
de cette biosphère, mais il reste que nous ne sommes qu’un anneau dans la
longue chaîne des êtres vivants que la
Terre notre mère a produits. Nous dépendons des créatures vivantes
qui nous ont précédées et desquelles nous avons reçu le code génétique qui a fait
de nous la race que nous sommes. Nous sommes tous faits des mêmes «ingrédients».
Dans les recoins les plus secrets de notre mémoire palpite encore le souvenir
de tous les événements cosmiques qui ont participé à la fabrication de la terre
qui nous a générés .Nous faisons partie d’un Tout qui nous dépasse, qui nous
englobe et qui nous administre continuellement notre nature et notre identité,
ainsi que les codes et les virtualités qui assurent notre permanence et notre
vie.
L’évangile,
avec certains autres écrits de la littérature religieuse universelle, surtout hindouiste, est certainement
un des rares documents de l’histoire humaine qui a été capable de percevoir et d’enseigner
que la réalité de ce tout qui existe est un cosmos
(un monde ordonné) et non pas un chaos,
un Univers, une unité, un corps, un complexe harmonieux et ordonnée dans lequel
les êtres existent dans un Tout aimant et bienveillant à cause d’une intrinsèque
et nécessaire dépendance réciproque. C’est l’enseignement de Jésus de Nazareth
qui, pour la première fois a révélé aux humains que les énergies et les
dynamismes qui structurent notre monde sont des forces et des dynamismes imprégnés
d’amour et qui expriment donc et mettent en ouvre les coordonnées de l’amour:
attraction, attachement, relation, dépendance, échange, communion unité, harmonie,
admiration, solidarité, attention, respect, etc., qui visent à conserver et à faire
progresser la création de Dieu. Seulement en se situant dans ces harmoniques, les
êtres peuvent résonner et vibrer, exister, se développer jusqu’à atteindre la perfection
de leur nature. C’est cette vision des choses que la parole de Jésus veut
relever dans l’évangile d'aujourd’hui. Le Maître de Nazareth finalement veut nous
dire que c’est seulement en se situant dans l’optique de l’amour que nous vivons
en consonance avec le monde, avec nous mêmes et certainement avec la volonté de
ce Grand Esprit, la Source
Originelle qui a lancé l’Univers dans l’existence.
Jésus ici nous
exhorte à entrer de plein pied dans cette dynamique cosmique et à mettre en œuvre
les énergies bénéfiques qui vont dans le sens de l’union et non pas de la
division; qui vont dans la direction de la concorde et non pas de la discorde; du
dialogue et non pas de la dispute; de l’entente et non pas du désaccord; de la
communion et non pas de la séparation; de la compréhension et non pas de
l’indifférence; du respect, du soin, de la bienveillance et de l’amour et non pas dans la direction de l’animosité, de l’antagonisme, de l’agressivité, de la supériorité, de
l’exploitation, de l’intolérance et de la haine. Jésus nous dit que toutes les
forces qui s’opposent à la communion, à l’attention, au soin et au respect de
l’autre, qu’il soit un être animé ou inanimé, et que donc contrastent l’amour, sont des forces
qui, étant étrangères à la structure profonde de l’Univers auquel nous
appartenons, se révèlent finalement comme néfastes, maléfiques et destructives pour
notre monde, notre planète, notre humanité et notre individualité. Car elles
nous empêchent de vivre selon la vérité de notre nature et d’atteindre la
pleine mesure de notre humanité.
On peut comprendre alors le bien fondé de l’insistance
de Jésus sur la bonté, la compassion, la tolérance, la réconciliation, le
pardon, la fraternité, la paix, comme étant les attitudes fondamentales qui
doivent orienter et mouler la vie de l’être humain qui cherche à vivre en
enfant de Dieu et en enfant soucieux de sa mère la Terre. Jésus nous
assure que là où ces attitudes de communion, d’interaction, de corrélation,
d’unité et d’amour sont vécues et agissantes, là est présent l’Esprit de Dieu. Là
où deux ou plusieurs personnes se retrouvent en relation d’amitié, en communion
de cœurs et d’âmes, dans le partage, l’admiration et l’attention réciproque,
là sont opérantes les dynamiques qui rendent présentes sur terre les énergies «divines»,
qui possèdent le pouvoir merveilleux d’améliorer le monde, de libérer la terre
de sa dévastation et de sa dégradation et de sauver l’humanité de sa
disparition.
C’est ce
message de Jésus que Saint Paul cherche à transmettre aux chrétiens de Rome
lorsqu’il leur écrit dans la deuxième lecture de ce dimanche: «La seule dette que nous avons envers les
autres, c’est la dette de l’amour. La seule loi qui doit nous diriger, c’est la
loi de l’amour. L’amour ne fait rien de mal au prochain» (Rm.13,8-10).
C’est ce même
message de Jésus et de Paul que je voudrais moi aussi vous transmettre aujourd’hui,
afin que chacun de nous, en sortant de cette Eucharistie qui nous a rassemblé
en tant que frères, parte dans la vie avec la conviction que seulement s’il est
et s’il devient un être de relation, aimable, aimant et accueillant, il sera à
la hauteur de son humanité et à la hauteur de sa foi en Jésus, son maître et
son seigneur.
BM