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samedi 22 septembre 2012

MOURIR POUR VIVRE...PERDRE POUR GAGNER


SI LE GRAIN DE BLÉ  NE MEURT PAS….
(Jean 12, 20-23)


Il faut avant tout avoir bien présent à l’esprit que ce discours attribué par l’évangéliste Jean à Jésus  n’a jamais été prononcé tel quel par lui. Il s’agit plutôt d’une réflexion théologique de l’auteur qui pendant de longues années a médité sur le fait chrétien et sur l’héritage spirituel du Prophète de Nazareth et qui nous en partage  ici  les fruits.

Dans ce texte, Jean fait référence aux Juifs de la diaspora et aux païens convertis au judaïsme qui viennent à Jérusalem pour la fête de la Pâques. Parmi eux il y a des Grecs qui profitent de l’occasion pour demander à Philippe de «voir»  Jésus. La question n'est pas "Où se trouve t-il?" à la quelle n’importe qui aurait pu répondre par une information adéquate. Mais la  demande veut, sans doute, dans l’intention de l’évangéliste, mettre en relief l’importance de la médiation des disciples pour conduire quelqu’un à la rencontre personnelle avec Jésus. Les disciples sont reconnus pour leur proximité avec le Maître et se transforment donc en  médiateurs privilégiés, en témoins et en compagnons de route pour tous ceux et celles qui veulent rencontrer le Seigneur. Le fait que ce soient des Grecs qui cherchent à «voir» Jésus, sert à attirer l’attention du lecteur  sur l'universalité de l'Évangile, étant donné que même les païens cherchent  maintenant à «voir»  le Seigneur.  L'occasion est saisie pour annoncer que le temps des paroles et des signes tire à sa fin, puisque approche l'«heure» du «signe» par excellence, celui de sa mort, à travers laquelle il accomplira son destin et se révélera  aux disciples comme celui que Dieu avait envoyé pour rénover le monde.

Jésus se sert ici d’une petite parabole. Seul le grain de blé qui meurt porte beaucoup de fruit. Cette brève parabole exprime le contenu fondamental de tout l'Évangile, le noyau du message de Jésus : l'amour oblatif, l’amour qui se sacrifie, l'amour qui se donne, l’amour qui se perd dans l’autre et qui, par le fait de mourir à son égoïsme, engendre autour de soi bonheur et vie.

Nous sommes ici confrontés  à un des paradoxes de l'évangile: «perdre» sa vie pour amour est une façon de la  «gagner» ; mourir à soi est la seul vraie manière de vivre; livrer sa vie est la meilleure façon de la conserver;  donner sa vie et la meilleure façon de la recevoir ...
Et nous sommes aussi devant  le point culminant de la révélation chrétienne. En la qualité exceptionnelle de l’humanité de Jésus nous voyons réalisée la vérité de ce paradoxe. Sa vie en effet  nous prouve que toute véritable  manifestation  d’humanité est intimement liée à la mise en œuvre de ce paradoxe.

Dans la «nature» en général et dans le monde animal en particulier, l'instinct pousse l’animal à l'auto-préservation, l’autoconservation, c‘est-à-dire à  «garder» sa vie. Il est vrai qu'il existe dans le monde animal des mécanismes que l’on pourrait qualifier d’ «altruistes», (animaux qui adoptent des rituels de séduction, qui font la cour, qui semblent exécuter des approches affectueuses de séduction) ; mais tout cela est contrôlé par des mécanismes hormonaux dans le but d’assurer la reproduction, le soin de la progéniture et la survie de l’espèce. Ce n'est pas vraiment de l'amour, mais plutôt un instinct, un instinct ponctuel qui est comme l’exception à la grande règle du chacun pour soi qui fait en sorte que chaque individu de l’espèce animale doive avant tout se préoccuper de se protéger et de se défendre soi-même, et d’être donc fondamentalement centré sur soi-même. La nature animale est centrée sur elle-même. Ce qui est contraire à cette règle est seulement une exception qui la confirme.

Les êtres humains, par contre, se caractérisent  par le fait  d’être capables d'amour désintéressé  et d’exister pour les autres; d'être en mesure de préférer l’autre à soi même ; par leur capacité à s’oublier, à se sacrifier, à donner leur vie  pour l’autre et pour faire le bonheur de l’autre.

Il y a des scientifiques qui  pensent que l’apparition de l’amour conscient dans l’univers est peut- être le but de toute l’évolution cosmique et de l’existence même  du cosmos (du big-bang à maintenant) et le but de toute l’histoire de l’évolution de la vie sur terre. La spiritualisation de la matière et l’humanisation du vivant seraient arrivés avec l’apparition de l’amour conscient  en ce monde. 

Cette petite parabole du blé qui doit se perdre dans la terre  pour porter du fruit semble donc vouloir  rendre compte de  l’acquis le plus sublime de la maturation de l'humanité, si bien qu'elle peut être considérée comme l'une des descriptions les plus synthétique et les plus vraies non seulement  de la nature de l'amour, mais aussi du chemin à suivre pour atteindre une véritable humanité. Fondamentalement, cette parabole est l’équivalent du commandement nouveau qui est au cœur de tout l’enseignement du prophète de Nazareth: «C'est ici mon commandement: aimez- vous  les uns les autres comme moi j'ai vous ai aimé;  il n’y a pas de plus grand amour que de  donner sa  vie » (Jn 15:12 - 13). Cette directive est au centre du message de Jésus tourné vers l’«humanisation» de la personne. Jésus est là pour que ceux qui le suivent cessent d’être inhumains et deviennent  humains. Nous  ne sommes humains que si capables de perdre, de donner notre vie par amour.

Si le grain de blé c’est nous, à quoi devons-nous mourir? En cette société néolibérale, capitaliste, basée sur le  rendement, l’argent, la richesse, le profit, l’exploitation débridée des ressources, à l’enseigne de la technologie, de la libéralisation des marchés, de la mondialisation, de la globalisations des relations, nous assistons à un développement économique non seulement terriblement déséquilibré, mais aussi terriblement  inhumain qui, pour faire avancer la consommation, est en train de faire reculer autant  notre qualité globale de vie que notre degré d’humanité... La crise économique causée par l’avidité des grandes institutions bancaires qui sévit dans une grande partie du monde occidental et ailleurs, avec l’endettement des États et des particuliers, le chômage, les coupures dans les programmes des services sociaux, etc., est en train de créer une société de plus en plus  cruelle et inhumaine où semble prévaloir  la loi de la jongle, du chacun pour soi et du « se sauve qui peut » …. 

On est donc devant une situation, des politiques et des pratiques, qui sont à l’opposé de l’annonce évangélique. Non pas le renoncement, mais la consommation; non pas la solidarité, mais l’indifférence et l’égoïsme; non pas le partage entre tous, mais l’accumulation entre le mains de quelques uns; non pas donner sa vie pour les autres, mais prendre la vie des autres pour mieux vivre la sienne; non pas aimer les autres comme soi même, mais aime d’abord soi-même et… tant pis pour les autres...

Heureusement qu’une conscience collective se fait jour peu à peu concernant l’impossibilité de continuer sur une telle route sans aller vers une catastrophe inexorable ... On se rend compte que cette éclipse de la solidarité et que cette régression d’humanisation portent en elles des germes empoisonnés et que le seul remède au salut de l’humanité est, encore et seulement, le message qui nous a été donné il a deux mille ans par le Prophète de Nazareth: « pour sauver et conserver ta vie, il faut que tu la donnes; pour vivre, il faut que tu meures à toi-même, à ton avidité, à ton égoïsme; pour t’épanouir et porter des fruits de bonheur,  il faut que tu te donnes et te décomposes comme le bon grain dans le terreau de ta vie quotidienne». 

Serons-nous capables de donner à notre vie l’impulsion et le rythme qui nous viennent du contenu abyssal de cette petite parabole? Il en va  du salut de notre monde et de l’humanité.

Et  dire qu’il y a des éclairés modernes qui considèrent les évangiles comme des fabulations archaïques pour des crétins religieux!!!



(5e dim.Careme B, 2012)

MB




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