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vendredi 21 septembre 2012

LES PREMIERS SONT LES DERNIERS


«Si quelqu’un veut être le premier, qu’il se fasse le dernier et le serviteur de tous»

( Marc 9, 30-37)


Un texte d’évangile difficile à accepter. Jésus s’est fait beaucoup d’ennemis. Sa parole et son attitude dérangent les autorités et les choses sont en train de se gâter et de prendre un mauvais tournant : tensions, incompréhensions et hostilités  montent  autour de lui; sa vie est en danger. Ses amis les plus proches ne semblent pas se rendre compte de la marée qui monte et des dangers qui guettent leur Maitre. Ils semblent ignorer complètement la gravité de la situation et l’état d’âme de Jésus qui vit une étape particulièrement éprouvante de son existence: il est en proie au doute, au découragement, à la peur, à l’angoisse. Il se sent incompris, repoussé; il voit sa mission s’en aller vers l’échec et la catastrophe. Sa vie même est en péril, puisque ses ennemis cherchent à  l’éliminer …

Pendant qu’il souffre l’enfer dans son cœur, ses disciples font des plans pour le futur! Derrière les coulisses, ils complotent pour se distribuer les meilleurs sièges au parlement. Les futurs ministres discutent de quels seront les meilleurs postes de pouvoir à occuper lorsque leur Chef aura réussi son coup d’État, renversé l’ancien régime et pris les reines du pouvoir comme Messie et  Libérateur d'Israël.

Jésus est un homme qui a eu une intuition extraordinaire. C’est quelqu’un qui a su voir et comprendre où se trouve, en réalité, la vraie grandeur de l’homme et il cherche à communiquer sa vision des choses. Pour lui  la vraie grandeur de l’homme ne doit pas être cherchée dans les valeurs  généralement recherchées par les hommes. Les humains pensent qu’ils sont grands quand il sont puissants; quand ils sont portés par une grande renommée; lorsqu’ils ont réussis à battre des records; lorsqu’ils deviennent des stars médiatiques; lorsqu’ils réussissent à bâtir des empires économiques; lorsqu’ils possèdent beaucoup, beaucoup. Lorsqu’ils peuvent écraser et piétiner impunément du monde. Selon nos standards, la grandeur d’une personne est  mesurée par le pouvoir que donnent  le succès et l’argent.

Mais ce type de grandeur en est-elle vraiment une? Ce type de grandeur à qui est-elle accessible? Parmi les sept-huit milliards d’humains qui habitent la terre, qui sont ceux qui réussissent à atteindre ce genre de grandeur? Si la grandeur de l’homme est placée dans le pouvoir, le succès et l’argent, il faut tout de suite en conclure que cette grandeur est hors de portée de la grande majorité et que  l’humanité, dans son ensemble, est condamnée à l’avilissement et l’insignifiance; qu’il n’y a pratiquement pas de grandeur possible pour «les gens de la rue», pour la  personne ordinaire et que la chance de «grandir» nous est donc existentiellement  niée.
La grandeur de l’homme devient alors une utopie irréalisable, puisque réservée à une mince élite de chanceux. Si la grandeur et la valeur de l’homme sont données par le pouvoir, le prestige et l’argent, nous condamnons  tous les pauvres, les démunis, les exploités de la terre, à une vie sans grandeur, c’est-à-dire à une vie sans valeur, sans  importance et sans dignité !

Regardez  alors ce que fait Jésus! Admirez son génie ! Il renverse la donne, il renverse les valeurs, il renverse l’objet des aspirations, des efforts et des rêves des hommes, pour permettre à tous, même aux plus faibles, aux plus  humbles et aux plus démunis d’avoir leur part de grandeur en cette vie. Afin que, finalement, justice soit faite, et que la grandeur et l’excellence soient accessibles à  tous .
En effet, pour Jésus de Nazareth tout individu (en tant que créature de Dieu) est appelé, destiné à la grandeur! Jésus avait compris que le chemin vers la grandeur personnelle est et doit être ouvert à tous. Le message que Jésus a toujours voulu inculquer, au risque de sa vie, est bien le suivant: «Vous êtes des enfants, des fils de Dieu! Vous possédez donc une grandeur, une valeur et une dignité exceptionnelles, fantastiques! 
Mais vous n’êtes pas grands, vous ne valez pas par ce que vous gagnez; par ce que vous possédez, par ce que vous accumulez; par le pouvoir que vous avez de vous faire obéir,de vous faire servir, de soumettre, d’opprimer, d’exploiter les autres… il n’y a aucune grandeur en cela!…. Au contraire, tout cela finira un jour par vous détruire, par vous  rabaisser,  par vous disqualifier en tant que personnes. Car cela finira par vous rendre insensibles, arrogants, égoïstes, cruels, aveugles, bornés, stupides. En un mot, votre pouvoir finira par pervertir votre nature profonde, en changeant des êtres humains en des êtres inhumains; en vous  dépossédant ainsi de votre humanité qui constitue votre unique et véritable grandeur! Quelle grandeur y a-t-il pour un homme à être devenu serviteur de son pouvoir et l’esclave de son argent? Quelle grandeur y a-t- il à bâtir son piédestal sur les épaules des autres ? Le trop de pouvoir conduit à la corruption jusqu’à la démence. Macchiavelli disait: «Le pouvoir corrompt l’homme, le pouvoir absolu  le corrompt absolument» (Le Prince).  Tous les despotes et les tyrans  de l’histoire en sont la preuve vivante!

La vraie grandeur de l’homme se trouve dans la direction opposée. Non pas dans le pouvoir, mais dans le service; non pas dans l’accumulation, mais dans le partage; non pas dans l’égoïsme, mais dans la générosité;  non pas dans l’attachement, mais dans le détachement; non pas dans la richesse, mais dans  la pauvreté; non pas à se nier aux autres, mais à se rendre disponibles à tous ; non pas à accumuler, mais à donner;  non pas à être servi, mais à servir. Qui veut garder sa vie toute pour lui même, pour lui tout seul, lui, le grand, le fameux, le renommé, le puissant, le riche, la star, le  magnat…, eh bien, le pauvre, (oui, le pauvre!) il  la perdra. Le jour du bilan de sa vie il se rendra compte qu’il l’a, en réalité, fondamentalement ratée...

Le sénateur Ted Kennedy, Edward de son vrai prénom était, aux yeux de bien des gens, un grand de ce monde, un géant de la politique américaine. Faisant partie de la dynastie des Kennedy, frère de John et de Robert, il avait déjà atteint des sommets de grandeur humaine. Lorsqu.il est décédé,  à ses  funérailles, c’est le chapitre 25 de saint Matthieu qu’on a choisi  de lire: « J’avais faim et vous m’avez donné à manger... ». Le curé, dans son homélie, n’a pas manqué de souligner que la vraie grandeur de Ted Kennedy avait été son attention et son amour pour les pauvres, les petits, les immigrés, les étrangers...

Une personne n’est vraiment grande que lorsqu’elle a réussi à se frayer un chemin de tendresse dans notre mémoire et à laisser une place dans notre cœur à cause du bien et de l’amour qu’elle a répandu sur les chemins de sa vie.

Bruno Mori
(25e dim, ord. B 09)

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