Marie et Elisabeth
(Luc 1,39-45)
Dimanche dernier c’était le dimanche de la joie; ce dimanche c’est celui de l’émerveillement. Si on n’est pas capable de saisir l’émerveillement et la stupeur qui transparaissent de ces textes, nous perdons l’essentiel de leur contenu. Il s’agit ici de l’étonnement de deux femmes devant l’inouï de Dieu; devant une merveille dont elles sont témoins et qu’elles découvrent à l’œuvre en elles d’abord, et ensuite dans l’histoire de leur vie. L’action de Dieu suscite le ravissement et de leur cœur et de leur esprit qui éclate en cri de joie et en un chant d’action de grâce. Un fait tout à fait ordinaire (quoi de plus naturel pour une femme que la conception d’un enfant!) a pris aux yeux de leur foi les dimensions d’une révélation merveilleuse de la puissance et de la bienveillance de Dieu à leur égard. Dans un fait anodin et bien naturel, elles voient le doigt de Dieu. Cela veut dire qu’elles savent voir au delà des apparences elles savent capter le vrai contenu, le vrai sens des événements qui surviennent dans leur vie.
La puissance de l’émerveillement ! Voir ce qui est invisible aux autres! capter des vibrations, des messages, des contenus auxquels d’autres sont complètement fermés et insensibles. Henri Nouwen qui a écrit un livre magnifique intitulé Le retour de l’enfant prodigue qui n’est autre chose qu’une description -commentaire du tableau de Rembrandt du même nom, raconte qu’il a rédigé ce livre à travers les larmes. A la suite d’une visite au musée de L’ermitage, à Saint Petersburg (Russie), où ce fameux tableau est exposé, l’auteur nous confesse qu’il passé des heures assis devant ce tableau totalement fasciné, à pleurer d’émerveillement … A cause de cet émerveillent, ce tableau lui parlait, lui révélait des contenus que d’autres personnes ne voyaient pas; suscitait en lui des sentiments, des émotions très fortes, alors que les autres visiteurs restaient indifférents.
L’émerveillement ! Nous pouvons écouter le Concerto pour clarinette, K622 ou le Concerto pour flûte et Harpe, K.299 de Mozart avec l’indifférence avec laquelle nous écoutons les nouvelles du téléjournal du soir ;ou nous pouvons les écouter en sentant des frissons par tout le corps et les larmes monter aux yeux. Ce qui fait la différence, c’est le degré de notre émerveillement. Dans l’émerveillement nous découvrons l’âme des choses, la profondeur des choses, le langage des choses, le message des choses, le mystère des choses. Si nous sommes capables de nous émerveiller, notre chien n’est plus simplement un canin; un arbre n’est plus simplement un tronc de bois avec des branches et de feuilles; une fleur n’est plus seulement un végétal avec des pétales colorées; un lac calme embrasé par le coucher du soleil n’est plus seulement un plan d’eau au soir; la terre n’est plus seulement une planète du système solaire; et le cosmos n’est plus seulement le ciel sur nos têtes ou un ensemble de corps célestes et de galaxies qui s’étendent et s’éloignent à l’infini … si nous sommes capables d’étonnement chaque choses du monde qui nous entoure est perçue comme une note magique, sublime et nécessaire d’une merveilleuse mélodie qui ne semble jouer que pour nous ravir, nous toucher, nous faire frissonner, nous extasier, nous faire trembler, nous faire pleurer, et en même temps pour nous signifier la présence d’une Énergie grandiose et insondable de puissance et d’amourqui régit tout l’univers. L’émerveillement suppose en nous la capacité de percevoir l’imperceptible, de regarder l’invisible, de voir au-delà et même de voir l’au-delà.
Quelle est notre capacité d’émerveillement ? Les enfants l’ont souvent à un degré très développé et savez-vous pourquoi? Parce qu’ils sont candides et innocents, c'est-à-dire totalement transparents. Et donc capables de se laisser traverser, de se laisser envahir, de se laisser atteindre par les messages secrets que les choses leurs lancent depuis la profondeur secrète de leur nature. Voilà pourquoi les enfants voient des choses que nous ne voyons pas ; entendent des voix et écoutent des musiques que nous n’entendons pas; vivent dans un monde que nous croyons imaginaire et où nous ne vivons plus: un monde où les arbres marchent, où les animaux nous parlent où les fleurs s’amusent à s’habiller de toutes sortes de couleurs; où les choses ont une valeur et un sens autre que celui que les adultes leur donnent. Les enfants vivent dans un monde qui n’a pas encore été altéré, rendu dur, obscur, incompréhensible et muet par la méchanceté de leur cœur. Ils savent encore écouter la voix des êtres et leur répondre et leur parler. Ils voient le monde comme il est en lui même, dans sa nature profonde, tel qu’il est sorti des mains de Dieu, avant que l’homme en pervertisse la perception à cause de l‘égarement de son cœur … L’enfant est toujours émerveillé, car il voit le monde avec les yeux de Dieu.
Et nous, les adultes, savons-nous nous émerveiller ? S’il n’y a presque plus rien ou pas grand-chose qui nous nous émerveille, cela veut dire que nous sommes devenu opaques et que nous avons perdu notre cœur d’enfant …et c’est la chose plus triste qui puisse nous arriver. Car si nous devenons incapables de voir le caractère magique et merveilleux de tout ce qui nous entoure; si nous sommes incapables de comprendre et de voir le miracle continuel par lequel nous sommes maintenus en vie, nous et la planète que nous habitons…..et si nous ne savons plus nous émerveiller devant ce monde visible et dont l’ extraordinaire beauté et perfection sont pourtant si évidentes …comment pourrions-nous y découvrir la présence de Dieu?
Car c’est finalement à cela que devrait nous conduire notre capacité d’émerveillement: percevoir que le secret de la beauté du monde est donné par l’empreinte de Lui-même que Dieu a laissé dans les êtres qu’il a lancé dans l’existence.
Comme ces figures de femmes emblématiques qui sont proposées par l’Évangile d’aujourd’hui, nous aussi, chrétiens qui savons par notre foi que Dieu est venu dans notre monde et dans notre vie, nous devrions être dans l’émerveillement pour un tel miracle. Et à cause de cet émerveillement, nous devrions, comme des enfants, pouvoir découvrir les signes de sa présence; entendre sa voix, vibrer au souffle de son Esprit, nous laisser envahir par le rêve de ce monde nouveau qu’il veut nous transmettre.
MB
( 4e dim. Avent C)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire