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jeudi 30 septembre 2021

 

Peut-on monopoliser le bien, l’amour et le salut ?

(Mc 9, 38-48)

            Pendant des siècles, la religion chrétienne (l’Église) a cru et a enseigné d’être d’origine divine car née de l’Incarnation du Fils de Dieu sur terre en l’homme Jésus. Elle se considère donc comme la continuation dans le temps de la présence et de la mission terrestre du Fils de Dieu incarné et comme la custode de son enseignement, de son héritage spirituel et de son action salvifique. À cause de cela, elle est fermement convaincue d’être la seule religion en possession de la vérité et des moyens du salut pour toute l’humanité.

             De sorte que depuis toujours les Églises chrétiennes proclament qu’en dehors d’elles il n’a pas de salut possible pour personne et qu’il est donc impératif pour tous de devenir chrétiens pour pouvoir entrer dans le beau paradis de Dieu.

             Ainsi, la doctrine chrétienne enseigne que toutes les autres religions et confessions religieuses sont des inventions humaines, peut-être même diaboliques, certainement un amalgame de faussetés, d’erreurs et de superstitions qui ne font qu’égarer les humains loin du vrai Dieu, de la vérité et de leur bonheur éternel.

             De là la naissance des mouvements missionnaires qui, au cours des siècles, ont représenté le souci constant de la religion chrétienne d’apporter la vérité et le salut du vrai Dieu et de son Fils Jésus aux pauvres sauvages vivants dans l’ignorance, l’erreur, la superstition et le paganisme dans d’autres parties du Globe.

             Cependant, lorsque je lis ce texte d’évangile de Marc, je ne peux pas me soustraire au sentiment que l’Église catholique, ainsi que les différentes confessions chrétiennes, se sont égarées bien loin de l’esprit et du comportement de Jésus de Nazareth, avec leur conviction d’être le seul lieu et la seule porte de salut pour tous les humains

             En effet, dans ce passage d’évangile, Jésus  réprimande vivement l’apôtre Jean de ne pas réussie  à comprendre et à accepter qu’il puisse exister ailleurs que dans son  groupe (religion ou église) des gens charismatiques, admirables, capables de faire le bien, de répandre la bonté, de donner de l’amour, de poser des gestes gratuits et désintéressés qui aident, qui guérissent, qui contribuent à donner de l’espoir, du courage, de la confiance et un regain de vie à ceux qui sont éprouvés ou démolis par les épreuves, les revers et les souffrances de l’existence.

                      L’apôtre Jean, auquel Jésus n’hésite pas à faire savoir son désaccord, incarne ici l’attitude typique du jaloux, du fanatique et de l’intolérant, convaincu que tout geste de bonté, d’altruisme, d’empathie, de compassion qui va au secours de ceux qui vivent dans un état de misère et de détresse, doit nécessairement porter sa signature ou celle de son parti pour être légitime et acceptable.  Dans le cas contraire il doit être empêché.

             Rien de plus perfide ! Et Jésus alors de s’insurger : « N’empêchez jamais la bonté, la compassion et l’amour de s’exprimer et de se répandre et le bien de se faire ! Car de quelque côté que ces gestes surgissent, ils viennent toujours de l’Esprit de Dieu, qui souffle partout, mais surtout au cœur de chaque humain. Et cela indépendamment de ses croyances, de sa religion, de sa race et de sa culture ! En effet, là où il y a de l’amour, là il y a présence du Mystère de Dieu et présence d’un salut et d’une guérison possibles pour tout individu. Même un verre d’eau, donné par amour, aura partout la même valeur et la même récompense aux yeux de Dieu ».

             Ici Jésus cherche donc à faire comprendre à nous, ses disciples, qu’il n’existe aucun groupe, ni aucune organisation, ni aucun parti, ni aucune religion, ni aucune Église qui peuvent s’arroger l’exclusivité de la bonté et de l’amour qui humanisent, qui guérissent et qui sauvent.

             Jésus nous dit ici : « Tu t’accomplis pleinement en tant qu’humain, maintenant et pour l’éternité, uniquement par l’amour que tu es capable d’avoir et de donner. La religion n’a rien à faire dans cela ! Au contraire, elle acquière sa légitimité et son droit à l’existence seulement si elle te permet et t’aide à mieux aimer et à mieux te réaliser par la bonté que tu possèdes et par l’amour que tu répands aux quatre vents ».

              De sorte que, en suivant l’esprit de Jésus, on peut affirmer, d’un côté, que toutes  les religions sont bonnes et méritent d’exister, si elles aident les humains à s’unir, à s’humaniser davantage et à devenir des êtres de bonté, de compassion et  d’amour; et de l’autre, que toutes les religions sont mauvaises et doivent être abandonnées, si elles créent ou maintiennent les divisions entre les cultures et les peuples, si elles pervertissent leurs adeptes en les transformant en des individus fanatiques, intolérants, inhumains, haineux, violents et cruels.

             Qui nous dira si notre religion est bonne ou pas ? Si elle mérite de vivre ou de mourir ?  Seulement si elle nous aide à construire notre liberté intérieure et si elle nous conduit à bâtir toute notre existence uniquement sur le fondement du don de nous-mêmes et de l’amour désintéressé pour toutes créatures.

 Si notre religion a réussi à faire cela, alors elle mérite que nous nous asseyions à sa table.

 

 

Bruno Mori -  21 sept. 2021