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jeudi 20 décembre 2012

QUI SUIS-JE ?


Sois toi-même et découvre ta mission 
(Jn 1,6-8, 19-28)

Tout le récit de cet évangile tourne autour de  la question que l’on adresse au Baptiste «Qui es-tu?». Question  légitime : «Qui es-tu  au delà de ta fonction ? Qui es- tu sous l’habit que tu portes ? Quelle est la nature de ta personne? » Question redoutable à laquelle bien peu de gens savent répondre. Nous savons presque tout sur  les contenus de notre profession, de notre fonction, mais nous ignorons presque tout de nous-mêmes et de notre  monde intérieur qui pourtant nous caractérise en  tant qu’individus uniques en ce monde.

Il y des gens qui identifient leur vie à leur fonction, au rôle qu’ils exercent dans la société et qui ne vivent que de cela  et pour cela. Il y des gens qui, lorsqu’ils perdent leur travail ou leur fonction, ont l’impression de perdre aussi leur vie et leur identité et ne savent plus que faire de leur existence. J’ai connu des gens pour qui la retraite a signé aussi la fin de leur bonheur, de la confiance en soi et ont sombré dans une épouvantable dépression. Quel terrible gâchis dans la vie d’une personne si  tout ce qu’elle est, si tout ce qu’elle vaut, se réduit au  métier ou à la fonction qu’elle exerce!

En général nous connaissons bien notre profession et nous sommes des professionnels compétents. La fonction  nous fournit sécurité et assurance. Dans notre profession nous n’avons qu’à nous laisser porter. Nous n’avons pas à exercer notre liberté ; car le protocole, la marche à suivre sont déjà établis à l’avance. Nous n’avons qu’à suivre le guide, les règles, les directives. C’est pour cela que, pour beaucoup de gens, s’identifier à leur  rôle peut être  une  solution de facilité; une façon  d’éviter de devoir exercer sa  propre liberté, de devoir  faire des choix qui déstabilisent ; une façon d’échapper à la responsabilité de se construire intérieurement, et de se frayer son  propre chemin dans la vie. Et beaucoup de gens sont heureux  avec ça. Ils  préfèrent  être encadrés plutôt  que  de sortir de l’encadrement. Car sortir de l’encadrement signifie être laissé à soi-même et à la responsabilité de nos choix et aux risques de notre liberté.

Mais la grande question reste :«Au-delà de tous les rôles et les revêtements, qui suis-je? Qu'est-ce qui me rend unique, irremplaçable, différent de tous les autres ?  Si vous êtes comme tout le monde, alors vous êtes des copies et votre vie non seulement n’a aucune originalité, mais aussi aucun sens.

Autrefois lorsque au collège on me disait :«Bruno, tu n’es pas comme les autres, tu as de la difficulté à t’insérer dans le groupe, tu es un original, tu fais toujours à ta tête , tu veut être différent , tu as des drôles d’idées, tu  es étrange,  tu ne cadres pas trop  bien  dans le paysage  général de ton milieu  etc.»…je  ressentais cela  comme  une critique,  une injure … Maintenant je m’en réjouis et je considère cela comme le plus beaux des  compliments. Ma mère  aussi  me disait toujours, sans doute pour me faire honte : «Bruno, tu ne rassemble pas à ton frère !!! »  Parce que mon frère était  très timide et se taisait toujours, tandis que  moi  je ne me laissais pas faire et je répliquais tout le temps. Maman ne se doutait  pas qu’elle faisait à ce moment  le plus bel éloge de son fils espiègle.

 Jean le Baptiste a commencé par  dire ce qu’il n'état  pas :«Je ne suis pas Élie, ni le Christ, ni un prophète." C'est important de rejeter tous les  rôles et les  étiquettes que les autres voudraient nous coller. Il est important de dire aux autres: «Non, je  ne suis  pas comme vous». Il y des personne qui sont fières d’imiter  leurs parents;  de  marcher  sur les traces de certains modèles, les stars,  les gourous du moment. Il y a des parents qui investissent beaucoup d’efforts en vue de faire de  leurs enfants une copie d’eux-mêmes ou de leurs  aspirations ratées.

La première attitude à avoir dans la vie c’est la dés- identification : «Moi, c’est moi. Je ne suis ni toi ni personne d’autre. J'ai mon nom. Tant pis si ne réponds pas à vos attentes, à vos critères, si je ne  rentre pas dans vos schémas. C’est le début de la liberté. Il y des parents qui, a cause de leur  angoisse de similitude, ôtent à leurs enfants cette liberté dont ils ont besoins pour devenir des adultes confiants et libres. Ils  les soumettent parfois à du chantage affectif, en les menaçant de les priver de  leur amour pour les obliger à  suivre le patron, le moule qu’ils ont choisi pour eux. Terrible !!!  Un enfant  élevé de la sorte deviendra  un adulte qui n’aura  aucune confiance en lui même ; qui sera à la traîne des autres ; qui  s’adaptera à être tout ce que les autres ont décidés pour lui (la mode, l’opinion des autres, l’autorité, etc.) et qui vivra  avec la hantise constate de ne contrarier personne.

L’autre chose importante dans la vie consiste à se libérer de ce qu’on n’est pas. C’est faire comme le Baptiste: ne pas  vouloir être comme les autres, «Non, je n'e suis pas ça…Je suis moi,  je suis différent, je suis Jean-Baptiste, je ne suis ni Élie, ni le Christ, ni un prophète."

 En ce sens l’adolescence c’est le moment le plus  merveilleux  dans la vie d’une  personne. Elle  constitue une  chance unique pour la construction  d’une authentique personnalité! Tous ces gars et ces filles qui se  révoltent, se  rebiffent,  se rebellent, qui veulent être  différents, qui ne veulent  pas ressembler à leurs parents, qui veulent parcourir d’autres chemins, inventer d’autres routes, créer un nouveau style de vie ! Ce serait magnifique s’ils étaient capables de continuer dans cette direction! Mais, hélas, trop souvent ils se font récupérer par la masse, la gang, la bande. Ils se font à nouveau encadrer, enrégimenter, endoctriner par la publicité,  le conformisme, la mode, les lois impitoyables de la société de consommation. Tout à coup ils ne veulent  plus  être différents ; ils veulent être comme  tous les autres, se confondre  avec la masse  : porter le même linge , avoir les mes clous sur le blouson, les mêmes chaines au cou, les mêmes piercings, les mêmes  tatouages . Ils s’emballent  pour  les mêmes  idoles, les mêmes  chansons, les mêmes bébelles informatiques, ils utilisent le  même jargon… Bref,  ils veulent  être tout,  sauf eux-mêmes.  Mais lorsqu‘on se perd soi-même,  son identité,  en réalité on perd tout. Parce  que mon moi, c’est  la  seule  chose qui est vraiment à moi, la seule véritable richesse  que je possède en ce vaste monde.

Finalement Jean Baptiste dit ce qu’il est. Il est un prophète (le rôle), mais il a trouvé qui il est en profondeur, il  a trouvé sa  mission  dans  la vie : «Il est la voix».  Le rôle de Mère Teresa était d'être une religieuse, mais sa mission  était «d'être un crayon dans les mains de Dieu». Etty Hillesum était une femme juive, déportée (rôle), mais sa mission était d'être un «baume pour les plaies nombreuses». Terese de Lisieux était une religieuse (rôle), mais sa mission était d'être dans l'église, l'amour. Trouver sa mission dans la vie, c’est trouver la raison pour laquelle on est venu  au monde ; c’est trouver ce qui donne sens à notre existence

Cet évangile  cherche alors à nous faire découvrir qu’il y a, pour chacun de nous une mission au delà du rôle et de la fonction que nous  exerçons dans le quotidien de notre vie. La mission c’est  la trace  que nous laissons  derrière nous après notre passage en ce monde,  c’est notre contribution à l’amélioration de ce monde grâce aux virtualités et aux richesses uniques que nous avons su bâtir en nous en tant que personnes.

BM

( 3e dim. Avent B)

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