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samedi 21 juillet 2012

DE QUOI AVONS-NOUS FAIM ?


DE QUEL PAIN AVONS-NOUS BESOIN ?

Le « miracle » de la multiplication des pains que l’on retrouve dans les évangiles a un but ouvertement catéchistique. Les évangélistes construisent ce récit en s’inspirant du miracle du prophète Élisée qui, dans l’Ancien Testament (2 Rois, 4,42-44), rassasia quatre cents personnes avec une vingtaine de pains d’orge. Les auteurs de ce récit évangélique veulent transmettre un message bien simple: «Il y a ici quelqu’un qui est bien supérieur à Élisée!». Ce conte est, de toute évidence, construit sur le schéma de l’institution de l’Eucharistie. L'auteur utilise exactement les mêmes mots:« Il prit le pain, il le rompit et le donna à ses disciples…»; il veut donc enseigner que chaque fois que les chrétiens se réunissent pour l’Eucharistie, c’est ce même «miracle» qui s’accomplit : le don de Dieu est là pour tous et tous peuvent en être rassasiés. Son pain est donné en abondance. Ce récit   nous enseigne cependant  beaucoup d'autres choses. 

Voyons maintenant en quoi ce texte peut nous intéresser, nous qui vivons au XXIe siècle. L'auteur fait remarquer que Jésus se trouvait dans un lieu solitaire lorsqu'il accomplit le miracle de la multiplication des pains. Jésus a souvent besoin de se retirer, de s’éclipser, de s’évader loin du brouhaha, du tumulte et de l’agitation de la vie ordinaire, afin de se retrouver tout seul avec son âme. Nous avons tendance à penser que c’est un luxe, un privilège que de s’arrêter, de prendre des vacances… D’après ce que nous venons de lire, cela semble être, au contraire, une nécessité, si nous voulons donner une certaine profondeur à notre humanité.

Les rythmes de notre société moderne nous usent, nous consument, nous vident physiquement, psychologiquement et spirituellement… Fatigue, stress, dépression, burn-out, etc. D’où la nécessité de s’arrêter, de se débrancher, de se déconnecter de temps à autres, de lâcher prise pour survivre, pour ne pas devenir des robots, pour garder un semblant de dignité ou tout simplement pour garder notre liberté. Oui, pour affirmer notre liberté! Pour dire et prouver que nous ne sommes pas les esclaves de nos besoins matériels, de notre travail, du rendement, du profit… Pour affirmer que nous sommes plus que nos besoins matériels…Que nous avons besoin d’autres choses que de l’argent, que du confort. Pour affirmer que le travail, l’argent et le confort ne sont pas tout dans la vie et que ce n’est pas à cause de cela que nous allons nous sentir plus heureux et plus accomplis.

Plus que jamais nous avons besoin aujourd’hui, comme le faisait Jésus, de nous offrir des moments d’évasion, de fuite, de tranquillité et de silence…pour nous mettre en face de nous-mêmes, de notre destin, du sens de notre vie…pour faire le point, pour voir un peu plus clair (dans nos valeurs, nos priorités, nos amitiés, nos attachements, nos amours…), pour entreprendre le voyage vers l’intérieur de nous-mêmes (ce voyage que nous remettons toujours à plus tard…!), pour découvrir ce que nous sommes et ce que nous voulons en réalité. Pour prendre conscience de notre richesse et de notre pauvreté. Mais surtout pour découvrir le potentiel qui se cache en chacun de nous; ces trésors qui sont ignorés, méconnus et que souvent nous ne soupçonnons même pas de posséder et qui donc ne sont même pas utilisés. Combien de crises, combien de complexes d’infériorité, manques d’auto-estime et de confiance en soi, combien de dépressions, de névroses et de suicides seraient évités si nous étions capables de pénétrer paisiblement et sereinement à l’intérieur de nous-mêmes et de nous regarder avec le regard bienveillant de Dieu ! Nous découvririons alors que nous sommes tous de petites merveilles; que les zones positives de bonté et de lumière en nous dépassent amplement celles de la méchanceté et de l’ombre, puisque nous découvririons que nous sommes porteurs de la présence et de la manifestation de Dieu en ce monde.

Pour nous, les chrétiens, cette nécessité de retrait et de silence devient un devoir d’autant plus pressant que nous vivons une relation de confiance, d’amitié et d’amour avec le Dieu de Jésus. Comment pourrions-nous donner consistance et réalité à cette relation, sans nous tailler dans notre vie des temps d’arrêt, de silence et d’intimité avec Lui ? Comment pourrions-nous être nous-mêmes libres, vivre selon nos convictions, selon la foi qui nous anime, si nous permettons à la matérialité de notre existence de nous engloutir entièrement ? 

C’est par nous que Dieu existe, car c’est par nous qu’il est connu et reconnu,  adoré et imploré ; c’est par nous qu’il est donc  Dieu.  Et nous, c’est par Lui que nous recevons toute la grandeur de notre humanité.

Cet épisode de l’Évangile contient aussi une composante sociale sur laquelle il y aurait aussi beaucoup à dire et à réfléchir. Jésus est entouré ici d’une multitude de gens qui sont dans le besoin. Les disciples s’en rendent compte : « Qu’est-ce qu’on va faire avec tous ces gens qui ont faim et qui de toute évidence manquent de tout ?». Cependant, ils n’ont aucune intention de s’impliquer. Après tout, ce n’est pas notre problème…ce n’est pas nous qui avons causé cette situation…c’est plutôt toi…c’est notre gouvernement…c’est la situation économique…c’est la faute d’une politique irresponsable…du système capitaliste féroce, sans pitié, exploiteur et qui ne fait qu’accroître les différences et la pauvreté dans le monde et qui n’avantage que les riches et les puissants…nous sommes impuissants…nous ne pouvons rien résoudre…nous n’avons pas les moyens…renvoie-les, qu’ils s’en aillent, qu’ils se débrouillent… »

Et Jésus de leur répondre : « Il n’en est pas question ! Vous, donnez-leur à manger ! » . Il ne s’agit pas de se dérober, de trouver des excuses ou des prétextes pour justifier notre inaction ou notre apathie. Il y a toujours quelque chose à faire et on peut toujours faire quelque chose quand notre prochain est dans la détresse et le besoin, même si nous trouvons que nous moyens sont souvent insignifiants et que nous n’avons que des petits pains et deux petits poissons. Qu’est-ce qu’on peut faire avec ça ? Et pourtant…! Mettez-les en commun, nous dit Jésus, partagez-les et vous verrez le miracle qui va se produire ! Qu’est-ce que je peux faire, moi, devant le tremblement de terre qui a détruit Haïti ? Devant la dévastation du tsunami qui a rasé les côtes de l’Asie ? Devant la famine qui sévit en Somalie et les pays du sud-est africain? Toi, tout seul, pas grand-chose! Mais ensemble, nous pouvons beaucoup. En regroupant nos pauvretés, en partageant le peu que nous avons, nous pouvons faire le miracle de nourrir et secourir des multitudes. Jésus vient nous enseigner donc avec ce texte, qu’il n’y a jamais d’excuse à l’inaction et à l’indolence lorsque notre frère est dans le besoin.

BM

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