Sois toi-même et découvre ta
mission
(Jn 1,6-8, 19-28)
(Jn 1,6-8, 19-28)
Tout le récit de cet évangile tourne autour de la question que l’on adresse au Baptiste «Qui es-tu?». Question légitime : «Qui es-tu au delà de
ta fonction ? Qui es- tu sous l’habit que tu portes ? Quelle est la
nature de ta personne? » Question redoutable à laquelle bien peu de gens savent répondre. Nous
savons presque tout sur les contenus de
notre profession, de notre fonction, mais nous ignorons presque tout de
nous-mêmes et de notre monde intérieur qui pourtant nous caractérise
en tant qu’individus uniques en ce monde.
Il y des gens
qui identifient leur vie à leur fonction, au rôle qu’ils exercent dans la
société et qui ne vivent que de cela et pour
cela. Il y des gens qui, lorsqu’ils perdent leur travail ou leur fonction, ont l’impression de perdre aussi leur vie et leur identité et ne savent plus que faire de leur existence. J’ai
connu des gens pour qui la
retraite a signé aussi la fin de leur
bonheur, de la confiance en soi et ont sombré dans une épouvantable dépression.
Quel terrible gâchis dans la vie d’une personne si tout ce qu’elle est, si tout ce qu’elle vaut, se réduit au
métier ou à la fonction qu’elle exerce!
En général nous connaissons bien notre profession et nous
sommes des professionnels compétents. La fonction nous fournit sécurité et assurance. Dans notre profession nous n’avons qu’à nous
laisser porter. Nous n’avons pas à exercer notre liberté ; car le
protocole, la marche à suivre sont déjà établis à l’avance. Nous n’avons qu’à suivre le guide, les règles, les directives. C’est
pour cela que, pour beaucoup de gens, s’identifier à leur rôle peut être une
solution de facilité; une façon d’éviter de devoir exercer sa propre liberté, de devoir faire des choix qui déstabilisent ; une
façon d’échapper à la responsabilité de se construire intérieurement, et de se frayer
son propre chemin dans la vie. Et
beaucoup de gens sont heureux avec ça.
Ils préfèrent être encadrés plutôt que de sortir de l’encadrement. Car sortir de l’encadrement signifie être laissé à soi-même et à la responsabilité de nos
choix et aux risques de notre liberté.
Mais la grande
question reste :«Au-delà de tous les rôles et les revêtements, qui suis-je?
Qu'est-ce qui me rend unique, irremplaçable, différent de tous les
autres ? Si vous êtes comme tout le
monde, alors vous êtes des copies et votre vie non seulement n’a aucune
originalité, mais aussi aucun sens.
Autrefois
lorsque au collège on me disait :«Bruno, tu n’es pas comme les autres, tu
as de la difficulté à t’insérer dans le groupe, tu es un original, tu fais
toujours à ta tête , tu veut être différent , tu as des drôles d’idées, tu es étrange, tu ne cadres pas trop bien dans le paysage général de ton milieu etc.»…je
ressentais cela comme une critique,
une injure … Maintenant je m’en réjouis et je considère cela comme le
plus beaux des compliments. Ma mère aussi me disait toujours, sans doute pour me faire
honte : «Bruno, tu ne rassemble pas à ton frère !!! » Parce que mon frère était très timide et se taisait toujours, tandis
que moi
je ne me laissais pas faire et je répliquais tout le temps. Maman ne se
doutait pas qu’elle faisait à ce
moment le plus bel éloge de son fils
espiègle.
Jean le Baptiste a commencé par dire ce qu’il n'état pas :«Je ne suis pas Élie, ni le Christ, ni
un prophète." C'est important de rejeter tous les rôles et les
étiquettes que les autres voudraient nous coller. Il est important de
dire aux autres: «Non, je ne suis pas comme vous». Il y des personne qui sont
fières d’imiter leurs
parents; de marcher sur les traces de certains modèles, les stars, les
gourous du moment. Il y a des parents qui investissent beaucoup d’efforts en
vue de faire de leurs enfants une copie d’eux-mêmes ou de leurs
aspirations ratées.
La première
attitude à avoir dans la vie c’est la dés- identification : «Moi, c’est moi. Je ne suis ni toi ni personne d’autre. J'ai mon
nom. Tant pis si ne réponds pas à vos attentes, à vos critères, si je ne rentre pas dans vos schémas. C’est le début
de la liberté. Il y des parents qui, a cause de leur angoisse de similitude, ôtent à leurs enfants
cette liberté dont ils ont besoins pour devenir des adultes confiants et libres.
Ils les soumettent parfois à du chantage
affectif, en les menaçant de les priver de
leur amour pour les obliger à
suivre le patron, le moule qu’ils ont choisi pour eux.
Terrible !!! Un enfant élevé
de la sorte deviendra un adulte qui n’aura aucune confiance en lui même ; qui sera
à la traîne des autres ; qui s’adaptera à être tout ce que les autres ont décidés pour lui (la
mode, l’opinion des autres, l’autorité, etc.) et qui vivra avec la hantise
constate de ne contrarier personne.
L’autre chose importante dans la
vie consiste à se libérer de ce qu’on
n’est pas. C’est faire comme le
Baptiste: ne pas vouloir être
comme les autres, «Non, je n'e suis pas ça…Je suis moi, je suis différent, je suis Jean-Baptiste, je
ne suis ni Élie, ni le Christ, ni un prophète."
En ce sens l’adolescence c’est le moment le plus merveilleux dans la vie d’une personne. Elle constitue une chance unique pour la construction d’une authentique personnalité! Tous ces gars et ces filles qui se révoltent, se rebiffent, se rebellent, qui veulent être différents, qui ne veulent pas ressembler à leurs parents, qui veulent parcourir d’autres chemins, inventer d’autres routes, créer un nouveau style de vie ! Ce serait magnifique s’ils étaient capables de continuer dans cette direction! Mais, hélas, trop souvent ils se font récupérer par la masse, la gang, la bande. Ils se font à nouveau encadrer, enrégimenter, endoctriner par la publicité, le conformisme, la mode, les lois impitoyables de la société de consommation. Tout à coup ils ne veulent plus être différents ; ils veulent être comme tous les autres, se confondre avec la masse : porter le même linge , avoir les mes clous sur le blouson, les mêmes chaines au cou, les mêmes piercings, les mêmes tatouages . Ils s’emballent pour les mêmes idoles, les mêmes chansons, les mêmes bébelles informatiques, ils utilisent le même jargon… Bref, ils veulent être tout, sauf eux-mêmes. Mais lorsqu‘on se perd soi-même, son identité, en réalité on perd tout. Parce que mon moi, c’est la seule chose qui est vraiment à moi, la seule véritable richesse que je possède en ce vaste monde.
Finalement Jean Baptiste dit ce
qu’il est. Il est un prophète (le rôle), mais il a trouvé qui il est en profondeur, il a trouvé sa
mission dans la vie : «Il est la voix». Le rôle de Mère Teresa était d'être une
religieuse, mais sa mission était «d'être un crayon dans les mains de
Dieu». Etty Hillesum était une femme juive, déportée (rôle), mais sa
mission était d'être un «baume pour les plaies nombreuses». Terese de Lisieux
était une religieuse (rôle), mais sa mission était d'être dans l'église,
l'amour. Trouver sa mission dans la vie, c’est trouver la raison pour laquelle
on est venu au monde ; c’est
trouver ce qui donne sens à notre existence
Cet évangile cherche alors à nous
faire découvrir qu’il y a, pour chacun
de nous une mission au delà du rôle et
de la fonction que nous exerçons dans le
quotidien de notre vie. La mission c’est
la trace que nous laissons derrière nous après notre passage en ce
monde, c’est notre contribution à
l’amélioration de ce monde grâce aux virtualités et aux richesses uniques que nous avons su
bâtir en nous en tant que personnes.
BM
( 3e dim. Avent B)
BM
( 3e dim. Avent B)
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