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vendredi 21 septembre 2012

SAVOIR MOURIR POUR SAVOIR VIVRE


SI LE GRAIN DE BLÉ…
(Jean 12, 20-23)



 Je veux aujourd’hui attirer votre attention sur une phrase de Jésus qui pour moi est particulièrement saisissante : « Amen je vous le dis : si le grain de blé tombé à terre ne meurt pas, il reste seul; mais s’il meurt, il donne  beaucoup de fruit. Celui qui aime sa vie la perd; celui qui s’en détache en ce monde, la garde pour la vie éternelle »

 Pour Jésus la vie semble donc faite d’abandons, de lâcher prises, de détachement et de mort. Pour vivre il faut toujours, d’une certaine façon mourir à quelque chose. Cela vaut dans tous les domaines de la vie, autant dans le domaine physique que dans le domaine spirituel et  religieux. Cette mort commence à notre naissance. Nous ne naissons que pour entreprendre un long trajet de petites morts. Regardez le bébé : pour vivre, il doit abandonner le confort protecteur du ventre maternel, pour grandir, il doit accepter de se détacher de la mère; il doit faire son deuil d’un grand nombre de dépendances qui l’infantiliserait et qui l’empêcheraient de parvenir à la liberté et à l’autonomie de l’âge adulte. Il y des personnes qui ne grandissent jamais parce qu’elles ne sont pas capables de couper le cordon ombilical qui les attache à leurs parents. J’en connais des hommes de trente et quarante ans qui vivent encore à la maison de leur parents, attachés et dépendants des petits soins de leur mère, qui, à son tour, n’est pas capable de se détacher de son « petit enfant »,  de se résigner à  le perdre et de lui faire comprendre qu’il est grand temps qu’il apprenne à voler de se propres ailes.

Et comment compter toutes les morts qu’il faut souffrir et accepter pour pouvoir réussir une vie de personne adulte!  Pour réussir à l’école et dans notre carrière professionnelle il faut mourir à notre paresse; il faut couper sur nos loisirs, sur nos temps libres, sur nos heures de sommeil; il faut sacrifier des fêtes, des rencontres, des voyages, des vacances, des amis; il faut souvent faire taire en nous la tentation du découragement, de la démoralisation …

Et que des morts à envisager pour réussir ensuite une vie de couple! Il n’y a  aucune vie de couple possible si elle n’est pas basée sur un effort de mort (ou mortification) continuelle. Mourir à l’égoïsme, à l’individualisme, à l’égocentrisme; mourir à la jalousie; mourir à nos caprices, à nos frivolités, à nos infidélités; renoncer à avoir toujours raison; sacrifier nos idées arrêtées pour prendre en considération  le point de vue de l’autre… mourir à nous-mêmes pour donner un peu plus de vie à l’autre…

La qualité de notre vie est surtout déterminée par la qualité de notre rapport avec les autres et donc par la qualité de notre vie sociale. Et c’est surtout ici, dans le domaine de nos relations avec notre prochain, que la parole de  Jésus sur la nécessité de mourir à nous-mêmes et de perdre notre vie, est plus vraie que jamais. Quel monde et quelle genre de société en effet allons nous bâtir, si nous refusons de  mourir à notre avidité, à notre voracité, à notre soif de pouvoir, à notre désir frénétique d’accumuler richesses et biens par n’importe quels moyens, même s’il faut,  pour cela,  dilapider la planète, épuiser  les ressources de la terre et  bouleverser à tout jamais  l’équilibre fragile de ses écosystèmes? Quelle sera la qualité de notre civilisation et de notre communauté humaine, si nous refusons de mourir à nos préjugées, à notre intolérance, à nos fanatismes, à notre violence, à notre peur de l’autre ?  Quelle sera, enfin,  la qualité de notre vie personnelle si nous sommes emportés par le ressentiment; si nous sommes intérieurement rongés par le cancer de la  rancune  parce que nous ne voulons pas faire mourir en nous la haine, le souvenir du mal  reçu, le désir de la  revanche, de la rétorsion ou de la vengeance? Comment pourrions-nous espérer être aimés, si nous n’aimons que nous mêmes? Et qui n’aime que soi-même, avertit Jésus, et il a raison, reste seul, il se condamne à la solitude. Comment pourrions-nous profiter en toute tranquillité d’esprit de la vie et des biens que nous avons ramassé, tant et aussi longtemps qu’il y aura un pauvre Lazare à la porte de notre maison quêtant les miettes  qui tombent de l’opulence de notre table ? 

La vie est belle dans la mesure où elle est partagée. La vie est une réussite dans la mesure où elle s’épanouit et lève comme un bon pain, poussée par le ferment de d’amour, du don, du pardon, du partage, du dévouement, du soucis des autres ... après  être passée à  travers l’expérience transformante d’une mise à mort intérieure de toutes ces attitudes mesquines et égoïstes qui nous referment uniquement sur nous-mêmes. 

Mais  il nous faudra surtout mourir à la peur (peur de Dieu, de nous-mêmes, des autres, peur existentielle, peur angoissante !) pour pouvoir vivre dans la confiance qui  assure sérénité et paix à notre existence.

Même si cela peut paraître paradoxal, Jésus vient nous dire qu’il faut perdre pour gagner; qu’il  faut renoncer pour acquérir, servir pour dominer; se faire dernier pour être premier, savoir mourir pour pouvoir vivre. Le grain de blé mis en terre est le symbole et l’image de cette loi fondamentale de la vie. Et cette loi nous enseigne qu’il faut  toujours, quelque part et en un moment donné, savoir mourir, c'est-à-dire, lâcher prise, se détacher, se libérer, abandonner, et s’abandonner, si l’on veut atteindre un degré supérieur de vie; et que celui qui veut s’accrocher, finit en définitive par rester collé.

(5e dim. carême B, 2009)


MB

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