Rechercher dans ce blog

samedi 7 juillet 2012

MULTIPLICATION DES PAINS ?


LA MULTIPLICATION DES PAINS DANS L’ÉVANGILE DE JEAN (Jean 6)

Dans l’évangile de Jean, presque rien n’a valeur historique.  Tout, dans cet évangile, doit être lu et interprété en clef symbolique. Les événements, les anecdotes, les récits des miracles sont des figures et des “signes” qui renvoient toujours à une autre réalité.

Il faut comprendre le conte de la multiplication des pains comme l’actualisation visuelle, plastique, scénographique d’un enseignement que l’évangéliste met dans la bouche de Jésus un peu plus tard dans ce même chapitre.  Le sens de ce récit est donc à chercher dans ce que Jésus dira un peu plus tard.

Ce récit de la multiplication des pains n’a donc de sens et de valeur que si nous sommes capables de rentrer dans la symbolique que l’évangéliste utilise pour nous présenter ce "signe" accompli par Jésus .

Je voudrais tout d'abord faire une petite précision afin de mieux comprendre la différence entre  les termes de  “symbole” et “signe”.

Le mot symbole vient du verbe grec “symballo”qui signifie mettre ensemble (sym=ensemble- ballo= mettre, poser, jeter).  Dans l'antiquité, le mot  “symbole”  indiquait un objet que l'on séparait entre deux personnes. Chacune d'elle repartait avec sa moitié. Après un certain temps, si les deux personnes se rencontraient, elles pouvaient se reconnaître en mettant ensemble les deux morceaux de l'objet qui avait été séparé. Cette procédure pouvait être utilisée dans le cas d'une alliance ou d'un pacte d'amitié.

Par la suite, le symbole se réfère à un objet qui possède en lui-même une valeur de rappel et qui fait donc penser à autre chose.  Prenons l'exemple de l'eau. L'eau a des propriétés propres qui lui donnent une valeur symbolique.  L’eau nous fait penser à la propreté,  à la vie, à la mort, etc.  Elle est utilisée lors du baptême, parce qu’elle évoque la pureté, la transformation, la vie; mais aussi la mort, la fin d’une ancienne forme de vie et le début d’une vie  nouvelle,  d’une certaine forme de résurrection.
(Cfr.. Yves Guillemette
//www.interbible.org/interBible/source/lampe/2003/lampe_030620.htm)

Dans le récit de la multiplication des pains, le pain a une valeur symbolique, dans le sens qu'il est un aliment de base qui renvoie à la notion de nourriture,  de satiété, mais aussi à celle de faim, de besoin.  Ce terme est donc utilisé pour nous renvoyer à Jésus dont la vie, l’esprit et la parole sont la nourriture dont le disciple a besoin pour grandir,  aller de l’avant, marcher, vivre en bonne santé et donc pour vivre. Pour nous, les chrétiens, Jésus est notre pain, comme il le dira lui-même un peu plus tard dans ce récit: Je suis le pain qui donne la vie. Comme vous le voyez, on retrouve ici le sens originel du symbole.  On met ensemble un objet (l'eau,  le pain) avec une réalité spirituelle (=Jésus, notre nourriture).

Le signe, par contre, est toujours en référence avec un geste, un comportement. Le signe exige que quelque chose soit vu, perçu par les sens.  Il y aura signe dans la mesure où le geste exige un discernement, une compréhension, une lecture à un second niveau. Le signe n'a de valeur que s'il dégage du sens. Dans la multiplication des pains, le pain qui a une valeur symbolique en soi, devient aussi un signe dans la mesure où c'est son partage, sa distribution et sa manducation qui dégagent une signification pour nous. Ainsi, le pain partagé qui rassasie toutes les personnes est le signe de la vie en abondance que Jésus veut donner à tous. Ce don prendra tout son sens à la condition que le pain soit reçu, accueilli et mangé. Il faut aussi une communauté et une communauté qui est dans le besoin et qui a faim pour que le signe soit parlant et significatif. ( Cfr. Y. Guillemette, ib.) .

Nous comprenons tout de suite quel est le message que l’évangéliste cherche à nous transmettre par ce “signe” qu’il  imagine accompli par Jésus.

Dès le début l’évangéliste nous fait remarquer que Jésus se trouve, avec la foule fatiguée et affamée, sur l’autre rive du lac. C’est comme s’il voulait nous faire comprendre que seulement  si nous sommes capables de quitter nos rivages, nous pouvons voir naître en nous le désir de nous asseoir avec Jésus et de goûter à la nourriture qu’il nous donne.  Passer sur l’autre rive, c’est le travail préalable que chacun doit accomplir pour avoir faim d’autres choses et avoir envie d’une autre nourriture. Car le drame de beaucoup c’est d’être des personnes installées et déjà pleinement satisfaites et rassasiées de ce qu’elles ont à leur disposition. Que de gens rivés, bloqués à la petite place qu’ils se sont taillée dans la société ! Que de gens figés sur le petit territoire qu’ils ont péniblement conquis  au cours de leur vie ! Incapables de bouger: par satisfaction, par besoin de sécurité, par commodité; par crainte du nouveau, par peur de devoir se remettre en question: mes petites valeurs bourgeoises; mes petites croyances rassurantes, ma petite vie bien confortable ! Certaines vies n’ont plus de rêves, n’ont plus de souffle, n’ont plus d’horizons.  Il y a des gens qui ont renoncé à marcher, à bouger, à découvrir, à changer, à grandir.  Ils n'ont plus faim de rien parce qu'ils pensent avoir déjà tout.  Il y a des vivants qui sont déjà morts intérieurement.

Cet évangile nous dit: toi, le disciple de Jésus, tu es celui qui a eu le courage de passer sur l’autre rive et de suivre le Maître. Tu as quitté ta vallée et tu as eu le courage de te laisser déranger et de gravir, avec le Maître, la montagne. Il n’y a rien là-haut sinon les grands espaces, le silence, la lumière, l’air et  le vent …. et  la vue des grands  horizons qui s’offrent à toi. Ici, tu as envie de voler. Ici, tu te sens libre. C’est ici, sur la montagne, que tu te rends compte d’avoir faim. Faim, non pas de n’importe quelle nourriture, mais du pain qu’Il te donne.  Ce pain peut changer ta vie; l’orienter d’une façon différente; t'ouvrir à de nouvelles valeurs; te donner une perception différente de la réalité, de ce que tu es, de ce qui est et sera ton destin; de ce qui est Dieu et les relations qui devraient exister entre les humains. Tu suis ce Maître, car tu as découvert qu’il a vraiment le bon pain dont tu as besoin .

Cet évangile nous dit aussi que ce pain est là pour la faim de tous. Tous peuvent s’asseoir à la table. Ce pain n’est pas réservé à une élite de disciples. C’est un Pain qui est donné de préférence non pas aux justes mais aux pécheurs.  Ce ne sont pas ceux et celles qui sont en bonne santé qui ont besoin du médecin, mais les malades, dira  Jésus.  Personne n’a donc le droit d’ériger des barrières, de mettre des limitations, d’inventer des obstacles, de trier ceux et celles qui peuvent en manger, de le défendre à certaines catégories de personnes parce qu’on ne les juge pas assez dignes, pas assez bonnes, pas assez pures, pas assez en règles, pas conformes… Le récit évangélique nous avertit que c’est surtout à ces personnes-là que ce pain est avant tout destiné !...  Tous en ont mangé et tous furent rassasiés.  Nulle part il est dit que Jésus ait fait une enquête pour s’assurer de la qualité morale des gens qui l’entouraient.  Ils étaient là…. et c’était tout ce qui comptait pour qu’on leur offre le Pain dont ils avaient le plus grand besoin pour avoir une meilleure qualité de vie.

B.M.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire