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samedi 30 septembre 2017

Le rosier de l’amour

 

Quelques réflexions sur l’amour dans le couple


L’amour d’un couple ressemble à un rosier bien vigoureux planté dans un jardin. Ce n’est pas parce que le rosier a pris racines, que sa croissance, son développement et sa floraison sont automatiquement garantis dans le futur. Le petit plant bien vigoureux des débuts aura besoin de beaucoup de soins, d’égards, d’attentions pour continuer à pousser, se développer, grandir et se fortifier, afin de pouvoir un jour étendre partout ses branches et égayer de la fraicheur de sa présence et de sa beauté le jardin où il a été planté. 

L’amour dans le couple est toujours le résultat d’une mystérieuse alchimie physique et spirituelle où, différents éléments, au hasard de leurs rencontres, se combinent ensemble pour déclencher la réaction magique de l’attraction, de la fascination et de l’enchantement qui, chez les amants, allument les feux de la passion, le désir de la fusion ainsi que tous les projets et les rêves de l’amour.

Dans le couple, si l’amour veut être de bonne qualité et avoir des chances de vie et de durabilité, il doit être le résultat d’une rencontre en profondeur entre deux personnes. Cela signifie que l’amour est solide et authentique lorsqu’il n’est pas seulement le produit de la rencontre entre deux corps, mais aussi et surtout lorsqu’il nait de la rencontre de deux âmes ou de deux esprits. Si les amants ne sont pas attirés surtout et avant tout par leur intériorité ; si leur amour manque de profondeur et donc de «spiritualité», leur attraction soit disant « amoureuse », risque de manquer de qualité humaine et de n’être finalement qu’une pulsion instinctive et passionnelle qui, avec le temps, peut facilement assumer les expressions de l’égoïsme, de l’exploitation et de la violence. Pour exprimer cela avec une image un peu banale, on pourrait dire que les amants doivent s’éprendre du contenu du paquet et non pas de la beauté de son emballage.  Ce qui signifie qu’ils doivent surtout s’aimer de l’intérieur et non pas exclusivement de l’extérieur. 

 Il y a des couples qui, parce qu’ils sont mariés, qu’ils ont des enfants, qu’ils partagent obligations et responsabilités sur une base routinière, pensent que l’amour qu’ils ont l’un pour l’autre sera toujours au rendez-vous de leur quotidien et de leur intimité et qu’il est acquis et assuré pour toujours.

Certains couples pensent et agissent comme si leur amour était une bouteille de bon vin entreposée dans leur cave et qui n’a plus besoin ni de vigilance ni d’interventions de leur part, et qu’ils pourraient même oublier sur place, car, -pensent-ils - aussi longtemps qu’ils n’y toucheront pas et qu’ils le laisseront chambrer et vieillir, il ne pourra que s’améliorer. Eh, bien non ! L’amour ne se comporte pas comme une bouteille de vin dans une cave, mais comme une rose dans un jardin ! Si la bouteille de vin dans la cave a besoin de froid, d’obscurité, d’isolement et de silence, le rosier, lui, par contre, a un besoin essentiel de présence, de soleil, de chaleur, de sollicitude, de câlins et de paroles tendres. N’est-il pas vrai qu’il faut parler aux roses, leur dire des mots d’amour pour qu’elle puissent s’épanouir ?  Or, si cela est vrai pour les roses, c’est encore plus vrai pour l’amour semé au cœur du couple.

L’amour dans le couple ne surgit et ne perdure qu’à l’état évolutif d’embryon, de germe ou de semence qu’il faut traiter avec beaucoup de soins et de délicatesse afin de les maintenir en vie. Comme l’embryon, l’amour ne se maintient en vie que s’il se développe et grandit. Le jour où il arrête sa croissance, il s’étiole, dépérit, s’affaisse et meurt. 

 L’amour humain n’existe jamais à l’état de produit terminé et définitif. L’amour n’existe que sous une forme inchoative, c’est-à-dire dans un état de croissance et d’évolution continuelles. C’est pour cette raison que pour vivre, la fleur de l’amour a besoin de s‘enraciner dans le terreau de la vigilance, et d’être continuellement exposée au soleil de l’attention et de la tendresse.

Si les amants veulent entretenir en eux la flamme de l’amour et du désir, ils doivent obligatoirement devenir des sentinelles et des guetteurs toujours en état d’alerte, afin de veiller sur la bonne santé du rosier de leur amour. Il faut qu’ils soient sensibles aux moindres grondements lointains signes d’orages et de tempêtes, de malaises ou de crises, pour se mettre à l’abri et pour intervenir à temps avec les remèdes appropriés.

La réussite et la durabilité de l’amour dans un couple dépendent donc, principalement, de l’harmonie intérieure et du partage des valeurs humaines et spirituelles qui enrichissent la personnalité des deux amants, plus que de leur attraction physique ou de leur entente et harmonie sexuelles. Cela ne veut pas dire que les composantes corporelles et érotiques de la relation de couple ne soient pas importantes.

Cela signifie fondamentalement deux choses :

Premièrement, que dans une saine relation de couple, la composante physique ne doit pas entre recherchée et considérée comme une fin en soi et comme la seule condition de réussite de leur vie commune.

Deuxièmement, que la composante physique est importante, valable et bénéfique dans la mesure où elle est l’expression corporelle et extérieure d’un amour et d’une fusion qui trouvent leurs racines et leur alimentation dans les profondeurs spirituelles et dans l’âme des amants.

Lorsque la profondeur spirituelle des amants, ainsi que le partage de leurs richesses intérieures ont été le terrain de base sur lequel s’est déroulé le mouvement de leur rapprochement, de leur rencontre et de la découverte de leurs valeurs réciproques, alors on peut dire que leur amour a pour lui les promesses et les garanties de la durabilité.

 Mais lorsque la relation a été exclusivement bâtie sur les sables mouvants de l’attraction physique et de la passion, la relation amoureuse ne tiendra pas la preuve du temps et s’effondra presque inévitablement au fil des évènements, des rencontres, des changements et des transformations qui surviendront dans la vie de chacun des amants.

Il semble d’ailleurs qu’il soit scientifiquement prouvé, qu’un couple marié est dans l’impossibilité psychologique de faire durer sa passion érotique au-delà d’une période maximale de dix ans.

L’amour humain, lorsqu’il est authentique, ne fonctionne jamais par compartiments ou par sections. L’amour, s’il est vrai, englobe toujours la totalité de la personne aimée. La personne qui aime est attirée par le mystère de la personne aimée, par la vérité profonde de son être que l’amant découvre, devine, entrevoit et ressent comme étant pour lui une source qui peut le désaltérer, comme un trésor qui peut l’enrichir, comme un havre dans laquelle il a envie d’ancrer définitivement son bateau, comme un paradis dans lequel il peut trouver son bonheur.

Ressentir de l’amour, c’est un peu comme trouver une perle rare. Et comme tout bijoux, l’amour vrai possède des caractéristiques bien précises qui définissaient sa qualité et son authenticité : il suscite bouleversement, ravissement, fascination, émerveillement, larmes de bonheur, désir de le posséder, de le porter, de ne jamais s’en séparer. Ce qui attire dans un bijou, c’est sa valeur intrinsèque, plus que sa forme ou son apparence. Si devant l’autre, je ne me sens pas envahi et remué pas ces sensations, il y des fortes probabilités que ce que je pense être de l’amour, ne soit en réalité que sa piètre caricature et sa mauvaise contrefaction.

 

BM- Montréal, Septembre 2017

mercredi 6 septembre 2017

A quoi sert gagner le monde entier si on y perd son âme ?


(Mt 16,21-27- 22e dim. Ord. A)

Ce matin nous allons arrêter notre réflexion sur cette phrase de l’évangile: «Si quelqu’un veut venir derrière moi, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Car celui qui veut sauver sa vie, la perdra, mais qui perd sa vie à cause de moi la gardera. Quel avantage en effet un homme aurait-il à gagner le monde entier, s’il le paye de sa vie …? ».

           Jésus a-t-il raison de nous parler d’une façon aussi négative ? Renoncer à soi-même, renoncer à sauver sa vie, prendre sa croix…. N’apparaît-il pas ici comme un rabat-joie, comme le fondateur d’une religion et d’une spiritualité du sacrifice et de la souffrance ? L’église n’a-t-elle pas alors raison de faire de la souffrance et de la privation (détachement) le thermomètre de la sainteté?

          Je pense, au contraire, que, si ces paroles de Jésus sont bien comprises, elles peuvent nous révéler le secret d’une véritable réussite de notre existence.

On dirait que pour l’Homme de Nazareth apprendre à renoncer et à se détacher soit la seule façon humaine et la seule possibilité que nous avons d’accomplir pleinement notre existence. Lorsqu’on y regarde de près, on se rend compte, en effet, qu’il y a deux forces ou deux principes qui agissent dans notre vie : le principe du plaisir et le principe de la réalité. Le principe du plaisir tend à satisfaire tous nos besoins, pour avoir tout le plaisir possible. Le principe de la réalité ou du réalisme doit tenir compte du fait que, dans la vie, il n’est pas possible d’avoir tout ce que l’on désire et qu’il y a donc des limites à notre plaisir.

Au stade oral de notre vie (lorsque nous étions bébés) notre vie était dominée par le principe du plaisir : nous pleurions et voilà maman qui venait pour nous donner son beau sein. Nous avions un problème et voilà que maman ou papa accouraient pour le résoudre. Ensuite nous avons grandi et nous avons commencé à comprendre que maman et papa avaient, eux-aussi, des besoins et des exigences et qu’ils ne pouvaient pas toujours être là, à notre disposition.

Avec le temps, nous avons compris que nous n’étions pas le centre du monde, que nous n’étions pas seuls au monde, qu’il y avait d’autres personnes et que nous devions partager le monde avec elles. Cela est très agréable, mais cela nous obligeait aussi à accepter des renoncements, des privations et à admettre des limites. Je dois renoncer à tout converger vers moi, car les autres aussi ont droit à leur part. C’est en acceptant cela que nous avons grandi. Nous avons grandi, parce que nous avons accepté la réalité. Et la réalité nous dit : tu n’es pas tout, tu ne peux pas tout avoir. Tu n’es pas seul au monde, tu es en relation nécessaire avec les autres et tu dépends aussi des autres ; tu dois penser aussi aux autres ; tu dois donc partager ; tu ne peux pas tout avoir, tout rafler ; tu dois donc en laisser aussi pour les autres, te limiter, te priver, renoncer.

        Il y a des gens qui, en ce sens, n’ont jamais grandi et qui sont restés au stade oral de leur enfance. Il y a des gens qui pensent qu’ils peuvent être heureux en consommant le plus possible, en satisfaisant des besoins fictifs et artificiels, en accumulant des jouets et des choses et en possédant des personnes : mon argent, ma maison, mon chalet, mon entreprise, mon auto, mes gadgets… Ma femme, ma blonde: elle est à moi; elle est là pour moi, pour me seconder, pour être à ma disposition, à mon service, pour me donner du plaisir. Mon enfant: je le couve, je le gâte, je le suffoque avec mon affection et mes attentions; je transfères sur lui tous mes désirs, mes rêves inaccomplis; je veux qu’il soit ce que je n’ai pas pu être; je lui dicte la route à suivre; je le rends dépendant de moi, je ne veux pas qu’il vive sa vie à sa façon, mais à la mienne; je ne veux pas qu’il se réalise selon ses goûts, mais selon les miens, je ne veux pas renoncer à lui, admettre qu’il soit différent… Je veux l’infantiliser le plus longtemps possible…

Mais vivre réellement en humain c’est grandir, mûrir, c’est accepter la réalité et donc apprendre à vivre avec les autres, à respecter les besoins, à laisser de la place pour les autres, à partager avec les autres. C’est donc apprendre à contrôler et à délimiter nos besoins, pour que les autres puissent aussi satisfaire les leurs. C’est pour cela que grandir est pénible, difficile, douloureux, souffrant. Pour vivre ta vie dans la réalité, tu dois renoncer à la vivre seulement en fonction de toi ; seulement à cette condition tu réussiras à bâtir une vie non pas à l’enseigne d’un égoïsme mesquin, avilissant et, finalement, appauvrissant, mais à bâtir une vie enrichie d’une qualité d’ouverture, de don de toi et de soins pour les autres, qui ne pourra que te faire grandir en humanité et accomplir magnifiquement ton existence. Ou comme disait Jésus, qui perd, gagne.

 La réalité nous apprend notre finitude, nos limites ; elle nous apprend la distance, la séparation, le renoncement ; elle nous apprend la souffrance ; elle nous apprend l’humilité de n’être qu’une pièce dans la grande mosaïque de la création ; qu’une note dans la grande symphonie du cosmos. La réalité nous apprend notre fragilité ; elle nous confronte avec le caractère éphémère et non nécessaire de notre existence, elle nous apprend que c’est de la folie et de la pure stupidité de notre part que de nous croire en droit d’avoir plus que les autres, de consommer plus que les autres et d’être plus rassasiés et plus heureux que les autres. La réalité nous apprend l’obligation de la limite, de la mesure et de la sobriété ; la nécessité du souci, du soin, du respect, du partage avec le monde qui nous entoure si nous voulons vivre une vie qui soit à l’enseigne d’une véritable humanité.

Nous devons être nous-mêmes et renoncer à être autre chose: voilà ce que Jésus cherche à nous dire. En effet, si nous sommes nous-mêmes, nous serons tels que Dieu nous a créés, tels que Dieu veut que nous soyons ; nous serons en conformité avec sa volonté. En effet, nous avertit Jésus, à quoi sert à l’homme vouloir être tout, tout avoir et tout expérimenter, ne renoncer à rien, s’il ne réussit pas à vivre la destinée qui lui est propre, c’est-à-dire le rôle qui correspond à la vérité de son être ? S’il ne réussit pas à apprivoiser ses failles et ses limites et à porter paisiblement la croix de sa finitude et de sa vulnérabilité ? S’il vit en contradiction avec la réalité de sa condition humaine ? Si tout le tracas avec lequel il cherche à gagner le monde n’est que l’expression ou la réaction de son angoisse qui refuse de s’accepter comme la créature fragile et transitoire qu’il est et qui tient sa valeur et son salut uniquement de sa capacité à s’abandonner dans la confiance entre les mains de Dieu?

          Pour dire cela avec le mot de Jésus: « À a quoi sert à l’homme gagner le monde entier, s‘il y perd son âme? ». Cet évangile nous dit finalement : «Ta croix, c’est l’acceptation de ton existence que dans ta foi tu reçois des mains de Dieu. Vis-la en plénitude, dans la reconnaissance et la joie. Elle se chargera de te conduire sur les chemins du renoncement, du dépouillement et du sacrifice qui seront à la mesure du don de toi et de l’amour avec lesquels tu chercheras à la vivre à l’ombre de ta foi en Dieu».  



BM